LES LOIS DE LA SOCIÉTÉ CHRÉTIENNE PAR CHARLES PEBIN Professeur de droit public
LES LOIS DE LA SOCIÉTÉ CHRÉTIENNE PAR CHARLES PEBIN Professeur de droit public et d'économie politique à l'Université catholique de Louvain Correspondant de l'Institut de France TOME SECOND PARIS LECOFFRE FILS ET Cie Libraires-Éditeurs 00, RUE BONAPARTE, 90 GUILLAUMIN ET Gie Libraires-Éditeurs 14, R U E W C H E L T F . U , 14 1875 Biblio!èque Saint Libère http://www.liberius.net © Bibliothèque Saint Libère 2007. Toute reproduction à but non lucratif est autorisée. LES LOIS LE LA SOCIÉTÉ CHRÉTIENNE II Droits de traduction et de reproduction réservés. Cet ouvrage a été déposé au ministère de l'intérieur en décembre 187-i. lo 178. — Typographie Lahure, rue de Fleurus, 9, ù Paris. LES LOIS DE LA SOCIÉTÉ CHRÉTIENNE LIVRE IV DES INSTITUTIONS POLITIQUES CHAPITRE I DE L'OBJET DES INSTITUTIONS POLITIQUES I L'ORDRE ET L\ LIBERTÉ Au milieu des luttes et des vicissitudes de la vie publique, rhumaiiito aspire à se reposer dans la paix et dans la liberté. Comme Dante, transporté aux royaumes éternels, y cherche LOIS. II — 1 2 LIVRE IV, CHAPITRE I. la liberté qui lui est chère et que la terre ne lui a point offerte, Libcrtà va ccrcando, ch'o si cara, les hommes, à travers les révolutions de ce monde, vont cherchant la liberté pour laquelle ils sont passionnés et qui, presque toujours par leur faute, échappe à leur poursuite. Il est des moments où les hommes, épou- vantés et rebutés par les excès de la liberté, arrivent à maudire cet objet de leur amour, Alors on les voit essayer de se faire un ordre dans lequel la liberté ne serait pas, ou ne serait que de nom, oubliant que Tordre véritable n'est, et ne peut être autre chose, que le plein usage de la vraie et saine liberté. La liberté est l'objet propre, et doit être le but final, de toute constitution politique; c'est le centre vers lequel il faut que tout converge. Non cette liberté libérale, qui est la permission de tout faire, le mal d'abord et le bien ensuite, si notre faiblesse n'y répugne pas trop; mais la liberté chrétienne, qui est le pouvoir de bien faire, et qui se résume en deux mots : la liberté du devoir. LES GARANTIES POLITIQUES. 3 Nous avons dit ailleurs à quelle organisation de servitude aboutit forcément la liberté libé- rale1. Toute domination fondée sur la seule souveraineté de la raison n'est, et ne peut être que l'absolutisme. De cette fatalité logique, le rationalisme antique et le rationalisme mo- derne témoignent également. Si toute loi et tout droit procèdent de la raison humaine, ainsi que l'affirme le natu- ralisme, il n'y a plus rien qui ne relève de l'État et ne soit à lui. Que l'État se constitue sous l'influence des idées aristocratiques, de façon que la raison et le droit y viennent d'en haut, ou qu'il se constitue sous l'influence des idées démocratiques, de sorte que la raison et le droit y viennent d'en bas, peu importe; le principe étant donné, dans les deux cas l'effet sera le même : l'État et la société ne feront jamais qu'un, l'État n'étant que la raison de tous, dégagée de la confusion du nombre, et fixée dans une organisation de pouvoirs pu- blics. Le libéralisme, qui n'est que le naturalisme 1. Voy. le liv. I, cli. iv, n° 3. 4 LIVRE IV, CHAPITRE I. appliqué à la politique, reste au fond toujours le même, mais il varie dans ses formes. Il s'offre à nous sous deux faces, Tune aristocra- tique, l'autre démocratique. Chez les anciens c'est la forme aristocratique qui prédomine. Chez les modernes, l'école doctrinaire prétend aussi constituer une aristocratie de la raison, mais son autorité s'efface devant la puissance toujours grandissante du libéralisme démo- cratique \ 1. L'introduction que M. Barthélémy Saint.-Hilairc a mise en tète de sa traduction de la J^jliti/uc d'Aristotc, nous offre un curieux exemple de la persistance, chez les politiques rationalistes, de l'idée du gouvernement par l'aristocratie de la raison. Mais, chez le philosophe moderne, l'idée a pris la couleur du temps où il écrivait, et le nec plus ultra de la puissance de l'esprit est pour lui la raison bourgeoise. « Pour Platon, dit-il, il n'y a qu'un seul gouverne- ment, c'est celui des meilleurs, c'est l'aristocratie; car il n'y a de gouvernement véritable que celui où l'intelli- gence et la raison sont dépositaires et maîtresses de la puissance publique. Il n'est point un peuple libre qui n'ait tout fait pour que le mérite seul arrivât au pouvoir, comme le veut Platon ; et c'est un honneur pour le gou- vernement représentatif de tâcher, par de savantes com- binaisons, d'assurer, mieux encore que tout autre, cetle possession de l'autorité aux citoyens les plus capables de l'exercer. « Aristotc plaçait la véritable force de l'État dans la classe moyenne. Ces citoyens-là sont les meilleurs de LES GARANTIES POLITIQUES. 5 Des deux côtés, c'est la vertu qu'on invo- que ; il y a la vertu aristocratique et la vertu démocratique. Pour les rationalistes, la puissance de la vertu est en proportion du développement de la rai- son; qui dit raison dit vertu. En effet, lorsqu'on affirme, avec le natura- lisme, que l'homme de lui-même est bon, et qu'il n'y a point en lui de corruption native, ne suit-il pas qu'aussitôt que la raison voit clairement le bien, il faut que la volonté s'y porte d'elle-même? Donc, là où sera la pleine tous parce qu'ils sont les plus sages. Que dirait le philo- sophe, s'il pouvait aujourd'hui contempler cette grande idée, réalisée dans un pays qui est peuplé quatre-vingts ou cent fois plus que ne le fut jamais l'Attique ? Que di- rait-il s'il voyait la société la plus équitable et la plus intelligente de toutes reposer sur cette large base? » A propos de la théorie d'Aristote qui considère comme le tout dans la. société l'homme en qui réside la suprême vertu, et qui attribue à cet homme la souveraineté paî* droit de raison, M. Barthélémy Saint-Hilaire nous dit : c Le génie prend toujours la place suprême dans la cité. L'humanité a été de l'avis d'Aristote; elle a légitimé l'u- surpation, toutes les fois que le génie a usurpé, parce que l'intérêt du génie se confond le plus souvent avec l'in- térêt général. » C'est sans doute pour cette raison que M. Thicrs se croyait, de droit naturel, président à vie de la République française. 6 LIVRE IV, CHAPITRE I. raison, là sera aussi la pleine vertu. La souve- raineté de la raison s'appellera souveraineté de la vertu. L'une et l'autre se réaliseront par la domination de l'idée, qui doit présider à tous les rapports de la vie sociale. De là ces expressions usitées chez tous les socialistes, qui sont les grands logiciens du naturalisme : l'organisation de l'idée, le règne de l'idée. Expressions étranges, au premier abord, mais qui rendent parfaitement les conceptions du naturalisme sur la société et sur la souve- raineté. Platon et Àristotc nous donnent la théorie de l'État aristocratique, tel que le concevait la sagesse païenne. Là tout procède des ré- gions supérieures, où brillent les lumières de l'intelligence, et où la vertu, qui est toujours une force de raison, exerce tout son empire. Le gouvernement royal, dans lequel Platon met son idéal, n'est qu'une organisation de la souveraineté de la raison représentée par ses interprètes naturels, les philosophes. Dans la république de Platon, le commandement ap- partiendra à ceux « qui sont vraiment riches, non en or, mais en sagesse et en vertu, les LES GARANTIES POLITIQUES. 7 seules richesses des vrais heureux. » Pour for- mer des hommes de ce caractère, « il faudra les faire passer des ténèbres à la lumière, comme on dit que quelques-uns ont passé des enfers au séjour des Dieux. Tl faudra imprimer à leur âme un mouvement qui, du jour téné- breux qui l'environne, F élève jusqu'à la vraie lumière de l'être, par la route que nous appe- lons la véritable philosophie. » Les philosophes au nom de la raison réprimeront les passions, « car les passions sont comme autant de fils qui nous tirent chacun de son côté, et qui, par l'opposition de leurs mouvements, nous entraînent vers des actions opposées : ce qui fait la différence du vice et delà vertu. Le bon sens nous dit qu'il est de notre devoir de n'o- béir qu'à l'un de ces fils, d'en suivre toujours la direction, et de résister fortement à tous les autres. Ce fil n'est autre que le fil d'or et sacré de la raison, appelé la loi commune de l'État1. » Les hommes en qui réside cette vertu ra- tionnelle possèdent une supériorité de droit sur tous ceux qui en sont privés, ou qui ne la 1. La République, liv. VII, St. 521, A. Les Lois, liv. -I, St. 644, G; 645, A. 8 LIVRE IV, CHAPITRE I. possèdent qu'en un degré inférieur. Ces pri- vilégiés de la raison sont le tout dans l'État qui, selon Aristote, a la vertu pour but su- prême1. Ils uploads/Politique/les-lois-de-la-societe-chretienne-tome-2.pdf
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- Publié le Jan 28, 2021
- Catégorie Politics / Politiq...
- Langue French
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