Mémoire de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) prés

Mémoire de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) présenté à la Commission d’accès à l’information du Québec sur l’utilisation de caméras de surveillance par des organismes publics dans les lieux publics Montréal, le 22 septembre 2003 Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec 565, boul. Crémazie Est, bureau 12100 Montréal (Québec) H2M 2W3 Téléphone : (514) 383-8000 Télécopie : (514) 383-8001 Site : http://www.ftq.qc.ca Dépôt légal – 3e trimestre 2003 Bibliothèque nationale du Québec ISBN 2-89480-140-8 Table des matières Introduction.........................................................................................................................5 1. L’essor stupéfiant des nouvelles technologies de surveillance......................................7 2. Deux valeurs qui s’entrechoquent ............................................................................... 12 2.1. Big Brother : au nom de la sécurité publique… .................................................. 12 2.2. … Mais au péril de la vie privée et de la liberté? ................................................. 13 3. Non au recours systématique aux caméras!................................................................ 15 3.1. Inefficaces pour combattre la criminalité ........................................................... 15 3.2. Les risques de dérapages et d’abus sont grands..................................................16 3.3. Tout ça à quel prix? Au détriment de la vie privée.............................................. 17 3.4. Travailleurs et travailleuses sous surveillance aussi? .........................................18 4. Recommandations .......................................................................................................19 1re recommandation : une campagne d’éducation populaire......................................19 2e recommandation : restreindre l’utilisation des caméras ........................................19 3e recommandation : analyse de la criminalité ou des besoins de sécurité............... 20 4e recommandation : application des règles minimales ............................................ 20 5e recommandation : réexamen pour les systèmes existants...................................... 21 6e recommandation : non aux énormes bases de données ......................................... 21 7e recommandation : contrôler le privé aussi.............................................................. 21 Page 5 Introduction La Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) remercie la Commission d’accès à l’information du Québec de l’opportunité qui lui est offerte de faire valoir son point de vue sur la vidéosurveillance1. La centrale intervient parce que les quelque 500 000 travailleurs et travailleuses que nous représentons sont d’abord et avant tout des citoyens et des citoyennes. Bien que le thème de la consultation ne porte que sur l’usage des caméras de surveillance par les organismes publics, l’accroissement de la vidéosurveillance touche aussi le secteur privé et les milieux de travail. Ainsi, les enjeux et défis à l’égard de la surveillance et de la protection des renseignements personnels qui seront identifiés dans le cadre de cette consultation s’appliqueront vraisemblablement (ou du moins en partie) au secteur privé. C’est pourquoi la FTQ applaudit la tenue d’une telle consultation car nous considérons que l’usage de la vidéosurveillance doit faire l’objet d’une analyse approfondie et d’un large débat au sein de la société québécoise. La vidéosurveillance est, le plus souvent, implantée dans le cadre d’un programme de prévention de la criminalité ou de renforcement de la sécurité publique. Toutefois, cette surveillance donne lieu à de graves incursions dans la vie privée : en effet, les images captées par les caméras permettent non seulement à l’État mais aussi aux organismes privés oeuvrant dans le domaine de la sécurité de nous identifier. Ces images révèlent notamment des caractéristiques physiques (sexe, voix, agissements, etc.) qui sont uniques et personnelles. La FTQ voit en l’accroissement de la vidéosurveillance une menace certaine à la vie privée. Ainsi, la première partie de ce mémoire présente ce qu’est la vidéosurveillance et brosse aussi un portrait sommaire des principales innovations technologiques qui peuvent rendre la surveillance omniprésente et inopportune. La vigilance étant de mise, la FTQ expose les principaux éléments qui présentent des menaces sérieuses à la protection des renseignements personnels et, conséquemment, militent pour un moratoire sur la multiplication des caméras de surveillance. Mais plus qu’une question individuelle, la FTQ estime que la vidéosurveillance comporte des enjeux relatifs au maintien d’une société ouverte et démocratique. Comme le souligne avec pertinence le Commissaire à la vie privée du Canada2, l’usage de la vidéosurveillance pour réduire la criminalité et renforcer la sécurité publique doit être jaugé en tenant compte des valeurs et des objectifs sociaux poursuivis. Les décisions qui découleront de notre réflexion aujourd’hui auront des incidences sur le genre de société que nous voulons, du type de relations que nous souhaitons tisser avec l’État. Or, la FTQ est inquiète que la population québécoise, qui adhère aux valeurs de démocratie et de liberté, ne s’insurge pas davantage contre la vidéosurveillance dont elle fait l’objet 1 Dans ce mémoire, l’expression « vidéosurveillance » désigne tous les systèmes (caméras de surveillance en circuit fermé (CCTV), caméras biométriques ou numériques, technologies thermales, etc.) qui permettent de photographier l’image d’une personne et les supports techniques et informatiques qui leur sont associés. 2 Dans son communiqué portant sur les conclusions sur la surveillance vidéo par la GRC à Kelowna, octobre 2001. Page 6 notamment, croyons-nous, parce qu’elle en est peu consciente. Dans son ensemble, le mémoire de la FTQ constitue un plaidoyer pour le maintien d’une société moderne et démocratique, respectueuse des droits et des libertés. Page 7 1. L’essor stupéfiant des nouvelles technologies de surveillance Depuis les événements du 11 septembre 2001 qui ont amplifié les préoccupations de sécurité à l’échelle mondiale, l’intérêt pour l’usage de caméras de surveillance s’est décuplé. Porté par les innovations technologiques, on assiste à une prolifération de la vidéosurveillance : il existerait plus de 25 millions de caméras de surveillance dans le monde dont 2,5 millions sur le seul territoire de la Grande-Bretagne! Bien qu’à une échelle nettement plus réduite, le Québec n’échappe pas à cette tendance. Les Québécois et Québécoises sont désormais assujettis à une surveillance constante, souvent à leur insu, lorsqu’ils se promènent dans des lieux publics : parcs, stationnements, guichets automatiques des institutions financières, quais de métro, halls d’entrée des édifices provinciaux et municipaux, axes routiers, grands magasins, salles de classe, etc. Les premières générations de caméras — majoritairement en usage dans ces endroits aujourd’hui — fonctionnent en circuit fermé (Close Circuit Television ou CCTV) et sont largement employées pour assurer la sécurité des lieux publics. L’image classique qui nous vient à l’esprit est celle du gardien (gardienne) de sécurité assis devant un nombre impressionnant d’écrans de télévision qui reproduisent les images captées par les caméras stratégiquement disposées pour assurer la sécurité des biens et des personnes. Généralement, ce type de surveillance fonctionne sur un mode essentiellement défensif car les documents vidéos sont consultés ultérieurement au besoin si un méfait a été commis. Or, grâce à la numérisation, on assiste à une véritable révolution dans la collecte, le stockage et la manipulation des données mais aussi dans les technologies de la vidéosurveillance. Les innovations technologiques seulement dans le domaine de la caméra de surveillance sont effarantes : miniaturisation des caméras, caméras qui pivotent à 360°, dites biométriques qui enregistrent les caractéristiques faciales, à haute-résolution, à vision nocturne, dites électromagnétiques qui « voient » à travers les matières3, à infrarouges qui détectent des variations de température, à faibles doses de rayons x qui donnent une image du corps et de tout ce qu’il transporte. Ajoutez à ces caméras à la fine pointe de la technologie des zooms puissants, la numérisation de l’image et la transmission d’images par réseau numérique directement à un ordinateur et tous les ingrédients sont réunis pour conférer à la vidéosurveillance un caractère omniprésent et envahissant. La mise en réseau des caméras à des ordinateurs permet à un seul opérateur de contrôler une multitude de caméras par le simple clic d’une souris. En outre, les images captées par ces caméras peuvent être stockées dans de puissants ordinateurs qui ont la capacité de comparer ces informations avec celles d’autres bases de données (de la police, par exemple), et ce, en temps réel. Contrairement aux données analogiques où la gestion des cassettes est lourde et compliquée, les images sur disques compacts ou DVD peuvent être indexées, ce qui en facilite la recherche. En somme, de nombreux renseignements personnels peuvent être stockés dans de gigantesques bases de 3 Et peuvent discerner les contours d’une arme dissimulée sous les vêtements. Page 8 données, manipulée et analysée à faibles coûts. Dans ce contexte, la protection des renseignements personnels devient un défi de taille. Les caméras de surveillance ne sont pas en soi tellement menaçantes, mais lorsqu’elles sont couplées à des logiciels dits « intelligents » — présentement, l’industrie de la vidéosurveillance travaille sur un grand nombre de ces logiciels —, elles décuplent les possibilités d’identification et de création de mégabases de données. Par exemple, les images captées par les caméras biométriques pourront être appariées avec des photos numérisées issues de fichiers de malfaiteurs, de personnes recherchées ou de présumés terroristes de la police mais aussi de fichiers administratifs gouvernementaux4, et ce, à l’aide d’un logiciel de « reconnaissance faciale5 ». Lorsqu’elle sera au point, cette technologie permettra de créer d’immenses bases de données biométriques. Le logiciel Automatic Number Plate Recognition Technology6 permet d’apparier la photo d’une plaque d’immatriculation aux bases de données administratives qui comportent les informations personnelles présentes sur un permis de conduire : photo, nom, adresse, âge, effractions au code de la route, etc. Le nec plus ultra dans le domaine de la surveillance sont des logiciels qualifiés de « vision intelligente7». Ils renferment des algorithmes8 de comportements « acceptables» ou « normalisés » et permettant donc d’identifier les comportements « déviants » ou « hors-norme uploads/Politique/ memoire-de-la-federation-des-travailleurs-et-travailleuses-du-quebec-ftq.pdf

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