Institut du Bosphore N°1– Décembre 2009 Courrier de l’Institut du Bosphore No:1

Institut du Bosphore N°1– Décembre 2009 Courrier de l’Institut du Bosphore No:1 - Janvier 2010 Courrier de l’Institut du Bosphore No: 15 – Mars 2011 1 « La Turquie refuse de partager la responsabilité d’une opération que certains décrivent comme une croisade. » Le ministre des affaires étrangères turc Ahmet Davutoglu à propos de l’opération militaire en Libye, dans Le Monde, 25 mars 2011 La citation du mois A la une : Réticences turques envers l’intervention militaire en Libye Engagée aux côtés de ses alliés de l’OTAN dans le cadre de l’intervention en Libye, la Turquie fait preuve de réticences, cherchant avant tout à ménager l’ensemble de ses partenaires. Dès les débuts de la crise libyenne, la Turquie s’est prononcée en faveur d’une résolution pacifique du conflit, se positionnant comme médiateur potentiel. Après les premières opérations de la coalition, le premier ministre Erdogan s’était déclaré en faveur d’un « arrêt des combats de part et d’autre, à la fois dans l’est et l’ouest de la Libye » (L’Humanité, 15 mars). Il avait ensuite espéré que l’intervention « s’achève au plus vite », pour que la « Libye puisse retrouver la stabilité au plus tôt » (AFP, 20 mars). Le premier ministre avait ajouté que la Turquie ne « pointerait jamais le fusil sur le peuple libyen, le changement devant intervenir par des dynamiques internes, pas par des interventions étrangères » (Le Monde, 24 mars). Dès lors, il n’était pas surprenant que la Turquie « refuse le principe d’une coordination par l’OTAN d’opérations qui feraient des victimes civiles » (Le Monde, 25 avril), retardant les négociations. Ankara a depuis pris position en faveur « d’efforts de contrôle en Méditerranée et de l’aéroport de Benghazi » (RFI, 25 mars 2011). La Turquie est aujourd’hui la « plus grosse contributrice au dispositif au large des côtes libyennes ». Rien n’indiquait cependant que les Turcs aient abandonné leurs conditions, à savoir que les « frappes restent les plus limitées possibles, sans troupes d’occupation étrangères sur le sol libyen ni pillage des ressources pétrolières ». La position délicate d’Ankara s’explique notamment par son embarras vis-à-vis de ses différents partenaires. Si officiellement, la Turquie dit craindre une « irakisation » de l’intervention, avec des victimes civiles, dont les nombreux ressortissants turcs présents sur place, elle se trouve surtout « tiraillée entre un pacte qui le lie à ses alliés de l’OTAN et son souci de ne pas apparaître trop ouvertement du côté de la coalition pour ne pas se mettre à dos les populations arabes ou musulmanes de la région » (Le Figaro, 25 mars). Enfin, si la Turquie fait part de ses doutes quant au passage du commandement de l’opération aux mains de l’OTAN, Recep Tayyip Erdogan déclarait qu’il jugeait « très positif » de mettre la France « hors-circuit ». Le président Gül avait ajouté : « malheureusement, il est clair que certains pays versent dans l’opportunisme », critiquant le « rôle majeur de la France ». RFI et le Monde soulignent enfin que l’utilisation du terme « croisade » par le ministre de l’intérieur français a achevé de mécontenter les autorités turques. Institut du Bosphore N°1– Décembre 2009 Courrier de l’Institut du Bosphore No:1 - Janvier 2010 Courrier de l’Institut du Bosphore No: 15 – Mars 2011 2 Actualités Hommage rendu à Necmettin Erkaban Necmettin Erkaban est décédé le 27 février à l’âge de 84 ans. Qualifié de « dirigeant indéboulonnable de l’islam politique turc » (Le Monde, 3 mars), il avait été tantôt très présent, tantôt banni durant dix ans de la vie politique turque. Atteignant le sommet de l’Etat en devenant premier ministre en 1996, il avait été destitué après quelques mois par un coup d’Etat de l’armée, « accusé d’atteinte à la laïcité » (Le Figaro, 28 février). Cet « acteur de la lutte entre armée et islam politique » était à l’origine du « Milli Görüs » ou « vision nationale », à la fois doctrine et organisation, qui a structuré la mouvance islamiste turque jusqu’en 2001, avec l’émergence de l’AKP. S’il prônait un « panislamisme antioccidental » et poussait au rapprochement avec les pays arabe, le journal Les Echos (2 mars) rappelle que Necmettin Erkaban est aussi « entré dans l’histoire de la Turquie pour son refus de la violence en politique ». Les cérémonies d’hommage national entourant son décès ont rassemblé « des centaines de milliers de personnes », dont le président Gül et certains généraux du coup d’Etat de 1997. Pour le journal Les Echos, il s’agit « sans aucun doute du signe du rôle central qu’il a joué dans son pays » et son décès relance la réflexion sur la laïcité et la démocratie en Turquie, plus particulièrement avec l’AKP au pouvoir. Ce parti, qui a émergé grâce à la marginalisation du mouvement de N. Erkaban, entretient un rapport ambigu avec ce passé. D’une part, le premier ministre Erdogan, dont Necmettin Erkaban était le mentor, avait pris ses distances avec lui, affirmant « renoncer à l’islamisme traditionnel et revendiquer une identité musulmane démocrate et pro-européenne ». Quant à N. Erkaban, il considérait l’actuel premier ministre comme « dévoyé dans la démocratie conservatrice ». D’autre part, les membres de l’AKP continuent à se réclamer du Milli Görüs et Recep Tayyip Erdogan a déclaré à la mort de N. Erkaban qu’« il a été un bon exemple d’enseignant et de dirigeant pour les jeunes générations, de par sa personnalité, ses principes et le combat qu’il a mené ». En visite en Allemagne, indignation du premier ministre Erdogan sur fond de débat sur l’intégration « On n’a encore jamais mis de telles entraves politiques à un pays candidat à l’adhésion » s’est indigné le premier ministre turc lors de sa visite officielle en Allemagne (Le Monde, 1er mars). Déclarant que son pays à l’impression de n’être « même pas mis sur le même plan que des pays qui n’ont pas de perspectives au sein de l’Union », il a souhaité que « l’Allemagne joue un rôle moteur au sein de l’UE dans les négociations d’adhésion de la Turquie, comme ce fut le cas sous d’anciens gouvernement CDU ». Cependant, cela semble en mauvaise voie lorsqu’on observe la polémique qui a suivi ses propos devant une assemblée d’Allemands d’origine turque : « Vous appartenez à l’Allemagne mais vous appartenez aussi à la grande Turquie ». Poursuivant : « Intégrez-vous dans la société allemande mais ne vous assimilez pas », reprenant ainsi son thème de 2008 où « il avait même profondément choqué les Allemands en déclarant que l’assimilation est un crime contre l’humanité ». Cette fois aussi, les réponses ne se sont pas fait attendre de la part des autorités allemandes. Guido Westerwelle, le ministre allemand des affaires étrangères a estimé que « les enfants grandissant en Allemagne devaient apprendre l’allemand en priorité » (Les Echos, 1er mars), soulignant qu’il s’agissait pour lui de « clé de l’intégration » (La Croix, 1er mars). Institut du Bosphore N°1– Décembre 2009 Courrier de l’Institut du Bosphore No:1 - Janvier 2010 Courrier de l’Institut du Bosphore No: 15 – Mars 2011 3 Dossier du mois : l’affaire Ergenekon et la liberté de la presse Depuis le début du mois, l’affaire Ergenekon et ses implications suscitent l’intérêt des médias français. Rappelons qu’il s’agit du démantèlement en 2007 d’un réseau putschiste d’extrême-droite qui souhaitait déstabiliser le pays afin que soit fait appel à l’armée (L’Humanité, 18 mars). Ahmet Insel, universitaire turc, explique que les investigations qui avaient menées à cette découverte avaient été lancées avec l’aide de membres de la confrérie islamiste de Fethullah Gülen (Libération, 8 mars 2011), sur laquelle l’AKP s’était « beaucoup appuyé sur eux pour asseoir son pouvoir » car son réseau est puissant. Les journalistes d’investigation, cibles des poursuites judiciaires Alors que l’affaire compte des « milliers de pages d’instruction et 200 inculpés » (Libération, 28 mars 2011) les journalistes sont à présent dans le collimateur de la justice. Le 3 mars, c’est une dizaine de personnes issues des milieux d’opposition, dont Nedim Sener, distingué en 2010 par l’Institut international de la presse pour son livre consacré à l’assassinat du journaliste arménien Hrant Dink, et Ahmet Sik, auteur d’un document qui traite de « l’infiltration de la police par la secte islamiste Gülen », qui ont été placées en détention (Le Monde, 7 mars 2011). Si ces journalistes sont accusés « d’appartenance à une organisation terroriste », (Le Figaro, 9 mars 2011), leurs comités de soutien, soulignent qu’ils ont avant tout « en commun de critiquer la puissante confrérie musulmane ». Celle-ci « contrôlerait désormais la police et serait de plus en plus influent au sein de la justice ». C’est aussi ce que dénonçait Hanefi Avci dans ouvrage à très grand succès, paru en 2010, qui est à présent emprisonné (Le Monde, 30 mars 2011). La police turque a à présent entrepris d’éliminer toute trace du livre d’Ahmet Sik, intitulé L’armée de l’Imam, en cours de rédaction. Son éditeur explique que le 24 mars, les policiers ont « uploads/Politique/ reticences-turques-envers.pdf

  • 33
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager