1 Bouquets et prières Marceline Desbordes-Valmore Dumont, Paris, 1843 Exporté d
1 Bouquets et prières Marceline Desbordes-Valmore Dumont, Paris, 1843 Exporté de Wikisource le 04/16/20 2 TABLE Une Plume de Femme À celles qui pleurent Jours d’Été Âme et Jeunesse Marguerite Ma Chambre Deux Noms Une Place pour Deux La Vie Merci, mon Dieu ! Envoi du Livre des Pleurs Le Grillon À Madame Li… Prière de Femme Au Livre des Consolations L’Horloge arrêtée Solitude À Madame Henriette Favier Croyance Populaire Amour Dieu pleure avec les Innocens 3 Les Enfans à la Communion Départ de Lyon Envoi Dors ! Le Mauvais Jour Moi, je le sais Rouen Un Présage Prière pour mon Amie Aux Mânes d’Aimé de Loy La Ronce À Madame Récamier Le Saule Au jeune Paralytique Sur l’Inondation, de Lyon Au Poète prolétaire Merci pour ma Fille Une Prière à Rome Prison et Printemps L’Enfant et la Foi À l’auteur de Marie L’Église d’Arona Jeune Fille La Page Blanche Le Soleil des Morts Une halte sur le Simplon Le Dimanche des Rameaux 4 *** À une belle Marie Les Poissons d’or Mademoiselle Mars Louise de La Vallière Louise de La Vallière à genoux Rahel la créole Un Arc de Triomphe L’Enfant amateur d’Oiseaux Caméléon Le Moineau Franc La Parole d’un Soldat Le Baptême d’un Prince Toi ! La Fête de Thomas Moore Aux trois Aimés Fête d’une ville de Flandre L’Enfant béni L’Enfant abandonné Au Revoir Le Rossignol et la Recluse Le Livre de Prière Le Salut aux Morts Une Âme À mes Enfans La première Communion d’Inès Les Amitiés de la Jeunesse 5 Veillée Fileuse Fileuse Frère, époux et maître Point d’adieu Plus de Chants 6 UNE PLUME DE FEMME. Courez, ma plume, courez : vous savez bien qui vous l’ordonne. Je prie un génie indulgent de répandre sur votre travail le charme mystérieux de la fiction, afin que nul ne sache la source de vos efforts et de la fièvre qui vous conduit : On se détourne des sources tristes. Que mon âme soit ouverte seulement au regard du Créateur. Laissez-la seule dans ses nuits d’insomnie : elle ne raconte pas la cause de ses débats avec la terre. Dieu sait qu’à cette sainte cause est suspendu l’espoir de rentrer un jour dans son ciel, comme un enfant dans la maison de son père, L’enfant prodigue a souffert avant de voir la porte maternelle se rouvrir devant lui : sans ses larmes amères y serait-il jamais revenu ? Courez donc, ma plume, courez : vous savez bien qui vous l’ordonne. 7 Je vous livre mes heures, afin qu’elles laissent, par vous, une faible trace de leur passage dans cette vie. Quand elles traverseront la foule, sur les ailes de mon affliction, si l’on crie : « Elles n’ont pas d’haleine. » Dites que le grillon caché dans les blés forme une musique faible aussi ; mais qui n’est pas sans grâce au milieu du tumulte pompeux des merveilles de la nature ; répondez pour moi ce que Dieu a répondu pour le grillon : « Laissez chanter mon grillon ; c’est moi qui l’ai mis où il chante. Ne lui contestez pas son imperceptible part de l’immense moisson que mon soleil jaunit et fait mûrir pour tous. » Courez donc, ma plume, courez : vous savez bien qui vous l’ordonne. L’austère inconstant, le Sort, qui m’a dit : Assez, quand je lui demandais ma part des biens de l’existence ; le Sort qui m’a dit : Non ! quand je levais mes yeux pleins de prières pour obtenir encore un de ses sourires, a laissé pourtant tomber, dans ma consternation, un bien dont l’apparence était de peu de valeur, mais qui deviendrait une palme de salut, si quelque fil de la Vierge l’enveloppait de divine pudeur : c’est vous, ma plume, détachée du vol d’un pauvre oiseau blessé comme mon âme, peut-être ; c’est vous, que personne ne m’apprit à conduire ; c’est vous, que sans savoir tailler encore, j’ai fait errer sous ma pensée avec tant d’hésitation et de découragement ; c’est vous, tant de fois 8 échappée à mes doigts ignorants, vous, qui par degrés plus rapide, trouvez parfois, à ma propre surprise, quelques paroles moins indignes des maîtres, qui vous ont d’abord regardée en pitié. Ainsi, courez, ma plume, courez : vous savez bien qui vous l’ordonne. Vous ne blesserez pas ; vous ne bégayerez pas un mot de haine, quand ce serait pour repousser l’injure : il vaudrait mieux tomber en poussière, afin que, quand je serai poussière aussi, je ne tressaille encore que d’amour et jamais de honte ; afin que si j’attends au fond du purgatoire décrit si triste, mais si doux, par Dante, qui l’a vu, toutes les âmes heureuses, en passant légères et sauvées devant moi, me disent avec un sourire : au revoir ! À ce prix donc, trempée d’encre ou de larmes, courez, ma plume, courez : vous savez bien qui vous l’ordonne. 9 À CELLES QUI PLEURENT. Vous surtout que je plains si vous n’êtes chéries ; Vous surtout qui souffrez, je vous prends pour mes sœurs : C’est à vous qu’elles vont, mes lentes rêveries, Et de mes pleurs chantés les amères douceurs. Prisonnière en ce livre une âme est contenue : Ouvrez : lisez : comptez les jours que j’ai soufferts : Pleureuses de ce monde où je passe inconnue, Rêvez sur cette cendre et trempez-y vos fers. Chantez : un chant de femme attendrit la souffrance. Aimez : plus que l’amour la haine fait souffrir. Donnez : la charité relève l’espérance ; Tant que l’on peut donner on ne veut pas mourir ! Si vous n’avez le temps d’écrire aussi vos larmes, Laissez-les de vos yeux descendre sur ces vers ; Absoudre, c’est prier. Prier, ce sont nos armes : 10 Absolvez de mon sort les feuillets entr’ouverts. Pour livrer sa pensée au vent de la parole, S’il faut avoir perdu quelque peu sa raison, Qui donne son secret est plus tendre que folle : Méprise-t-on l’oiseau qui répand sa chanson ? 11 JOURS D’ÉTÉ. Ma sœur m’aimait en mère : elle m’apprit à lire. Ce qu’elle y mit d’ardeur ne saurait se décrire : Mais l’enfant ne sait pas qu’apprendre, c’est courir, Et qu’on lui donne, assis, le monde à parcourir. Voir ! voir ! l’enfant veut voir. Les doux bruits de la rue, Albertine charmante à la vitre apparue, Élevant ses bouquets, ses volans, et là-bas, Les jeux qui m’attendaient et ne commençaient pas ; Oh ! le livre avait tort ! Tous les livres du monde, Ne valaient pas un chant de la lointaine ronde, Où mon âme sans moi tournait de main en main, Quand ma sœur avait dit : — Tu danseras demain. Demain, c’était jamais ! Ma jeune providence, Nouant d’un fil prudent les ailes de la danse, Me répétait en vain toute grave et tout bas : 12 « Vois donc : je suis heureuse, et je ne danse pas. » J’aimais tant les anges Glissant au soleil ! Ce flot sans mélanges, D’amour sans pareil ! Étude vivante D’avenirs en fleur ; École savante, Savante au bonheur ! Pour regarder de près ces aurores nouvelles, Mes six ans curieux battaient toutes leurs ailes ; Marchant sur l’alphabet rangé sur mes genoux, La mouche en bourdonnant me disait : Venez- vous ?… Et mon nom qui tintait dans l’air ardent de joie, Les pigeons sans liens sous leur robe de soie, Mollement envolés de maison en maison, Dont le fluide essor entraînait ma raison ; Les arbres, hors des murs poussant leurs têtes vertes ; Jusqu’au fond des jardins les demeures ouvertes ; Le rire de l’été sonnant de toutes parts, Et le congé, sans livre ! errant aux vieux remparts : Tout combattait ma sœur à l’aiguille attachée ; Tout passait en chantant sous ma tête penchée ; Tout m’enlevait, boudeuse et riante à la fois ; Et l’alphabet toujours s’endormait dans ma voix. 13 Oh ! l’enfance est poète. Assise ou turbulente, Elle reconnaît tout empreint de plus haut lieu : L’oiseau qui jette au loin sa musique volante, Lui chante une lettre de Dieu ! Moi, j’y reviens toujours à l’enfance chérie, Comme un pâle exilé cherche au loin sa patrie. Bel âge qui demande : en quoi sont faits les morts ? Et dit avec Malcolm : « Qu’est-ce que le Remords ? » Esprit qui passe, ouvrant son aile souple et forte, Au souffle impérieux qui l’enivre et l’emporte, D’où vient qu’à ton beau rêve où se miraient les cieux, Je sens fondre une larme en un coin de mes yeux ? C’est qu’aux flots de lait pur que me versait ma mère, Ne se mêlait alors pas une goutte amère ; C’est qu’on baisait l’enfant qui criait : Tout pour moi ! C’est qu’on lui répondait encor : « Oui tout pour toi ; « Veux-tu le monde aussi ? tu l’auras, ma jeune âme. » Hélas ! qu’avons-nous eu ? belle espérance ! ô femme ! Ô toi qui uploads/Religion/ 123marceline-desbordes-valmore-bouquets-et-prieres.pdf
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- Publié le Fev 17, 2021
- Catégorie Religion
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