UNIVERSITE DE GOMA-UNIGOM. REFLEXIONS SUR LE CLASSEMENT POUR INOPPORTUNITE DES

UNIVERSITE DE GOMA-UNIGOM. REFLEXIONS SUR LE CLASSEMENT POUR INOPPORTUNITE DES POURSUITES FACE A LA POLITIQUE CRIMINELLE EN DROIT POSITIF CONGOLAIS. Guy KAMBALE MATHE, Assistant. RESUME DE L’ARTICLE : Le présent article tend à démontrer la quasi-impossibilité pour le système de justice pénale congolais d’atteindre ses objectifs de prévention, de répression et de resocialisation par la poursuite de certains congolais jouissant d’un privilège de juridiction ou titulaires de quelconques influences, impossibilité résultant du recours au classement pour inopportunité des poursuites consacré par la politique criminelle congolaise actuelle. En effet, le droit positif congolais protège certains congolais et requiert son application rigoureuse à l’égard d’autres en certains cas. C’est là une situation qui justifie l’engagement des présentes réflexions pour contribuer à l’érection d’un système de justice pénale digne d’un Etat de droit et excluant des possibilités d’impunité des délinquants. Tu ne commettras pas d’injustice dans tes jugements : tu n’auras pas de faveur pour le pauvre et tu n’auras pas de complaisance pour le puissant, mais tu jugeras ton prochain selon la justice. Sainte Bible, Lévitique 19,15. 2 INTRODUCTION. Ubi societas, ibi jus (Là où il y a la société, là il y a le droit), enseigne un adage séculaire. Et nous de poursuivre, bien entendu, relativement aux présentes réflexions en ces termes : là où il y a le droit, là il y a une politique criminelle. Mais de quelle politique criminelle doit-il s’agir ? Pour répondre à cette question, prenons en considération un point de vue doctrinal selon lequel les lois pénales sont comme des toiles d’araignées dans lesquelles les petites mouches se font prendre mais que les gros insectes déchirent.1 En effet, s’il est admis que ce sont les forces sociales qui déterminent les conduites criminelles, ce sont donc logiquement les mécanismes du contrôle social et juridique, les politiques sociales des divers groupes qui définissent ce qui est ou ce qui n’est pas criminel, les règles à suivre pour y parvenir et qui, ipso facto, dictent l’opportunité des poursuites en fonction du rang social de la personne mise en cause. Les règles de procédure pénale, portant classement pour inopportunité des poursuites, font partie de ces mécanismes du contrôle social et juridique et de politiques sociales applicables en République Démocratique du Congo. Ces règles placent certains congolais, titulaires de certaines influences ou jouissant d’un privilège de juridiction, à l’abri des poursuites en vertu du principe de l’opportunité des poursuites mettant ainsi fin à l’exercice de l’action publique, par le mécanisme de la prescription, qui est la réaction pourtant officielle et logique qui serait réservée à tout fait incriminé par la loi. Cela étant, précisons que nos réflexions militent pour une politique criminelle rationnelle et cohérente devant sous-tendre une bonne administration de la justice pénale fondée sur l’égalité de tous devant la loi telle que prévue par la constitution de la République Démocratique du Congo en ces termes : « Tous les congolais sont égaux devant la loi et ont droit à une égale protection des lois.»2 L’objectif, qui est nôtre dans le cadre de ce travail, est d’essayer de contribuer à la lutte contre l’impunité implicitement entretenue par la loi pour le compte de certains congolais alors que la loi se doit d’être générale et impersonnelle. Pour atteindre cet objectif, notre travail est axé sur trois phases dont la première est consacrée aux notions sur le classement pour inopportunité des poursuites et la politique criminelle. La deuxième phase porte sur l’impunité résultant de la coexistence actuelle entre le classement pour inopportunité des poursuites et la politique criminelle quant aux objectifs du système de la justice pénale, à savoir la prévention, la répression et le resocialisation de certains délinquants. Et la dernière phase se rapporte à la nécessité d’une réforme du système de justice pénale en République Démocratique du Congo pour mettre fin à cette impunité implicitement entretenue par la loi en consacrant une meilleure politique criminelle, autrement dit, une politique criminelle rationnelle et cohérente. 1 . Revue de droit pénal et de criminologie, année 1927, p.721. 2 . Article 12 de la Constitution de la République Démocratique du Congo, Journal officiel de la République Démocratique du Congo, 47ème année, numéro spécial. 3 CHAPITRE I. DES NOTIONS SUR LE CLASSEMENT POUR INOPPORTUNITE DES POURSUITES ET LA POLITIQUE CRIMINELLE. A ce niveau de nos réflexions, il est question d’exposer, de façon générale , les idées véhiculées par le classement pour inopportunité des poursuites, d’une part et par la politique criminelle, d’autre part et ce, pour se rendre compte de leur interaction pour une bonne administration de la justice pénale. SECTION I. DU CLASSEMENT POUR INOPPORTTUNITE DES POURSUITES. Le classement pour inopportunité des poursuites, étant un des motifs du classement sans suite, il est convenable que nous placions un mot touchant le classement sans suite. Apres cela, sont abordés successivement la notion de l’opportunité des poursuites, les causes de l’opportunité des poursuites, le classement pour inopportunité des poursuites et l’action publique, ce classement et la prescription. Les mérites et les faiblesses de ce classement sont exposés à la fin de cette partie consacrée au classement pour inopportunité des poursuites. PARAGRAPHE 1. DU CLASSEMENT SANS SUITE. Ce classement est abordé concernant sa notion, ses motifs et le pouvoir d’appréciation du Ministère Public. A. NOTION DE CLASSEMENT SANS SUITE. La doctrine enseigne avec R. GUILLIEN et J. VINCENT que le classement sans suite, en tant que principe procédural en matière criminelle, est une décision prise par le Ministère Public en vertu du principe de l’opportunité des poursuites, écartant momentanément l’action publique.3 Agissant au nom de la société, le Ministère Public ne peut en principe pas renoncer à exercer l’action publique. Cependant, une fois qu’il a terminé l’instruction préparatoire, il possède un énorme pouvoir d’appréciation que lui reconnaît la loi et qui lui permet de s’abstenir de poursuivre et de classer ainsi l’affaire sans suite. A cet effet, l’article 99, alinéa 4 de l’Ordonnance-Loi n° 82-017 relative à la procédure devant la Cour Suprême de Justice dispose : « Néanmoins, lorsque l’instruction est clôturée, les personnes visées ci-dessus ne sont mises en accusation que par le président du Mouvement Populaire de la Révolution, président de la République ou son délégué, qui peut éventuellement ordonner le classement sans suite. »4 Les personnes dont il est question à l’article 99 sont : les compagnons de la révolution, les membres du comité central, du comité exécutif et du bureau politique. Et actuellement, il s’agirait de personnes qui occupent un rang social important pour telle ou telle raison et dont les poursuites ne peuvent être exercées sans l’accord préalable du chef de l’Etat. En outre, l’article 142 de l’arrêté d’organisation judiciaire prévoit : « La décision d’exercer les poursuites est réservée, dans les cas déterminés par le Procureur Général de la République, soit à lui-même, soit au Procureur Général, soit au Procureur de la République ».5 C’est ici qu’il faut considérer le privilège de juridiction qui peut justifier un classement sans suite. B. MOTIFS DU CLASSEMENT SANS SUITE. Divers peuvent être les motifs du classement sans suite et à cet effet, ce qui suit peut être retenu. 3 R. GUILLIEN et J. VINCENT, Lexique des termes juridiques, 7ème éd., DALLOZ, Paris, 1988, p.85. 44 Article 99, alinéa 4 de l’Ordonnance-Loi 82-017 relative à la procédure devant la Cour Suprême de Justice, in Journal Officiel du Zaïre, numéro 7, 1er Avril 1982, p.11, et disponible sur www.leganet.cd/legislation, consulté le 04 07 2011. 5 Article 142 de l’arrêté d’organisation judiciaire du 20 Aout 1979, LES CODES LARCIER, REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO, TOME I, Droit civil et judiciaire, LARCIER, AFRIQUE EDITIONS, Bruxelles, 2003 , p.347. 4 1. INOPPORTUNITE DES POURSUITES. Il s’agit généralement de cas dont les considérations d’ordre politique, économique ou social commandent l’abstention du Ministère Public à poursuivre une personne mise en cause pour violation de la loi pénale. Ce cas fera l’objet de développement dans les lignes qui suivent. 2. ABSENCE D’UN ELEMENT CONSTITUTIF D’UNE INFRACTION. On sait qu’une infraction, pour être constituée, doit comporter trois éléments constitutifs généraux : un élément légal, un élément matériel et un élément moral ou psychologique. De plus, elle ne doit pas être justifiée par un fait justificatif.6 En cas d’absence d’un des éléments constitutifs susvisés, le Ministère Public peut décider de classer sans suite une affaire qui était en instruction en son office. 3. RETRAIT D’UNE PLAINTE. En certains cas, le retrait d’une plainte peut amener le parquet à classer une affaire sans suite. C’est le cas par exemple de l’adultère. L’adultère peut être saisi comme une violation de la foi conjugale commise par une personne mariée qui a des relations intimes ou sexuelles avec une autre personne que son conjoint.7 A cet effet, l’article 6 du décret du 25 Juin 1948 rend apte l’époux offensé à accorder pardon et à mettre fin à l’action publique par désistement en prévoyant ce qui suit : « le plaignant outragé peut donc, en tout état de cause, par le retrait de sa plainte, arrêter la procédure.»8 C’est à ce niveau qu’il faut situer le classement uploads/Politique/article-sur-le-classement-pour-inopportunite-des-poursuites-et-la-politique-criminelle-en-r-d-congo.pdf

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