Janvier 2020 Revue de l’OFCE 165 ÉCOLOGIE ET INÉGALITÉS Justice et soutenabilit

Janvier 2020 Revue de l’OFCE 165 ÉCOLOGIE ET INÉGALITÉS Justice et soutenabilité - Justices climatiques Inégalités environnementales en France Revue de l’OFCE OFCE L’Observatoire français des conjonctures économiques est un organisme indépendant de prévision, de recherche et d’évaluation des politiques publiques. Créé par une convention passée entre l'État et la Fondation nationale des sciences politiques approuvée par le décret n° 81.175 du 11 février 1981, l'OFCE regroupe plus de 40 chercheurs (es) français et étrangers. « Mettre au service du débat public en économie les fruits de la rigueur scientifique et de l’indépendance universitaire », telle est la mission que l’OFCE remplit en conduisant des travaux théoriques et empiriques, en participant aux réseaux scientifiques internationaux, en assurant une présence régulière dans les médias et en coopérant étroitement avec les pouvoirs publics français et européens. Philippe Weil a présidé l’OFCE de 2011 à 2013, à la suite de Jean-Paul Fitoussi, qui a succédé en 1989 au fondateur de l'OFCE, Jean-Marcel Jeanneney. Depuis 2014, Xavier Ragot préside l’OFCE. Il est assisté d'un conseil scientifique qui délibère sur l'orientation de ses travaux et l'utilisation des moyens. Président Xavier Ragot. Direction Jérôme Creel, Estelle Frisquet, Éric Heyer, Lionel Nesta, Xavier Timbeau. Comité de rédaction Guillaume Allègre, Luc Arrondel, Frédérique Bec, Christophe Blot, Carole Bonnet, Julia Cagé, Ève Caroli, Virginie Coudert, Anne-Laure Delatte, Brigitte Dormont, Bruno Ducoudré, Michel Forsé, Guillaume Gaulier, Sarah Guillou, Florence Legros, Éloi Laurent, Mauro Napoletano, Hélène Périvier, Mathieu Plane, Franck Portier, Corinne Prost, Romain Rancière et Raul Sampognaro. Publication Xavier Ragot, directeur de la publication Vincent Touzé, rédacteur en chef Laurence Duboys Fresney, secrétaire de rédaction Najette Moummi, responsable de la fabrication Contact OFCE – 10, place de Catalogne 75014 Paris Tel. : +33(0)1 44 18 54 19 web : www.ofce.sciences-po.fr Dépôt légal : janvier 2020 ISBN : 979-10-90994-17-1 N° ISSN 1265-9576 – ISSN en ligne 1777-5647 – © OFCE 2020 Revue de l’OFCE, 165 (2020/1) ÉCOLOGIE ET INÉGALITÉS JUSTICE ET SOUTENABILITÉ : UNE INTRODUCTION Introduction. La transition juste . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 Un nouvel âge de l'économie et de l'environnement, par Éloi Laurent Inégalités sociales et écologiques Une perspective historique, philosophique et politique . . . . . . . . . . . . . . . . . 21 Dominique Bourg JUSTICES CLIMATIQUES Inégalités mondiales et changement climatique . . . . . . . . . . . . . . . . 37 Céline Guivarch et Nicolas Taconet Quelle justice climatique pour la France ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71 Jean Jouzel et Agnès Michelot Les dividendes du carbone Le cas des États-Unis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97 James K. Boyce INÉGALITÉS ENVIRONNEMENTALES EN FRANCE La fabrique des inégalités environnementales en France Approches sociologiques qualitatives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 119 Valérie Deldrève Soutenabilité des systèmes urbains et inégalités environnementales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 145 Le cas français Éloi Laurent Sommaire Les propos des auteurs et les opinions qu’ils expriment n’engagent qu’eux-mêmes et non les institutions auxquelles ils appartiennent. Revue de l’OFCE, 165 (2020/1) JUSTICE ET SOUTENABILITÉ UNE INTRODUCTION Introduction. La transition juste. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 Un nouvel âge de l'économie et de l'environnement, par Éloi Laurent Inégalités sociales et écologiques Une perspective historique, philosophique et politique . . . . . . . . . . . . . . . . . 21 Dominique Bourg Partie I Revue de l’OFCE, 165 (2020/1) LA TRANSITION JUSTE Un nouvel âge de l'économie et de l'environnement Éloi Laurent OFCE, École du Management et de l'innovation de Sciences Po, Stanford University L’article propose une introduction au numéro spécial de la Revue de l’OFCE « Écologie et inégalités » en présentant les différents âges de l’économie de l’environnement, le défaut d’intérêt de la discipline économique contempo- raine pour les enjeux environnementaux et les étapes de ce que serait une transition juste. Mots-clés : économie de l’environnement, économie écologique, transition juste. L’économie de l’environnement a, en 2020, au moins cent cinquante ans. On peut considérer que trois âges de cette discipline se sont succédé depuis le milieu du 19e siècle et les travaux fondateurs de Stanley Jevons en 1865 sur l’économie de l’énergie1. Le premier âge, celui de l’économie des ressources naturelles, prend son essor au sein du mouvement conservationniste, dans le sillage de Gifford Pinchot (1865-1946). Pinchot promeut notamment la notion d’« utilisation rationnelle » de la Nature et deviendra le premier chef du service fédéral des forêts des États-Unis, un des secteurs économiques où émergera au 19e siècle la notion de soutenabilité. Le but du conser- vationnisme était de garantir que les bénéfices tirés des écosystèmes 1. En l’occurrence sur les conséquences économiques de l’épuisement supposé du charbon, deuxième source d’énergie mondiale et première source énergétique de gaz à effet de serre en 2020. Introduction Éloi Laurent 8 continueraient d'être disponibles pour satisfaire aux exigences du bien- être humain. Comme le dira Pinchot : « le principe essentiel de la conservation est le développement, l'utilisation des ressources natu- relles qui existent actuellement sur ce continent au profit des gens qui vivent ici maintenant. » (Pinchot, 1909). Cette économie des ressources naturelles, à vocation utilitariste, trouve une forme de consé- cration académique avec la publication à l'orée des années 1930 par Harold Hotelling d’un article devenu classique sur l’exploitation effi- cace des ressources non renouvelables (Hotelling, 1931). Hotelling y attaque avec virulence la philosophie étatiste du mouve- ment conservationniste, qui préconisait (pour mieux pouvoir en jouir durablement) un ralentissement, voire un arrêt de l'extraction des ressources naturelles au moyen d'une augmentation de leurs prix, y compris au moyen de nouvelles taxes. Hotelling soutient au contraire que les instruments publics ne sont pas efficaces pour optimiser l'extraction des combustibles fossiles ou des minerais : c’est le marché qui doit guider les producteurs dans leur recherche de la règle de gestion optimale de ces « ressources épuisables ». La condition d'équi- libre de cette gestion, appelée plus tard « règle de Hotelling », stipule que le prix de la ressource naturelle et donc la rente qui lui est attachée doivent croître à un taux égal à celui du taux d'intérêt. Cette relation entre le taux d'extraction et le taux d'intérêt, qui prend appui sur l'intuition formalisée de Frank Ramsey, est au fondement de l'analyse d'actualisation, devenue centrale dans les travaux sur l’économie du changement climatique. Avec les travaux d’Arthur Cecil Pigou, l’économie de l’environne- ment devient une économie des externalités. Le problème essentiel que Pigou identifie est la sous-estimation par le système économique du coût réel d'extraction et de consommation des ressources natu- relles. Deux concepts clés font alors leur apparition : le coût social et les externalités. Le coût pour la société des dommages environnementaux ou de la consommation excessive des ressources naturelles (le coût social) est presque toujours supérieur à son coût pour les individus (le coût privé). Cette déconnexion, appelée externalité (négative dans le cas du dommage environnemental) donne lieu à une « défaillance du marché », celui-ci échouant à orienter les comportements écono- miques pour faire coïncider coût privé et coût social. L'économie de l'environnement est encore largement définie aujourd'hui par l'idée que la pollution est une externalité qu’il importe d’internaliser en lui donnant un prix. La transition juste : un nouvel âge de l’économie et de l’environnement. Introduction 9 Pigou illustre son raisonnement à l’aide de l'exemple des moteurs à vapeur qui peuvent mettre le feu aux champs cultivés environnants du fait des morceaux de charbon incandescent qui s'échappent parfois des cheminées des locomotives. Il considère qu'une taxe sur les dommages infligés par la compagnie ferroviaire aux cultivateurs encouragerait l'installation de dispositifs empêchant l'accident de se produire. Ce raisonnement jette les bases du principe « pollueur-payeur » (utilisé aujourd'hui en économie comme en droit) et amorce la réflexion sur la fiscalité environnementale comportementale, dont l’instauration d’un prix sur le carbone pour atténuer le changement climatique est la traduction actuelle. L’économie de la soutenabilité, qui émerge dans les années 1970 avec le travail de l'équipe Meadows au Massachusetts Institute of Technology (MIT) sur « les limites de la croissance » marque le troisième âge de uploads/Politique/ revue-165.pdf

  • 19
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager