LA NOUVELLE POLITIQUE MIGRATOIRE MAROCAINE SOUS LA DIRECTION DE MEHDI ALIOUA JE

LA NOUVELLE POLITIQUE MIGRATOIRE MAROCAINE SOUS LA DIRECTION DE MEHDI ALIOUA JEAN-NOËL FERRIÉ HELMUT REIFELD LA NOUVELLE POLITIQUE MIGRATOIRE MAROCAINE LA NOUVELLE POLITIQUE MIGRATOIRE MAROCAINE MEHDI ALIOUA et JEAN-NOËL FERRIÉ, dir. Publié par Konrad-Adenauer-Stiftung e.V. © 2017, Konrad-Adenauer-Stiftung e.V., Bureau du Maroc Tous droits réservés. Toute reproduction intégrale ou partielle, ainsi que la diffusion électronique de cet ouvrage est interdite sans la permission formelle de l’éditeur. Les opinions exprimées dans la présente publication sont propres à leurs auteurs. Coordination : Abir Ibourk Mise en pages : Babel com, Maroc Impression Lawne, Rabat, Maroc Dépôt légal : 2017 MO 4988 ISBN : 978-9954-9666-7-9 Edition 2017 SOMMAIRE 7  |  INTRODUCTION : EXTERNALISATION EUROPÉENNE DES CONTRÔLES MIGRATOIRES ET RECOMPOSITION DES CIRCULATIONS EN AFRIQUE MÉDITERRANÉENNE Mehdi Alioua, Jean-Noël Ferrié 19  |  INTRODUCTION II : POLITIQUES MIGRATOIRES ET SÉRÉNITÉ DE L’ACTION PUBLIQUE Jean-Noël Ferrié, Mehdi Alioua 35  |  CHAPITRE I : NOUVELLE POLITIQUE MIGRATOIRE ET OPÉRATIONS DE RÉGULARISATION Sara Benjelloun 77  |  CHAPITRE II : MISE EN ŒUVRE ET ENJEUX DIPLOMATIQUES DE LA NOUVELLE POLITIQUE MIGRATOIRE Sara Benjelloun 123  |  CHAPITRE III : LA NOUVELLE POLITIQUE MIGRATOIRE COMME INSTRUMENT DIPLOMATIQUE Yousra Abourabi 143  |  CHAPITRE IV : POINTS DE VUE ORDINAIRES SUR LES MIGRANTS SUBSAHARIENS Saadia Radi 165  |  CHAPITRE V : LA NOUVELLE POLITIQUE MIGRATOIRE ET LES MIGRANTS SUBSAHARIENS QUI EN BÉNÉFICIENT : UNE VITRINE POUR LE MAROC, UN MIROIR POUR LES MAROCAINS Mehdi Alioua 193  |  CHRONOLOGIE DE LA GESTION MIGRATOIRE DU PROTECTORAT À NOS JOURS 205  | ABRÉVIATIONS ET SIGLES 207  | LISTE DES AUTEURS Introduction I 1 Externalisation européenne des contrôles migratoires et recomposition des circulations en Afrique méditerranéenne Mehdi Alioua, Jean-Noël Ferrié L’instauration du système Schengen a eu un impact considérable sur les routes et les formes migratoires en Afrique méditerranéenne. En effet, depuis la généralisation du régime des visas dans l’espace Schengen, puis des restrictions auxquelles sont confrontés la plupart des Africains qui désirent migrer dans un pays-membre, les migrants ont dû s’adapter en prospectant de nouvelles destinations, renforçant ainsi les migrations Sud-Sud autant que cherchant de nouvelles portes d’entrée au Nord et produisant de nouvelles stratégies de contournement. Ainsi, des pays d’émigration comme ceux du Maghreb deviennent aussi des pays d’installations, temporaires ou longues. Les catégories de migrants elles- mêmes se brouillent, complexifiant le phénomène. Par exemple, le regroupement familial est devenu le principal critère d’entrée régulière en Europe, renforçant les liens migratoires transnationaux préexistant au détriment d’autres catégories – ce qui a placé les Marocains dans le haut des classements des primo-arrivants dans les principaux pays-membres, soulignant ainsi combien la diversité des destinations participe à celle des itinéraires migratoires, favorisant par-là même les circulations transnationales. Depuis Schengen, les migrants économiques, réfugiés, commerçants, étudiants venus d’Afrique subsaharienne sont systématiquement renvoyés à un même système de tri, et beaucoup passent par les mêmes routes sahélo-sahariennes (Bredeloup et Pliez, 2005) pour tenter leur chance dans un pays sud-méditerranéen en attendant de rejoindre les rives européennes. Pour ces migrants, passer sans visa la frontière européenne prend des années, ce qui vide de son sens la 8 notion de transit. La notion d’immigration elle-même reste insatisfaisante pour rendre compte de ce qui se passe dans cette région. Pour ces populations, la migration se déroule sur plusieurs années et dans plusieurs pays qui n’avaient pas prévu leur venue ni leur installation. La dimension spatio-temporelle (Tarrius, 1989) doit donc être impérativement replacée dans ce contexte où les trajectoires migratoires sont rythmées par des étapes au cours desquelles les migrants se réorganisent, le temps de passer la frontière qui s’érige devant eux. Ils doivent à chaque étape de leur parcours se loger, travailler, commercer, se soigner, parfois même défendre leurs droits (Alioua, 2009), avant d’essayer de passer à une nouvelle étape. Ainsi, pour vivre dans ces pays maghrébins, il a fallu que ces migrants, majoritairement subsahariens et, pour le restant, venus d’Asie (Philippines, Chine principalement) et du Moyen- Orient (Syriens principalement ces dernières années), trouvent des relais sociaux locaux. Il y a des personnes qui les ont acceptés, qui les ont aidés, qui ont commercé avec eux, qui les ont logés, qui les ont soignés, qui les ont renseignés et qui les ont soutenus face aux contrôles policiers des Etats financés par l’Union européenne et sa stratégie d’externalisation. Sinon, ils ne seraient pas parvenus à s’installer, même s’il s’agissait d’abord pour eux de reprendre leur souffle, de se réorganiser et de rendre habitable leur étape au Maghreb, notamment en installant progressivement une présence suffisamment établie pour aider ceux qui suivent. Certains de ces migrants, notamment ceux qui ont une conscience collective de leur « aventure », appellent cela « laisser la route du voyage ouverte ». Mais, comme ils ont de plus en plus de mal à passer en Europe, il a fallu qu’ils trouvent des moyens de rendre plus « supportable » leur longue attente, il a fallu qu’ils trouvent des moyens de subsistance, du travail, des logements plus « décents », mais aussi des écoles pour leurs enfants, des lieux pour se faire soigner, etc. – et cela tout en étant « sans-papiers ». C’est ainsi que des collectifs d’entraide se sont solidifiés autour de liens de solidarité de plus en plus forts, sans se substituer entièrement à la communauté d’origine et sans « étouffer » les individus et leurs projets personnels. Ces migrants, notamment subsahariens, se sont ainsi complètement insérés dans les tissus urbains des grandes villes maghrébines avant même que les Maghrébins n’en aient vraiment conscience. 9 Leur visibilité dans l’espace public, notamment médiatique, s’est accrue en même temps que la montée flagrante du racisme ordinaire, des contrôles policiers et des actes de discrimination raciale. Ceci a contribué à les faire sortir de leur invisibilité pour défendre leurs droits, comme en Tunisie et au Maroc, entraînant des débats sociétaux qui n’avaient pas jusqu’alors été envisagés. Le Maroc fut le premier pays de la région à prendre la décision de changer de politique migratoire. En 2013, dix ans après la loi sécuritaire « anti-transit » et notamment grâce à l’activité des associations de migrants, le Maroc comprend qu’il est devenu une terre d’accueil et de passage et que cela nécessite une stratégie d’action publique, une politique d’immigration radicalement nouvelle. Le Maroc lança alors une vaste campagne de régularisation, s’engagea à mieux reconnaître le statut de réfugié, à élaborer une politique d’intégration et à y associer la société civile. Celle-ci, très critique, n’a jamais hésité à faire état de la situation désastreuse des migrants subsahariens, des violences racistes et des discriminations dont ils étaient victimes. Au Maroc, comme ailleurs dans le monde, il faut qu’il y ait des militants, des journalistes, des ONG qui alertent l’opinion publique et réussissent à faire prendre conscience aux gouvernants de l’impasse que constitue l’approche sécuritaire et de la nécessité permanente de respecter les droits et la dignité des migrants. 1. QUE NOUS CACHENT LES FRONTIÈRES EUROPÉENNES SUR LA RÉALITÉ MIGRATOIRE AFRICAINE CONTEMPORAINE ET LES ENJEUX QU’ELLE SUPPOSE ? Si l’on devait résumer les faits exposés dans cette étude, afin de leur donner une profondeur historique et une dimension politique, nous dirions d’abord qu’elle met en lumière un biais dans la gouvernance migratoire européenne : faire quasi systématiquement disparaître les individus et leur consistance sociale derrière la gestion des flux. Autrement dit, la gouvernance migratoire européenne se focalise sur les frontières, notamment ce qu’elle nomme ses frontières extérieures, au lieu de s’intéresser, comme dans toute bonne 10 politique publique, aux premiers concernés, c’est-à-dire les « ressortissants » de l’action publique, ici les migrants. De ce fait, on a trop souvent confondu en Europe les réalités locales des mouvements migratoires en Afrique avec le souci d’une gestion plus efficace des flux aux frontières, notamment à cause de la pression des agendas électoraux où l’angoisse profonde, voire obsessionnelle, des migrations s’exprime à chaque fois. On n’a pas vu, par exemple, que la majorité des migrants subsahariens qui venaient au Maroc avaient pour but premier de s’y installer. Seules les images de personnes à l’assaut des grillages de Sebta et Melilla ont mobilisé les médias, appelant forcément à une gouvernance migratoire de l’urgence et du contrôle. On n’a pas vu qu’au Niger et au Mali les routes migratoires sont d’abord et avant tout des routes régionales, celles de la CEDEAO qui a instauré un espace de libre circulation et de libre installation, et celles plus transfrontalières menant principalement en Libye où des millions de migrants travaillaient, et où ils sont près d’un million à continuer de le faire, et ensuite en Algérie où ils sont quelques centaines de milliers. Pourtant, là aussi, seules les images de bateaux saturés de corps se préparant à traverser la Méditerranée ont retenu l’attention des médias européens. Les interventions de l’Union européenne et de l’OIM (Organisation internationale des migrations) dans ces pays, qui en découlent, perturbent la routine des autorités concernant les routes migratoires en créant des problèmes qui n’en étaient pas pour elles, les circulations étant dans uploads/Politique/2-la-nouvelle-politique-migratoire-marocai.pdf

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