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Jeudi 3 avril 2014 - 70 e année - N˚21526 - 2 ¤ - France métropolitaine - www.lemonde.fr --- Fondateur : Hubert Beuve-Méry - Directrice: Natalie Nougayrède M ars a été cruel à Kaboul. Avril ris- quedel’êtreplusencore.L’Afgha- nistan vit, ces temps-ci, des heu- resunpeuplussombresqu’àl’ha- bitude. Le pays est dans une phase de transi- tion. Il doit se rendre aux urnes, samedi 5avril,pourlepremiertourd’unscrutinprési- dentiel et des élections provinciales. LesAfghansvotentavec,entoiledefond,la perspective du retrait massif des troupes de l’OTAN – essentiellement américaines – d’ici àlafindel’année.Et,donc,lapossibilitéd’une reprise de la guerre civile entre le pouvoir, d’un côté, et les talibans, de l’autre. MenéesparlesEtats-Unisou,secrètement, par l’actuel président, Hamid Karzaï, toutes les tentatives de négociations avec les tali- bans ont échoué. Protégés par une partie de l’Etatpakistanais,lestalibansveulentpartici- per au pouvoir à Kaboul sans donner aucune garantiepréalable, politiqueou militaire. Ilss’opposent,notamment,àlaconclusion entreKabouletlesEtats-Unisd’unaccordsur lemaintiend’uneforceaméricainerésiduelle – quelque 10000 hommes – pour encadrer l’armée afghane. L’échec des négociations de paix a conduit les talibans à tout faire pour saboter le scru- tin.Leur objectif est d’empêcher que le régi- me soit à nouveau légitimé par les urnes. Ils ont lancé une campagne d’assassinats pour terroriser les fonctionnaires chargés du vote, les militants des partis en lice, les ONG, de même que les journalistes, afghans et étran- gers. Ils disent vouloir faire «le plus de victi- mes civiles possible». Ils n’hésitent pas à tirer à bout portant sur des enfants en bas âge. Il faut tuer, et tuer encore, pour terroriser. L’enjeu est rien de moins que l’avenir de l’Afghanistan après treize années de guerre. La vérité est qu’un bon nombre d’Afghans, et certainspaysvoisins,souhaitentquelesEtats- Unis maintiennent une force. Ils veulent que l’ONU et les ONG n’abandonnent pas le pays. Ils redoutent une offensive générale des tali- bansaulendemaindudépartdugrosdestrou- pes de l’OTAN. Ils craignent une guerre civile qui se solde- rait par une victoire des talibans, ces milices armées, issues des tribus pachtounes, l’eth- nie majoritaire, pratiquant et imposant un islam ultraconservateur, aussi intolérant à l’égarddetouslesautres cultesqu’ilestimpi- toyableà l’égard des femmes. En poste depuis la chute du régime tali- ban en 2001, le président sortant, M.Karzaï, joue un jeu dangereux. Il se comporte en adversaire résolu de Washington. Il refuse de signer l’accord négocié entre Kaboul et Washington sur la force résiduelle. Il cultive une rhétorique antiaméricaine, comme s’il cherchait à se ménager, déjà, les bonnes grâ- ces des talibans. Ildénonce,àjustetitre,certainsbombarde- ments de l’OTAN qui font encore nombre de victimes dans la population. Mais il donne volontiers crédit à ce sujet à des documents qu’il sait fabriquéspar les talibans.Surtout,il feint d’ignorer cette réalité: les milliers d’Afghans civils tués depuis treize ans ont, dansleurécrasantemajorité,étédesvictimes des talibans. D’où ces heures d’angoisse, de peur et d’incertitudeque vit l’Afghanistan. p LIRE L’ENQUÊTE PAGE20 La saga du procès de Montigny-lès-Metz LeprocèsdeFrancis Heaulmeaétérenvoyé aprèsletémoignagede l’ancienmanutentionnaire HenriLeclaire. FRANCE–PAGE 11 Venezuela: le système Maduro craque Lerégimevénézuélienest confrontéàdesviolencesqui ontfaitaumoins40morts. INTERNATIONAL–PAGE 8 La biotech française, star de la Bourse Lesactionsdelastart-up GenomicVisions’arrachent àlaBoursedeParis.Lesfonds américainscherchentles bonnesaffairesenFrance. CAHIER ÉCO–PAGE 3 POUR VOTRE SANTÉ, PRATIQUEZ UNE ACTIVITÉ PHYSIQUE RÉGULIÈRE. www.mangerbouger.fr La campagne a été rude ? Cure de douceur pour tous ! ROYAL À L’ÉCOLOGIE LE RETOUR EN FORCE SAPIN À BERCY LA GARANTIE DU PRÉSIDENT HAMON À L’ÉDUCATION LA CAUTION DE GAUCHE AUJOURD’HUI ÉDITORIAL Legouvernement,unesynthèseValls-Hollande LE GOFF PAR UMBERTO ECO Afghanistan:lestalibans,laterreuretlevote Manuel Valls quitte l’Elysée, mercredi 2 avril au matin, après avoir formé son gouvernement. JEAN-CLAUDE COUTAUSSE/ FRENCH-POLITICS POUR «LE MONDE» tLepremier ministre dirigeraune équipe resserrée,qui respecte laparité et les équilibresdu PS tLesentrants: Ségolène Royal etFrançois Rebsamen. Lessortants: PierreMoscovici etVincent Peillon tLesVertsn’ont pasvoulu participer augouvernement. ChristianeTaubira restegarde dessceaux tBruxelles refuse àla France unsursis pourréduire ledéficit LIRE PAGES2 À7, CAHIER ÉCO P.5 ET LA CHRONIQUE P.21 LE REGARD DE PLANTU Y JacquesLeGoffn’est plus. Il avait 90 ans, un âge raisonnable pourla plupart des gens; pourtant, ledécèsdesafemmel’avaitlittérale- ment bouleversé. Les dernières années de sa vie, il les avait passées chez lui, immobilisé, même si ses facultésintellectuellesétaientintac- tes. Il ne cessait de travailler, de publier,sedéplaçantavecundéam- bulateurentrelesgratte-cielquefor- maient les livres qui ne trouvaient plus leur place dans les étagères bondées,sortesdeManhattand’éru- dition dans son petit appartement. LaFrances’enorgueillitd’historiens éminents de la période médiévale, et il suffit de songer, pour l’histoire de la philosophie, à Etienne Gilson, pourl’histoiredel’art,à EmileMâle ou Henri Focillon, pour l’historio- graphie, à Pirenne ou à Duby, mais LeGofffutuninterprètetrèsperson- neldecettegrandetradition. Umberto Eco LIRE LA SUITE PAGE 17 Ledosagetrèspolitiquedugouvernement Lenouveaupremierministreambitionned’incarnerunerupturerapideetradicaleaveclaméthodedesonprédécesseur, france C hargé par le président d’in- carner la promesse d’une « nouvelle étape » de son quinquennat, Manuel Valls a dû composer un gouvernement fait de subtils équilibres entre les cou- rants du PS, avec lequel il espère imposer sa marque. Son équipe a été annoncée, mercredi 2 avril dans la matinée par le secrétaire général de la présidence, Pierre- René Lemas. Laveille,leprésidentetsonnou- veau premier ministre, qui plan- chent de concert depuis lundi midi, avaient veillé jusque tard dans la soirée dans le bureau du chef de l’Etat. Mercredi matin, ils s’attachaient encore à y résoudre les multiples paramètres d’une équationpolitiquecomplexe:pré- senterun gouvernementparitaire et «resserré», qui compose avec les équilibres du PS. L’équipe Valls compte deux entrants: Ségolène Royal, qui fait son grand retour en prenant l’écologie et l’énergie, et François Resbamen, qui n’obtient pas, une fois encore, le ministère de l’intérieur, en raison du veto de ManuelValls,maisrécupèreletra- vail, l’emploi et le dialogue social. Les grands perdants sont Pierre Moscovici et Vincent Peillon, qui quittentBercyetl’éducationnatio- nale. Arnaud Montebourg prend du galon, en récupérant le titre de ministre de l’économie,sans obte- nir la haute main sur Bercy: c’est Michel Sapin, le fidèle de François Hollande qui sera ministre des finances et des comptes publics et défendra la politique budgétaire de la France à Bruxelles. Par ailleurs, Christiane Taubira reste garde des sceaux. Cette équipe est composée de professionnels sans pour autant faire étalage de «vieilles gloires». Manuel Valls veut en faire un «gouvernementde combat» capa- ble de résister aux répliques du séisme municipal du 31mars qui s’annoncent,des européennes à la présidentielle. Communiquant né, Manuel Valls s’est coulé dans le costume du manageur, expert en ressour- ces humaines et politiques. Mardi, ilavaitreçulesdirigeantsécologis- tes place Beauvau. Puis, une fois installéàMatignon,leprésidentde l’Assemblée, Claude Bartolone, celui du Parti radical de gauche, Jean-Michel Baylet, ses collègues Stéphane Le Foll, Arnaud Monte- bourg, Vincent Peillon et Christia- ne Taubira ainsi que le patron du PS, HarlemDésir. Despremièresheuresquiesquis- sent d’ores et déjà le rôle que s’ap- prête à embrasser le nouveau chef dugouvernement,quiambitionne de gouverner comme il a construit sa trajectoire politique: «Libéré de la contrainte et des équilibres d’ap- pareil qui font perdre le soutien de l’opinion»,selonunproche. Le professionnel,ce pourrait en être le titre. Ses proches, qui souli- gnent à l’envi ses expériencespas- sées à Matignon aux côtés de Michel Rocard et de Lionel Jospin, qu’il a lui-même évoquées lors de la passation, en annoncent déjà l’esprit, entrepreneurial en diable. «C’est une vraie philosophie. Une information plus fluide, une prise dedécisionsimplifiée,unecapacité à animer une équipe et la faire tra- vailler ensemble», vante l’un. «Il a réfléchi à la communication gou- vernementale et pas seulement à celle du premier ministre, appuie un autre. De la coordination, des priorités définies, un agenda maî- trisé,desmessagesquiserépètequi se déclinent: l’idée, c’est de ne plus subir.» Le nouveau premier ministre, quiseposedéjàenchefd’équipeet d’orchestre, capable d’animer un collectif,selonsesproches,s’instal- le résolument dans la rupture par rapport à son prédécesseur. M.Valls a d’ailleurs indiqué sans ambages devant M.Ayrault, lors de la passation de pouvoirs, qu’il voulait aller «encore plus loin, encore plus vite». Le nouveau «PM», même s’il a pris soin à l’is- suedelacérémonied’allerembras- ser sous l’œil des caméras une retraitée du service de presse de Matignon, n’a jamais fait dans le sentiment.L’exécutifayanttirédu scrutinla leçonselon laquellel’ab- sence de résultats ne saurait s’ac- commoderplusavantdel’amateu- risme et des dissonances gouver- nementales, M.Valls se présente, fort logiquement, comme l’hom- me de la situation, chargé de réta- blir l’ordre. «Lacoordinationetl’harmonisa- tion du travail entre Elysée et Mati- gnon,quifaisaientdéfautàl’ancien- ne architecture, seront désormais assurées», confirme un proche du président. «Le message, c’est: les couacs, ça suffit. C’est le retour de l’autorité à tous les niveaux de l’Etat», assure le vallsiste Luc Car- vounas. Pour incarner le change- ment,ManuelValls doit-ilchanger lui-même? Adoucir son image pouroffriràsontourcelledudialo- gueetducompromis?Surtoutpas, plaide l’un de ses intimes: «S’il se hollando-ayraultise, il est perdu. Manuel doit faire du Valls. C’est ce que François lui a demandé.» Certes, le nouvel hôte de Mati- gnon devra abandonner le seul registre sécuritaire pour embras- ser une palette politique infini- ment plus large, traiter en priorité de sujets économiques et sociaux qui demeurent pour lui une terre inconnue, tenter de se situer au point d’équilibre du gouverne- ment, démontrer qu’il est capable depiloterunemajoritéébranléeet des partenaires de gauche tou- jours plus turbulents. M.Valls, qui s’est souvent illustré, jusqu’ici, dans le registre de la provocation etdelatransgressionparrapportà son camp, sera évidemment contraintà des concessions. Manuel Valls ne devrait en rien modifiersaméthode.Surlaforme, vitesse et réactivité, hyperactivité médiatique, esprit commando. Surlefond,incarnationdel’autori- té et de la fermeté républicaine. La gémellité politique entre MM.Hollande et Ayrault, tous deux purs sociaux-démocrates à l’allure tranquille, s’était à terme révéléecontre-productive.Ladiffé- rence radicale d’offre politique entre MM.Hollande et Valls est censée conférer à cette dyarchie un tour plus dynamique et plus fonctionnel. Et lui apporter ce qui lui uploads/Politique/ le-monde.pdf

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