NOV. 83 LA POLITIQUE TOTALE INTRODUCTION GÉNÉRALE No 194 – P. 3 URGENCE D’UNE S
NOV. 83 LA POLITIQUE TOTALE INTRODUCTION GÉNÉRALE No 194 – P. 3 URGENCE D’UNE SAGESSE POLITIQUE TOTALE Jadis, dans des temps antédiluviens ! la politique était considérée comme une science des plus difficile et un art, l’art suprême du gouvernement des nations, qu’il convenait de laisser à des hommes compétents et sages, sous l’autorité de quelque chef désigné par la naissance, le sacre, l’élection, exempt de tout autre souci et de tout intérêt ou passion contraires. Aujourd’hui, sans qu’on y prenne garde, cette idée de la politique fait place à une nouvelle notion qui a trait à autre chose et qui, par d’autres voies, s’applique à un autre but ou idéal. L’idée nouvelle est celle de Culture, beaucoup plus vaste, englobant toute l’activité humaine individuelle et sociale ; la structure qui en définit les contours et prétend en conserver l’existence, c’est la Démocratie. La voie de leur mutuelle promotion, est celle des Droits de l’homme, qui conduit infailliblement à l’idéal de la Justice. Il ne s’agit plus d’un pays, d’une communauté historique, d’une politique concrète, rebelle à toute manipulation dialectique. Il ne s’agit plus d’étude des diverses constitutions ou régimes possibles et des lois dans leur rapport avec le pays, la nation considérés, leur intérêt général. Non, mais de la culture humaine universelle à préserver par une vraie démocratie, celle qui respecte les droits de l’homme en tous et en chacun, pour que règne une justice parfaite. C’est pour restaurer cette bienheureuse démocratie culturelle que, par exemple, les Marines ont débarqué à Grenade et, leur mission accomplie, la Démocratie rétablie, déjà retournent à la maison. C’est aussi pour ce même sauvetage de la culture et de la démocratie que les Soviétiques sont en Pologne et en Afghanistan ; mais c’est plus ardu et cela demande beaucoup de temps... Prenons connaissance et conscience de ce langage nouveau et de sa valeur “ opératoire ”. Pour cela, le premier livre venu sera encore le meilleur, le meilleur témoin des idées de tout le monde. LA CULTURE Dans le Que sais-je no 1912, L’idée de culture, un certain Victor Hell, parfaitement inconnu et qui mérite de le demeurer, constate que ce « terme à la mode... traduit en réalité des exigences et des préoccupations diverses et profondes ». Banalité qui débouche pourtant sur cette autre remarque, sidérante : « II semble même que l’intérêt que beaucoup d’individus portaient naguère aux problèmes politiques se soit déplacé vers les faits qu’on dit culturels. » Nous voilà immédiatement au centre de notre sujet. Cette promotion de la culture au rang de réalité primordiale et de valeur suprême, nous vient, explique-t-il, de la philosophie allemande, de Pufendorf par Jean-Jacques Rousseau. Ravi de l’apprendre ! C’est encore un cadeau de Saxon apporté par notre Genevois à Paris : « L’œuvre de Pufendorf se trouve mêlée aux courants d’idées qui inspireront la Révolution française ; elle exerce aussi une fonction essentielle dans la genèse de l’idée de culture. » (p. 23) Victor Hell nous dira-t-il vite en quoi consiste cette “ culture ” qui aujourd’hui se trouve substituée partout au souci politique ? Oui, et pour cela il choisit Jean-Paul II. Cela n’a rien d’étonnant au fond. Parce que la voix du Pape est la seule qui se fait entendre encore et écouter dans tout l’univers. Et en elle l’époque se reconnaît. « Lors de sa visite en France, fin mai et début juin 1980, le pape Jean-Paul II a parlé de la culture devant l’assemblée générale de l’Unesco. La presse de toute opinion a publié de larges extraits de son discours, en mettant en relief l’idée que “ l’homme est le fait primordial et fondamental de la culture ”. » Victor Hell tient à le souligner, ce sont les paroles mêmes « du Souverain Pontife d’une Église très longtemps farouchement opposée aux mouvements d’idées indissociables de l’idée de culture ». Ces idées, les voici professées par Jean-Paul II : « L’homme vit d’une vie vraiment humaine grâce à la culture. La culture est un mode spécifique de V’exister “ et de l’” ” être “ de l’homme. L’homme vit toujours selon une culture qui lui est propre, et qui, à son tour, crée entre les hommes un lien qui leur est propre lui aussi, en déterminant le caractère interhumain et social de l’existence humaine. Dans l’unité de la culture comme mode propre de l’existence humaine, s’enracine en même temps la pluralité des cultures au sein de laquelle l’homme vit (...). La culture est ce par quoi l’homme en tant qu’homme, ” est “ davantage, accède davantage à l’” ” ètre “ . » Et l’autre de souligner encore la nouveauté de ce langage dans la bouche d’un pape : « De telles paroles, qui reprennent quelques-uns des principes de l’idéalisme allemand (Schiller, Hegel...), marquent aussi l’évolution de la papauté depuis l’époque du Syllabus condamnant, avec le modernisme, les exigences culturelles qui en sont le fondement. » (p. 11) Comprenons Jean-Paul II, penseur moderne de tradition idéaliste allemande, interprète de la sociologie contemporaine à l’Unesco : Ce qui donne aux hommes leur différence, et songez à l’importance aujourd’hui du ” droit à la différence “ , ce ne sont pas, ou ce ne sont plus les religions, les nations, les classes auxquelles ils appartiennent, ni la langue qu’ils parlent, ni leurs lois civiles, ni leur degré de bien-être, de... civilisation, mais ces grandes entités collectives que sont les aires culturelles. LA DÉMOCRATIE Certes, la culture, qui est, selon le mot de Jean-Paul II, ” créatrice “ de l’être social, englobe « religion, mythologie, politique, économie, vie artistique et intellectuelle, sciences, art pratique, art technique » (p. 10). Mais ce qui la caractérise par rapport à tous ces ingrédients, désormais considérés comme d’intérêt mineur, c’est qu’elle est essentiellement une création de l’homme social par l’homme individuel, de la réalité interhumaine par chaque personne en toute liberté. Paroles de Jean-Paul II exprimant le sentiment universel. Donc, et c’est ce qui explique son émergence récente, sa modernité, la culture est le fruit de la démocratie et d’elle seule. Elle étouffe en tout autre cadre. Les diverses cultures sont comme des moissons aux couleurs chatoyantes, d’espèces diverses, qui ondoient sur une même terre féconde : la démocratie, parce qu’elles sont les expressions spontanées et collectives de la vie ” interhumaine et sociale “ des personnes quand elles ont enfin conquis liberté, égalité et fraternité. C’était, poursuit notre Victor Hell, « la noble ambition de Malraux : jeter les bases d’une démocratie culturelle ». Il explique : « II a fallu une grande Révolution pour instaurer la démocratie politique, du moins dans ses principes ; des revendications de la démocratie économique n’ont pu être satisfaites qu’au prix de luttes ouvrières, de combats syndicaux, voire de révolutions ; la démocratie culturelle pourra-t-elle faire l’économie de toute action violente et se réaliser grâce à la sagesse et à la persévérance d’une bureaucratie éclairée ? Constater la part d’utopie qui entre dans tout projet ambitieux et révolutionnaire ne doit pas conduire à méconnaître l’idéal qui l’inspire. » (p. 12) NOV. 83 La culture, projet ambitieux et révolutionnaire, exige donc un nouveau cadre de vie, la démocratie, et pour y accéder ou la restaurer, il serait étonnant que la société mondiale puisse faire l’économie de toute action violente. Diable ! Mais déjà, la culture a ses apôtres, ses militants, ses martyrs : « La culture reste vivante grâce à des hommes même très simples, qui portent en eux des principes et des valeurs essentiels qu’ils sont prêts à défendre, au péril de leur vie. Aucune banque de données ni aucun système d’informatique ne peuvent dicter le choix et le comportement qu’ils adoptent comme d’instinct parce qu’ils participent (et ici je souligne) au consensus de l’invisible qui, par-delà les choses sensibles, constitue la vie secrète d’une culture. « Comment ne pas reconnaître, en une époque marquée par les camps de concentration et d’extermination, les goulags, les asiles psychiatriques pour opposants, l’importance culturelle du sacrifice consenti par les martyrs de la liberté ? La culture n’est sans doute pas le fondement de la morale ; mais elle ne peut subsister sans valeurs morales non pas abstraites : concrétisées, en certaines circonstances, par des vies et des morts exemplaires. » (p. 16) On ne sait pas ce qu’elle est, mais on est prêt à donner sa vie pour elle. C’est au moins le substitut moderne, ou l’englobant, de la religion. Mais la nouveauté est en ceci, qu’elle naît de la démocratie, qu’elle exige la démocratie, qu’elle appelle à la défense de la démocratie fût-ce par violence, jusqu’au sacrifice suprême, à l’exemple des martyrs de la Résistance. Car la démocratie est, dans sa réalité culturelle, seule garante de la vraie vie des peuples, en eux-mêmes, pour eux-mêmes, par eux-mêmes, sans autre loi que d’expression, de conservation et d’expansion de cette vie autocréatrice, autogérée, et de son merveilleux résultat : la Culture. LES DROITS DE L’HOMME On voit par là le caractère révolutionnaire de la culture, dont la « vocation », nous dit uploads/Politique/ abbe-de-nantes-politique-total 1 .pdf
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- Publié le Jui 25, 2021
- Catégorie Politics / Politiq...
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