1 Cours n° 11 Le Cadre européen commun de référence pour les langues et l’évalu

1 Cours n° 11 Le Cadre européen commun de référence pour les langues et l’évaluation (partie 1) Le glossaire que nous vous proposons en supplément de ce cours donne un certain nombre de définitions du concept d’évaluation. Tantôt mesure, tantôt message, l’évaluation répond à un nombre important de fonctions : sélection de l’excellence, validation des acquis, régulation des apprentissages. Dans tous les cas, elle répond à une finalité éducative et repose sur des objectifs. Pour quoi évaluer, qui évaluer et quoi évaluer sont des questions préliminaires que nous devons nous poser avant de décider comment évaluer. La question pour quoi évaluer nous renvoie bien entendu au pour quoi enseigne-t-on, au pour qui enseigne-t-on, qui apprend, que doit-on enseigner et que doivent-ils savoir (faire) ? Une évaluation de qualité répond de façon claire à ces questions en apparence simples. Nous n’entendons pas défendre une attitude pédagogique en particulier. Selon le contexte, un enseignement centré sur la grammaire ou sur la compréhension de l’écrit aura toute sa légitimité. La centration sur l’apprenant sera envisageable avec de petits groupes mais beaucoup moins en amphithéâtre avec une centaine d’apprenants, et une certaine culture scolaire vous obligera peut-être dans certains pays à suivre pas à pas le livre et la méthode. La qualité de votre cours ou de l’institution dont vous aurez la charge dépendra donc de vos compétences en ingénierie éducative pour vous adapter à ces contextes et adopter une attitude congruente avec les finalités annoncées et les moyens mis en œuvre. Ce n’est pas toujours simple. Dans le cas qui nous intéresse, nous avons choisi de développer ce cours autour d’une étude de cas, celle du Cadre européen commun de référence pour les langues, désormais le Cadre européen. La plupart des institutions éducatives qui enseignent le français langue étrangère en Europe, et dans une certaine mesure dans le monde, le font désormais sur cette base du Cadre européen, et cet ouvrage dont nous allons découvrir les grands principes didactiques inspire aujourd’hui les politiques linguistiques de nombreuses institutions en FLE mais aussi dans d’autres langues. C’est aussi le socle de référence affiché des grands certificateurs européens. Nous n’oublions pas que ce n’est cependant pas le seul, et l’étude que nous vous proposons prétend donc surtout vous permettre de repérer les principes méthodologiques qui vous permettront demain de mettre en place des dispositifs évaluatifs, qu’ils soient diagnostiques, formatifs ou certificatifs, éthiques et pertinents. En évaluation, tout est 1 Le glossaire se trouve à la fin de ce cours n°1. 2 affaire de choix explicites, de centrations adaptées et de méthodologies rigoureuses. Le décor est posé, nous pouvons commencer. La construction d’un espace européen plurilingue. A l’heure de la globalisation de l’information et de la mondialisation des échanges, la maîtrise de plusieurs langues est désormais considérée comme un facteur important de réussite sociale. L’Union européenne s’est ainsi dotée d’une politique linguistique forte, basée sur le respect de la diversité des langues dites minoritaires et sur l’enseignement d’au moins deux langues étrangères à l’école, encourageant ainsi la constitution de répertoires langagiers plurilingues précoces et actifs. Cette politique n’a pas été initiée par les autorités de l’Union européenne, mais par un autre organisme multilatéral créé sur les décombres de la deuxième guerre mondiale, le Conseil de l’Europe. Cet organisme joue depuis plus de quarante ans un rôle majeur dans la défense des droits de l’homme et l’émergence d’une politique éducative aux valeurs humanistes affirmées au sein des quarante sept pays qui le composent. Sur le plan linguistique, le Cadre européen commun de référence pour les langues, publié en 2001, désormais le Cadre, a profondément marqué les politiques linguistiques, l’élaboration de matériels didactiques et la conception de certifications internationales, en Europe et au-delà2. Le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a manifesté dans ses Recommandations R (82)18 et R (98) 6 son souhait de « parvenir à une plus grande unité parmi ses membres » et atteindre ce but « par l’adoption d’une démarche commune dans le domaine culturel » (Le Cadre, 2001 : 9). Dans le domaine des langues vivantes, trois grands principes ont été retenus : - La richesse du patrimoine linguistique de l’Europe constitue une commune qu’il convient de protéger et de développer. - Seule une meilleure connaissance des langues vivantes facilitera la communication et les échanges, la mobilité et la compréhension mutuelle. - Les états membres se concerteront pour parvenir à mettre en place des dispositifs politiques coordonnés. Ces principes fondamentaux reposent sur une approche plurilingue qui « met l’accent sur le fait que, au fur et à mesure que l’expérience langagière d’un individu dans son contexte culturel s’étend de la langue familiale à celle du groupe social puis à celle d’autres groupes (que ce soit par apprentissage scolaire ou sur le tas), il/elle ne classe pas ces langues et ces cultures dans des compartiments séparés mais construit plutôt une compétences communicative à laquelle contribuent toute connaissance et toute expérience des langues et dans laquelle les langues sont en corrélation et interagissent » (Le Cadre, 2 Vous lirez à ce sujet les résultats de l’enquête mise en ligne par le Conseil de l’Europe : Synthèse des résultats d’une enquête sur l’utilisation du CECR au niveau national dans les Etats membres du Conseil de l'Europe. 2006. 3 2001 : 11). Cette conception qui se différencie du multilinguisme (connaissance et coexistence de plusieurs langues) a davantage une visée systémique qu’analytique ; on peut en effet penser que l’individu qui se trouve au contact d’au moins une langue étrangère avec l’intention de la maîtriser au moins partiellement a toujours une attitude plurilingue dans la mesure où il convoquera pour parvenir à ses fins tous les savoirs et savoir-faire à sa disposition. Par contre, les systèmes sont encore trop souvent pensés en unités cloisonnées comme à l’école où peu de concertations sont proposées par l’Institution entre les professeurs de langues vivantes, ceux de langue maternelle ou même d’autres matières. Mais comme le soulignent les auteurs du Cadre (2001 :11) « de ce point de vue, l’enseignement des langues se trouve modifié. Il ne s’agit plus simplement d’acquérir la maîtrise d’une, deux, voire même trois langues, chacune de son côté avec le locuteur natif comme ultime modèle. Le but est de développer un répertoire langagier dans lequel toutes les capacités linguistiques trouvent leur place ». C’est une notion fondamentale à laquelle nous adhérons volontiers qui complète les représentations populaires sur l’apprentissage/enseignement des langues vivantes. En remettant en question l’image du locuteur natif, les auteurs du Cadre nous rappellent implicitement que la variété des registres sociolinguistiques ne fait pas des locuteurs natifs, entendus comme le groupe de celles et ceux qui partagent une langue dès leur naissance, un groupe homogène. Dès lors, il est non seulement peu utile en termes scientifiques de vouloir baser une norme ou une référence sur un ensemble aussi hétérogène, mais il est par ailleurs tout aussi vain de penser qu’être natif suffit intrinsèquement pour maîtriser une langue. Enfin, cette idée met en évidence la liberté pour l’apprenant de ne pas viser une maîtrise parfaite de la langue cible, légitimant le choix d’atteindre par exemple un niveau élémentaire parce que celui-ci lui suffit, ou encore de ne se consacrer qu’à l’acquisition d’une compétence spécifique (la compréhension écrite, la compréhension orale…), en fonction de besoins spécifiques très particuliers. Cette politique dessinée par le Conseil de l’Europe a eu un fort impact sur la didactique des langues, et en particulier dans l’émergence du concept de compétences interculturelles. « La fluidité des frontières nationales, l’internationalisation de la vie moderne et les enjeux qui en résultent à l’égard des identités sociales, notamment de l’identité nationale, affectent notre façon de conceptualiser la communication(…). L’éducation dans son ensemble est désormais perçue par les responsables politiques comme cruciale pour le développement économique et l’intégration sociale et dans un espace multilingue comme celui de l’Europe, la politique linguistique représente une part essentielle de la politique éducative (…). C’est par l’acquisition d’une compétence interculturelle et la capacité d’affronter des situations complexes sur le plan linguistique et culturel que les citoyens pourront tirer profit d’un cadre théorique et pratique commun pour l’apprentissage, non seulement des langues, mais aussi des cultures » (Byram, 2003 : 6). Nous tenterons de voir comment ce concept désormais central peut être pris en compte dans l’évaluation en langue. 4 Cela aura bien entendu des conséquences lourdes de sens dans la mise en place d’évaluations. Le Cadre européen La principale manifestation de ces principes est donc l’élaboration du Cadre européen commun de référence pour les langues, qui est en passe d’occuper une place unique dans la didactique des langues et des cultures. Son succès et son large développement au-delà de ses frontières originelles semblent marquer d’une pierre blanche l’histoire de l’enseignement des langues. Il est encore trop tôt pour s’en réjouir ou pour le déplorer, et le manque de recul dont nous disposons nous oblige à faire preuve de modération dans l’analyse que nous pourrions faire de ce phénomène, mais force est de reconnaître qu’il recueille un certain consensus, sans doute parce uploads/Politique/ m-eval-1-le-cecr-1.pdf

  • 44
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager