Dans quelle mesure l’aménagement du territoire néo-calédonien est-il un acte po
Dans quelle mesure l’aménagement du territoire néo-calédonien est-il un acte politique dont les mouvements de centralisation et de décentralisation sont nés des tensions entre intérêts de l’Etat et revendications locales ? Introduction Depuis 1974, l’Organisation des Nations Unies tient à jour une liste des territoires non-autonomes, c’est-à-dire qu’elle considère comme non-décolonisés. Si cette carte est très politique et donc très controversée, il est intéressant de remarquer que sur les dix-sept territoires qu’elle considères comme étant toujours des colonies, deux appartiennent à la France : la Polynésie Française, et la Nouvelle-Calédonie. Si les polynésiens ont très largement (82%) rejeté l’indépendance en mai 2018, la situation de la Nouvelle-Calédonie est un peu plus complexe, comme l’ont illustré les résultats beaucoup plus serrés du référendum d’indépendance de Novembre dernier, le non ne l’emportant qu’avec 56,4% des voix. Ce résultat est le fruit de l’histoire territoriale particulière de la Nouvelle-Calédonie. En effet, cet archipel mélanésien, composé de 4 îles, est proclamé colonie Française en 1853 soit plus de 200 ans après des colonies telles que la Réunion ou les Antilles par exemple. La Nouvelle-Calédonie devient alors le territoire le plus éloigné de la métropole (17 000km). Sur place, les colons se retrouvent confrontés aux Kanaks, une société traditionnelle et tribale, présente sur le Cailloux depuis plus de 3000 ans. Originellement, la Nouvelle-Calédonie accueillait des infrastructures pénitentiaires. Progressivement, les colons et leurs descendants (les Caldoches) vont s’approprier les terres de l’île principale (Grande Terre), regroupant les Kanaks dans des réserves, au nord et à l’est de l’archipel, des territoires inhospitaliers, montagneux et isolés. Quand, au sortir de la Seconde Guerre Mondiale de nombreuses colonies commencent à revendiquer leur indépendance, Caldoches et Kanaks continuent de cohabiter. Le passage de plusieurs dispositions, telles que la Loi Lamine Guèye du 7 avril 1946 (qui accorde la nationalité française pleine et entière à tous les Français, indigènes compris), et le statut du 20 septembre 1947 (qui accorde l’égalité politique et l’accès égal aux institutions), permettent alors aux Kanaks d’obtenir leurs droits civils, la liberté de circulation et la liberté de propriété. Mais l’archipel n’en demeure pas moins façonné par son passé colonial et son éloignement, ce qui en fait un territoire très spécifique difficile à intégrer pleinement à la République Française. Aujourd’hui, la Nouvelle-Calédonie est un territoire sui generis (qui ne dispose donc pas d’équivalent institutionnel), et c’est cette spécificité qui nous a poussées à nous y intéresser afin de mieux comprendre les faits historiques à l’origine de ce présent. Pour ce faire, il nous a semblé pertinent de nous pencher sur une période qui nous est apparue comme déterminante dans l’histoire territoriale de la Nouvelle-Calédonie, s’étendant des Lois Cadre-Defferre du 23 juin 1956, qui amorcent une centralisation progressive du territoire afin de lutter contre l’autonomie naturelle induite par l’éloignement géographique de l’archipel, jusqu’aux accords de Matignon-Oudinot, signés le 26 juin 1988, qui consacrent l’organisation de référendums d’autodétermination décennaux. On note donc au cours de cette période une importante évolution dans les rapports entretenus entre la métropole et la Nouvelle-Calédonie. C’est la raison pour laquelle il nous a paru intéressant de nous concentrer sur cette période, et sur la manière dont les choix faits par l’État en termes d’implication institutionnelle, politique et territoriale ont pu être à l’origine de cette évolution. Ainsi pouvons nous nous demander dans quelle mesure l’aménagement du territoire néo-calédonien est un acte politique dont les mouvements de centralisation et de décentralisation sont nés des tensions entre intérêts de l’État et revendications locales ? Afin de répondre à cette question, nous nous pencherons dans un premier temps sur la période 1956-1963, qui fut marquée par un abandon de la décentralisation en Nouvelle-Calédonie dû à la découverte d’intérêts stratégiques, puis sur la période 1963-1978 et sur l’ amplification du mécontentement kanak face au processus de centralisation, pour finalement nous pencher sur la période 1978-1988 durant laquelle l’escalade des violences a eu un profond impact décentralisateur sur les relations entre la Nouvelle-Calédonie et la métropole.. I. De la Loi Cadre-Defferre au Statut Jacquinot : l’abandon de la décentralisation en Nouvelle- Calédonie dû à la découverte d’intérêts stratégiques (1957-1963) L’évolution institutionnelle a largement influencé la Nouvelle Calédonie en touchant à l’équilibre politique et aux questions d’autonomie. Avec la IVème République, elle acquiert le statut de Territoire d’Outre-Mer, devenant un territoire de l’Union Française. Désormais, un Gouverneur, représentant du pouvoir exécutif, administre le territoire avec l’aide d’un Conseil privé composé de membres désignés. L’article 77 crée une assemblée élue, même si le représentant de l’état possède un droit de veto. Si la décentralisation reste encore faible, la tendance va évoluer dans les années 50, avec une nouvelle volonté de décentralisation traduite par la Loi Cadre de 1957. Néanmoins, la fin des années 50 et les années 60 sont le théâtre d’un revirement et la Nouvelle Calédonie voit progressivement son autonomie se réduire à travers les différents lois et statuts. A. La Loi Cadre-Defferre : la création d’une future référence en matière de décentralisation néo-calédonienne (1957) Un mouvement de décentralisation institutionnelle du territoire néo-calédonien est entamé par la Loi Cadre-Defferre, lui offrant une nouvelle autonomie politique et administrative. Conçue pour les territoires d’Afrique française, elle révèle des autorités métropolitaines de plus en plus favorable à la décentralisation. Appliquée par décret le 22 Juillet 1957, elle permet l’augmentation des pouvoirs aux territoires d’outre-mer « en associant les populations à la gestion de leurs intérêts propres » (article 1). Elle étend également le suffrage universel à l’ensemble de la population néo-calédonienne. Le premier article s’illustre à travers des mesures de centralisation et déconcentration administrative par une modification des instances de pouvoir : il modifie le rôle et les pouvoirs administratifs, instituant un Conseil de Gouvernement doté d’attributions nouvelles et élargit le pouvoir délibérant notamment pour l’organisation et la gestion des services territoriaux. Ainsi, l’assemblée territoriale est composée de 30 membres élus, la transformant en un véritable organe législatif local. C’est une loi qui a pour ambition de dissocier les services dépendants de l’état de ceux relevant du territoire comme le démontre les articles 3 et 4 de la Loi Cadre-Defferre. L’article 3 démontre une volonté de faciliter l’accès des populations locales à tous les échelons de l’administration et l’article 4 énonce que le Gouvernement a pour but d’élever le niveau de vie en favorisant le développement économique et sociale ainsi que la coopération économique avec la métropole en « respectant les droits coutumiers des autochtones ». Cette loi est appliquée fin des années 50 et s’inscrit dans une démarche de construction d’un nouvel équilibre politique au sein de l’archipel. En effet, la Nouvelle Calédonie est marquée par le développement de partis politiques. A partir de la Loi Cadre-Defferre et de l’extension de la citoyenneté à l’ensemble de la population, les communautés mélanésiennes vont devenir une nouvelle force politique convoitée. Elles vont donc être prises en charge par les missions et les églises qui souhaitent les initier à la politique mais également les éloigner du parti communiste. Elles vont aider à la création de la fondation de l’Union des indigènes néo-calédoniens amis de la liberté dans l’ordre (UICALO) et de l’association des indigènes néo-calédoniens et loyaltiens français (AICLF). Ces deux partis s’associent et fondent l’Union Calédonienne UC en 1953. L’émergence de ce parti, ainsi que l’influence de la Loi Cadre-Defferre permet le 06 Octobre 1957, la victoire de l’Union Calédonienne au élection territorial et par conséquent la première assemblée présidée par Michel Kauma, un kanak. La Loi Cadre-Defferre devient par la suite une référence en terme d’autonomie sur laquelle repose les discours indépendantistes mélanésiens des années 80. En effet, les décennies suivantes sont marquées par une restriction des prérogatives accordées à la Nouvelle Calédonie et une centralisation de plus en plus forte au profit de la métropole. Le changement de paradigme induit par la perte progressive des colonies françaises au cours des années 1960 pousse l’État à s’intéresser plus particulièrement à chaque territoire, notamment à ses colonies du Pacifique dans lesquelles il se découvre de nombreux intérêts politiques et économiques. B) La Constitution de la Vème République : une nouvelle orientation centralisatrice en accord avec le maintien des intérêts Étatiques (1958) Ainsi, Charles De Gaulle est rappelé au pouvoir en 1958 afin de gérer la crise algérienne. Il profite de l’échec de la IVème République pour instaurer une nouvelle constitution le 04 octobre 1958. L’ensemble des Territoires d’Outre-Mer (TOM) se retrouve avec la possibilité de choisir entre maintien dans la République ou indépendance. Alors que la plupart des territoires optent pour l’autonomie puis pour l’indépendance, la Nouvelle-Calédonie conserve, suite au référendum constitutionnel, son statut de TOM, et ainsi pour une autonomie « associant les deux communautés ». Les résultats du référendum néo-calédonien sont à nuancer car 98% des suffrages sont en faveur de l’appartenance à la République mais 40% des électeurs s’abstiennent. L’Union Calédonienne se place en faveur du « oui » lors de son troisième congrès et « déclare solennellement ne jamais demander l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie et exclure du groupement toute personne qui la demanderait ». Alors que Bernard Cornut-Gentile, ministre de uploads/Politique/ dans-quelle-mesure-l-amenagement-du-territoire-neo-caledonien-est-il-un-acte-politique-dont-les-mouvements-de-centralisation-et-de-decentralisation-sont-nes-des-tensions-entre-interets-de-l-etat-et-.pdf
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- Publié le Mai 20, 2022
- Catégorie Politics / Politiq...
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