L'Eucharistie dans la pensée de saint Augustin La doctrine eucharistique de sai
L'Eucharistie dans la pensée de saint Augustin La doctrine eucharistique de saint Augustin se délivre peu a peu des ambigultés 011 l'on avait cru l'enfermer. Artic1es de dictionnaires et ma- nuels c1assiques relevent a travers 1'c:euvre du docteur africain quelques textes qui témoignent avec toute la netteté désirable de la présence réelle du Christ en sa chaír et en son sang dans l'Eucharistie, et 1'on a souligné, a juste títre, qu'en ce qui concerne l'Eucharistie la pensée de saínt Au- gustin n'a donné lieude son temps a aucune contestatíon. Les premieres diffícultés ne se sont manifestées qu'a partir des IX-Xe siec1es, a10rs qu'on argumentaít a partír de sen ten ces augustiníennes détachées de leur c1í- mat doctrinal. A l'heure actuelle toute suspicion n'est cependant pas encore totalement écartée. On contínue 'a juxtaposer a des textes réalís- tes d'autres textes díts symbolistes, aussi appuyés, peut-etre meme davantage, et l'on demeure sous une impression, sinon d'hétérodoxie, du moins d'incohérence. Tenter de surmonter cette impression, en ínsís- tant sur une prob1ématique augustinienne trop encore méconnue, consti- tue toute la justifícation de cet artíc1e. UN RÉALISME QUI NE S'EST JAMAIS DÉMENTI Les textes réalistes courent a travers toute l'c:euvre de saint Augustin. Ils sont généralement brefs. La loí de 1'arcane, alors en vígueur, ne per- mettaít pas d'insister sur le réalisme eucharistique endes ouvrages ou des homélies destinés a un 1arge public et, devant les fídeles, le mystere eucharístique pouvait etre d'autant plus brievement exposé qu'íl ne soulevaít alors, et particulierement en Afrique, aucune contradiction ou réticence1. Pour comprendre la pensée du Docteur, il ne faut pas se heur- l . La discipline de l'arcaue ue se développe et ne se généralise dans l'Église qu'apres les persécutions, en meme temps que le catéchuménat (300-450). Elle 210 A . SAGE ter d'abord aux textes difficiles, mais se convaincre au préalable d'un réalisme qui ne s'est jamais démenti. Qu'on m'excuse done de présenter comme fond de perspective une premie re série de textes qui s'échelon- nent de la pretrise jusqu'a la mort de l'éveque. Tous expriment nette- ment la foi de l'Église. L'énumération n'entend pas etre complete; on laisse pour l'instant d'autres textes non moins c1airs, mais qui voisinent avec des textes dits symbolistes. 395 In illo templo, ubi nondum corpus et sanguis Domini offerebatur. (Ep. 29, 4, PL 33, II5) Sicut sanguinem suum potandum dedit ante passionem. (Ep. 36, 13, PL 33, 142) Sacramenta corporis et sanguinis mei reddam... Manducaverunt corpus humilitatis Domini sui etiam divites terrae, nec sicut pauperes saturati sunt usque ad imitationem, sed tamen adoraverunt. (1 En. in ps. XXI, '26 et 30, CC 38, 120 et 121)' Nam et nos de cruce Domini pascimnr, quia corpus ipsius manduca- 111US. (En. in ps. C, 9, CC 39, 1414) 3 Seipsllm illis (hominiblls) dans cibllm per sacramentum corporis et sanguinis sui. (An. in lob, 38, PL 34, 879) Habet eninr magnam vocem Christi sanguis in terra cum eo accepto ab omnibns gentibns respolldetur : Amen. Haec est clara vox sangninis qllam sanguis ipse exprimit ex ore fidelium eodem sanguine redemptorum ... In sacramento ... quamdiu bibitur quod de Christi latere manavit. (Contra Faustum XII, 10 et 20, PL 42, 259 et 265) Corpus enim Domini et sanguis Domini nihilominus erat etiam illis quibus dicebat Apostolus : Qni manducat et bibit indigne, iudicium ... (De baptismo V, VIII, 9, PL 43, 181) Interrogemus eum (catechume111un) : Manducas canlem Filii hominis et bibis sanguinem Filii hominb ? nescit quid dicimus ... (In loan. Evang. XI, 3, CC 36, III ; PL 35, 1476). Mensa magna est, nbi epulae sunt ipse Dominlls ménsae. Nemo pascit convivas de seipso : hoc facit DominllS Christus ; ipse invitator, ipse cibus et potus. (Sumo 329, 1, PL 38, 1455) disparait, avec le catéchuménat, au fur et a mesure que se généralise I'usage de baptiser les enfants. I1 convient de tenir compte de ces' faits qual1d il s'agit de découvrir et d'apprécier les motifs de cette pratique. Voir : H. Cr,AsEN, Die Arkan- d'iziplin in der alten Kirche, These dactyI., Heidelberg, r956 et compte rendu dans Bulle/in augus/in. pour r956, nO r69 - Rev. ét. august· in.", 5, 1959, p. 293-294. Dans l'ceuvre d'Augustin on trouve de 110mbreux témoignages de la loi dite de I'arcane. E11 voici quelques-uns : « Diutius de sacramento loquendul11 non est " (sermo 89, 7) ; ,< Non oportet ut hoc memoremus propter catechumenos. Fideles tamen agnoscunt > (serm. 307, 4, 3) ; ,< Sacrificiul11 corporis sui norunt fideles ; disputari inde modo 11011 potest " (In ps. 21, n, 28) . 2. La meme pensée se rencontre chez saint Ambroise : (' Caro Christi qual1l hodieque i11 mysteriis adoramus " (De Sp'iritu Sancto UI, II, 79, PL 16, 828), a l'occasion de P s. 98, 9 : ,< Et adorate scabellum eius ", dOllt on trouve plus loin l'explication qu'Augustin emprunte a Ambroise. . 3. De luelue sail1t AIUbroi!ie : «( Domini Iesn pnssionenl cuins qnotidie vescÍlnus » (En. in ps. 43, 36, PL 14, II6I). L'EUCHARISTIE DANS LA PENS1?E D'AUGUSTIN 211 4r2 Si non manducaverint (parvnli) carnenl Filii honlinis, nec ipsi ha be- bunt vitam ... Non itaque dubitemus etiam pro infantibus bapti- zandis sanguinem fnsum, qui pritlsqtlam ftlnderetur, sic in sacra- mento datus est et commendatus ... (De peco mero 1, xx, 27 et XXIV, 34, PL 44, l24 et l29) 412-420 : Quando (Iudaei) occiderullt (Clrristnm,) tunc nohis coenam nescientes praeparaverunt. Parata iam coena, immolato Christo ... (Serillo 112, 1, PL 38, 643) 417 In ipsa enim cruce ... pro nobis sanguinem fudit. Et nostis fideles quale testimoninm perhibeatis sangumi quem accepistis. Certe enim dicitis : Amen. (Sermo 181, 7, PL 38, 983) 419 A cuius tamen sacrificü sanguine in alimelltum sumendo non solum nemo prohibetur, sed ad bibendum potius. omnes exhortantur qui volunt habere vitam (Quaest. Lev. LVII, 4, CC 33, 217) 420 Sicut mediatorem Dei et hominum hommem Christum Iesum, carnem suam nobis 1l1anducandam bibendumque sangumem dantem, fideli corde atque ore suscipimus (Cont. Adv. Legis et ProPh. n, 34, PL 42, 658) 420- 421 Nam quae mensa est potentis, nisi unde sumitnr corpus et sanguis eius qui animam suam posuit pro nobis ? (T r . in l oan. Ev. LXXXIV, r, PL 35, r846) 419-425 : Ad participationemmensae huius pertinet, quam sacerdos ipse ... exhi- bet secundum ordinern MeJchiseclech de corpore et sanguine suo .. Corpus eius offertnr et participalltibns rninistratur. (De Civ. Dei. XVII, xx, 2, PL 41, 556) 429-430 Cur ministratur sanguis qui de similitlldine carnis peccati in remis- sionem fusus est peccatorum, quem bibat parvulns ut habere possit vitam, si de nullius peccati origine venit in mortem ? (Op. Imp. TI, 30, PL 45, 1 l54) A des dates non précisées apparaissent deux témoignages de réalisme eucharistiquc que les manuels se plaisent presque exc1usivement a relever. Dans les deux homélies sur le psawme 33, ils laissent deux textes tres nets, surtout si on les remet en leur contexte : Humiliavit se factus obediens usque ad mortem ... ut iam de cruce commendaretur nobis caro et sanguis Domini, nOV illll sacrificium (I En. in ps. XXXIII, 6, CC 38, 277-278) - Nobis dedit manducare corpus suum in quo tanta perpessus est, et sanguinem bibere (rI En. in ps. XXXIII, 25, ibid., 298) . La singularité d'un autre texte a . seule, retenu leur attention . L'éveque expliquait le titre du psaume avec une verve allégorisante qui devait enchanter ses auditeurs. I1 y était dit : Ferebatur in manibus suis. En quelle circonstance David s'était-il porté lui-meme en ses mains ? l'éveque n'était pas parvenu a le découvrir ; m ais J ésus l'a fait, constate-t-il : Quando commendallS ipsUJ1l corpus StlUlTl, ait Hoc est corpus meum. Ferebat eniIU ilIud corpus in mallibus suis. (T En. in ps. XXXIII, lO, CC 38, 28l) Pour des auditeurs qui n'avaient pas entendu la premiere homélie, il reprend l'explication au début de la seconde : 2I2 A. SAGE Quía Ctun co=endaret ipsum corpus suurn et sanguinem suum, accepit in roa~1Us suas quod 110runt fideles, ; et ipse se portabat quodam modo, Ctun diceret : Hoc est corpus meum. (11 En. in ps. 33, 2, ce 38, 283)' Quodam modo n'élimine pas le réalisme eucharistique. C'est bien son corps et son sang que le Christ portait en ses mains, sino n toute la labo- rieuse explication de 1'éveque tomberait dans le vide. Le corps et le sang du Christ étaient a la Cene réellement présents entre les mains du Christ, mais sous un certain mode d'etre que 1'éveque signale, simplement en passant, en une homélie délivrée devant un public melé. Dans J'homélie sur le psaume 98, Augustin s'affrontait a un autre texte : Et adorate scabellum pedum eius. L'escabeau des pieds de Dieu, si saint soit-il, c'est la terre, et 1'on n'adore pas la terreo Voici cependant, si 1'on rapporte ce texte au Christ, qu'il nous est non seulement permis, mais ordonné d'adorer. Le Christ a pris en Marie une chair tirée de la glaise. En ]ésus, une glaise, un escabeau uploads/Religion/ a-sage-l-x27-eucharistie-dans-la-pensee-de-saint-augustin.pdf
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- Publié le Dec 21, 2021
- Catégorie Religion
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