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Madeleine Sylvain Bouchereau: Précurseure de la praxis féministe collective en

Madeleine Sylvain Bouchereau: Précurseure de la praxis féministe collective en Haïti Nous avons foi dans le succès. Qu'importe qu'il soit long à venir, qu'importe qu'il brille seulement pour ceux qui nous suivront, pourvu que nous ayons contribué à instaurer la justice et la démocratie dans notre pays» (M. Sylvain-Bouchereau répond aux constituants de 1946) Ce papier fait un retour sur le parcours d’une militante féministe haïtienne, Madeleine Sylvain Bouchereau (1903-1970) l’une des instigatrices de la Ligue féminine d’Action sociale. Le parcours de cette militante éclaire la façon dont les enchevêtrements entre les évènements de sa vie personnelle et les processus collectifs ont favorisé le dessinement d’une praxis féministe collective, favorisant l’institutionnalisation d’une militance féminine haïtienne. Sa militance met en évidence une forme d’engagement original ou organisation et action s’arriment à la réflexion pour favoriser le developpement d’une tradition féministe ancrée dans la réalité haïtienne. Je soutiens l’hypothèse que Madeleine Sylvain Bouchereau est la précurseure d’une praxis féministe collective qui entre réflexions et action défini un pont stratégique entre les problèmes globaux et les problèmes spécifiques des femmes. A ce titre, sa militance, notamment celle qu’elle a définie au sein de la Ligue féminine d’action sociale continue d’influencer les cadres de la militance au féminin en Haïti. Partant de là, j’envisage de faire une présentation en quatre temps de cette figure féministe. Premièrement, je présenterai son profil sociologique en montrant la manière dont le contexte politique et son cadre familial furent déterminant dans la structuration de sa militance. Deuxièmement, je parlerai de son parcours en que militante féministe en présentant ses principaux combats, pour en même temps souligner les liens entre sa formation académique et sa militance. Aussi, j’analyserai les grandes tendances de sa pensée théoriques pour visibilité les multiples dimensions de sa militance et ainsi rompre avec les tentatives d’effacement des apports des féministes dans les milieux militants en Haïti. En d’autres termes, il s’agit de rompre avec les discours décrédibilisant les savoirs faires politiques des militantes féministes. Sur le plan méthodologique, ce papier s’appuie sur des entretiens conduits avec des …… , les ouvrages de Madeleine Sylvain Bouchereau, la voix des femmes, le journal de la Ligue Féminine d’Action Sociale, et des sources secondaires traitant des figures féministes en Haïti. Le contexte historique et cadre familial de naissance de Madeleine Sylvain Bouchereau Avant de présenter le profil sociologique de Madeleine Sylvain Bouchereau, je tiens à exposer son contexte de naissance ainsi que l’environnement familial dans lequel elle avait évolué. 1 Madeleine Sylvain Bouchereau est née à Port-au-Prince le 5 juillet 1905, soit un siècle après l’indépendance d’Haïti, sous le gouvernement de Nord Alexis (1902-1908), qui a gagné les élections de 1902 contre Antoine Firmin. Madeleine Sylvain est née au tout début de XXème siècle dans un contexte politique national et international de changement intense. Elle est née immédiatement après la crise de 1867-1870. La grande crise politique dont l’enjeu fut le partage des richesses produites au niveau national entre les masses populaires (urbaines et paysannes) et les strates plus nantis d’Haïti. Si l’on s’en tient au roman de Soukar (2021) Sylvain Salnave la douce-amère, au cours de cette époque les femmes des quartiers populaires de Port-au-Prince (Morne-à-Tuff, Bel-Air, Croix-des-Bossales) ont largement supporté de ce président. Cette crise s’étant soldée par la liquidation de Salnave et l’exécution des centaines de militants et de militantes populaires, par une coalition anti populaire. Sur le plan politique, Madeleine est contemporaine d’une époque où les classes populaires commençaient à investir les villes avec l’émergence des activités non agricoles (Lucien, 2014). Sa période de naissance colle avec celle où la participation des femmes des quartiers populaires dans les affaires politiques était une réalité sociologique et politique. En plus de cette donne, au cours de sa jeunesse, elle a deux modèles en ce qui concerne la participation politique des femmes des couches moyennes et aisées : Pauline Brice et Mme Nord Alexis qui participèrent aux campagnes, allèrent en prison et plus tard en exil (Bouchereau, 1957). Madeleine a grandi dans un contexte où la présence des femmes dans l’espace public n’était pas un phénomène étrange (Lucien, 2014). Madeleine Sylvain Bouchereau est née à un moment charnière de la vie de la République. Elle était contemporaine de la modernisation de l’appareil politique en Haïti et des efforts consentis pour démilitariser l’institution de la présidence. En témoigne, l’apparition des partis dans le paysage politique haïtien, annonçant les grandes batailles électorales du début du 20eme siècle en Haïti. Au moment, de son adolescence, Madeleine assistera à un évènement qui sera déterminant dans son parcours de féministe et familiale: le Lynchage du président Vilbrun Guillaume Sam le 27 juillet 1915, qui servira de prétexte à la première occupation du pays par les États-Unis (1915- 1934). Nous supposons que cet évènement annonçant l’occupation du pays déclenchant l’activisme soutenu de ses parents ne sera pas étranger à son engagement. Sur le plan social, Madeleine a vécu le début du processus de scolarisation des filles de bonnes familles à Port-au-Prince ainsi que l’accès de cette catégorie a une profession. En témoigne, la création de l’Ecole des filles Elie Dubois et de l’Ecole Nationale des Institutrices. D’ailleurs selon Lucien (ibid.), les normaliennes furent parmi les premières qui laissent leurs foyers pour travailler dans l’espace public. Pour Lucien (2013) elles étaient carrément majoritaires dans les espaces symboliques hautement valorisés, notamment les salons Ce fut la période ou de grands chantiers furent envisagés à Port-au-Prince annonçant une possible modernisation de la ville (Lucien, 2013, 201). La capitale était devenue un lieu de débat politique. Des clubs furent crées, des journaux et de associations font leur apparition. A ce titre, elle a grandi aussi au moment où la plupart des organisations qui allaient constituer le mouvement sociale haïtien se mettaient en place. 2 Les bouleversements initiés par l’Occupation et les problèmes économiques que connut le pays durant ces périodes à cette période favoriseront aussi l’entrée des femmes des classes aisées sur le marché du travail formel. Quant aux paysannes qui ont migré vers les villes du fait de la dépossession de leurs terres par les marines, elles deviennent entre autres blanchisseuses, vendeuses, ou trieuses de café. Cette dynamique insuffla aux femmes de nouveau mode de pensée et d’être dans la ville selon le même auteur. En témoigne leur syndicalisation au sein de collectif ouvrier luttant pour leurs droits en tant que travailleurs au cours de cette période. Sur le plan culturel, selon Lucien, la période de jeunesse de Madeleine correspond à celle où les femmes commençaient à s’approprier des lieux de loisirs. A noter aussi que la proposition de personnes vivant en concubinage était supérieure à ceux vivant dans l’institution du mariage. Si sur le plan national, tel était le contexte, sur le plan international, la situation n’était pas moins inquiétante. Les démêlées avec la République Dominicaine à cette époque posera les questions liées à la souveraineté des deux pays. En témoigne le massacre perpétrés par les dominicains sur les travailleurs haïtiens en 1937.Aussi, cette période correspond à celle ou les Etats-Unis avait développé des velléités impériales, envisageant d’occuper les autres pays de la région caribéenne. En effet, cette période correspond à celle ou les Etats-Unis ont débuté le processus de vassalisation de la République d’Haïti en mettant en œuvre une gestion administrative centralisée de contrôle du pays. A cote de cela, elle est aussi contemporaine de la première guerre mondiale de 1914 et de la grande dépression économique de 1929. Née dans une famille, intellectuelle bourgeoise du début du 20eme siècle, Madeleine Sylvain Bouchereau, est la fille du poète diplomate Georges Sylvain et de sa femme Eugénie Malebranche Sylvain. Ses parents faisaient partie de l’élite instruite qui intervenait dans les affaires politiques. Son père était diplomate. Ils étaient parmi les instigateurs de l’Union patriotique. Cette organisation préconisait la lutte non armée contre l’Occupation à l’inverse des paysans et paysannes Cacos qui menaient la lutte armée. L’union patriotique était un le groupe politique urbain qui avait lutté contre l’Occupation en portant les diverses revendications de la nation contre cet affront qu’avait constitué cet évènement. La mère de Madeleine faisait partie de celles qui à coté de leurs proches masculins portaient les idées nationalistes anti-occupation (Lucien, 2013). Elle fut parmi celles qui soulevaient les consciences contre l’Occupation dans les marchés, les églises et les lieux publics, tout en participant à des collectes de fonds pour soutenir les campagnes anti-occupation. Donc, Madeleine dans son enfance a baigne dans une ambiance de protestation qui fait partie de son patrimoine et matrimoine familial. En d’autres termes elle a grandi dans un terreau revendicatif dans le foyer des Sylvain Malebranche. Représentante en Haïti de la Ligue Internationale des Femmes pour la Paix et la Liberté, Eugénie Malebranche Sylvain avec d’autres en 1926 avait accompagné les délégués de la Ligue (Manigat…). L’identité glocale du mouvement fut amorcée dès cette période. A noter qu’au sein de l’Union Patriotique, les femmes furent parmi celles qui posaient la question de la désoccupation en mettant en avant les viols des femmes et filles haïtiennes par les marines. uploads/Politique/ madeleine-sylvain-bouchereau-version-15032022.pdf