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Magie et droit individuel Huvelin, Paul Creative Commons Non-Commercial Share Alike 3.0 Magie et droit individuel Huvelin, Paul. “Magie et droit individuel.” L’Année sociologique (1896/1897- 1924/1925) 10 (1905): 1-47. 1 1. Le présent mémoire est extrait d’un ouvrage en préparation sur les Obligations dans le très ancien droit romain. C’est dans ce livre qu’on trouvera le matériel et les discussions d’ordre purement juridique que j’ai eru pouvoir laisser de côté ici. Yoy. notamment infra, p. 12, n. 4: p. 20.ii. 2- 3: p. 32. n. 1: p. 33. n. 2; p. 43. n. I, 2 et 3.↩ Magie et droit individuel Par Paul Huvelin L’étude de la magie est entrée depuis quelques années dans sa phase scientifique. Le beau mémoire que MM. Hubert et Mauss ont consacré à I Esquisse d’une théorie générale de lu magie 1 marque, tant au point de vue de la méthode qu’au point de vue (les résultats, une étape décisive dans l’histoire de cette étude. Désormais, le problème se pose dans toute son ampleur, avec toute la précision de nomenclature nécessaire; et nous possédons, pour le résoudre; une collection abondante de faits bien observés, systématiquement groupés en classes naturelles. Dès maintenant se dessinent les grandes lignes d’une explication et d’une définition. Nous savons, grâce à une démonstration décisive, que les faits qu’on appelle magiques sont des choses sociales, au même titre que les faits qu’on appelle religieux; les uns et les autres sont des produits de l’activité collective: ils ont pareillement leur source dans la croyance commune des membres des sociétés humaines. Celte conclusion essentielle doit servir dorénavant de base à toute recherche sur la magie. Mais elle ne rend compte encore que d’un aspect de la question. Car la magie n’est pas sociale sous toutes ses faces. Il reste précisément à distinguer les faits magiques des faits religieux. Y at-il entre eux des différences intrinsèques? Peut-ou, par la seule inspection d’un fait social, dire qu’il est magique ou qu’il est religieux ? Une réponse négative s’impose Des témoignages réunis et classés par MM. Hubert et Mauss, 2 il résulte que les agents de la magie jouent le même rôle extérieur que les agents de la religion, qu’ils passent pour avoir des qualités semblables, qu’ils s’instituent de la même façon; les rites magiques et les rites religieux ue contrastent ni par leurs conditions d’exercice, ni par leurs formes, ni par la notion fondamentale d’un monde de forces superposé à la réalité (notion du sacré ou du mana)où ils puisent leur efficacité; enfin les représentations, c’est-à-dire les idées et les croyances qui correspondent aux rites, sont identiques dans la magie et dans la religion: ici comme là, on peut attribuer au rite une efficacité mécanique résultant de. la sympathie; ici comme là, on peut faire intervenir des divinités. Il paraît donc qu’il n’y a pas opposition de nature entre les faits magiques et les faits religieux. Nous savons cependant qu’on oppose communément la magie à la religion. Par quels caractères le contraste se révèle-l-il? Il se révèle par tm seul trait Le fait magique a quelque choso d’occulte, de peu avouable, parfois même d’illicite, tandis (pie le fait religieux n’a rien que de licite, de patent cl de régulier. MM. Hubert et Mauss définissent le rite magique “ tout rite qui ne fait pas partie d’un culte organisé, rite privé, rite secret, mystérieux, et tendant, comme limite, vers le rite prohibé“. 3 Mais celle constatation nous conduit à une impasse. Toute chose sociale étant par définition obligatoire 4, en ce sens que la société l’impose à l’individu, la question de sa licéité ne se pose même pas. D’où cette antinomie: comment la chose magique, si elle est chose sociale, peut- elle passer pour prohibée? Comment peut-elle être à la fois licite et illicite, religieuse et irréligieuse? Nous sommes amenés ainsi, soit à réviser notre notion de ce qui est social, soit à réviser notre notion de ce qui est magique, soit à rechercher si les faits nous fournissent une conciliation acceptable de ces notions opposées. Puisque les deux premiers partis nous échappent, du moment où nous tenons les notions en cause pour scientifiquement fixées, nous devons nous tourner vers le troisième. Or il me semble qu’on ne peut parvenir À une solution plausible qu’eu examinant avec soin les applications pratiques de la magie, line activité qui présente tous les caractères d’une activité sociale, donc licite, ne peut devenir illicite qu’indirectement, si elle est employée dans un intérêt antisocial. Il faut faire intervenir ici. comme eu d’autres matières analogues, 5 la notion du but poursuivi. La magie ne se comprend pas pleinement si on la sépare des réalisations auxquelles elle tend. Il convient donc d’analyser chacune de ces réalisations, et de voir en quoi sa poursuite est antisociale. MM. Hubert et Mauss ont évidemment songé à cette méthode; rencontrant l’antinomie signalée plus haut, qui gênait leur démonstration du caractère social des faits magiques 6 , ils ont senti qu’il fallait, pour la résoudre, tenir compte des intérêts auxquels répondaient les rites magiques; et ils ont noté 7 que ces rites sont “pratiqués par des individus isolés du groupe social, agissant dam leur intérêt propre ou en celui d’autres individus, et en leur nom”. Mais ils n’ont pas développé davantage leurs investigations dans ce sens. El sans doute l’étude des systèmes magiques pris eu eux-mêmes ne saurait fournir ici aucune preuve décisive, parce qu’elle ne donne pas de vues suffisamment précises sur leur adaptation à des besoins définis. Mais on peut procéder autrement. On n’ignore pas, en effet, que des pratiques magiques ont été associées originairement A presque loutes les techniques. Certains arts sont même entièrement issus de la magie. Musique, poésie, arts plastiques, médecine, mathématiques, astronomie, chimie, etc, ont des sources magiques aisément discernables. Ces sources se sont plus ou moins taries avec le temps; presque partout l’élément magique a rétrogradé devant l’élément technique. Il n’importe, puisque ces deux éléments tendent à des buts identiques. Le but auquel tend l’élément technique est le même auquel tendait l’élément magique primitif qui s’est atténué ou qui a disparu. Et ainsi nous avons un moyen de rattacher certaines pratiques magiques bien circonscrites à des intérêts constants et déduis. La méthode qui se recommande à nous désormais consiste donc à étudier la magie dans ses rapports avec les différentes techniques: techniques scientifiques, techniques artistiques, techniques industrielles, techniques juridiques, etc., et à comparer les fins auxquelles elle s’adapte Un tel procès rencontre de sérieux obstacles, tenant tout à la complexité et à la spécialité des diverses techniques qu’à la pauvreté et à l’obscurité des sources relatives à leurs origines. Aussi l’emploi en est-il réservé presque forcément à des historiens spécialistes de chaque technique. L’étude de la magie appliquee, ainsi comprise, fournira aux sociologues les moyens de contrôler et de compléter les résultats fournis par l’étude de la magie pure. Entre toutes les techniques, il y en a une qui s’offre naturellement aux premières investigations. C’est la technique juridique, puisque, comme l’a si justement remarqué M. Durkheim, 8 le droit constitue le symbole visible de la solidarité sociale. Cependant les origines magiques de l’art du droit moins favorisées que les origines magiques d’autres arts dont la portée sociologique est pourtant moindre, 9 ne paraissent pas avoir excité l’intérêt des chercheurs Un petit essai, que j’ai tenté, il y a quelques années, 10 pour relier le droit romain à ses sources magiques, est resté isolé, et n’a peut-être pas été compris. 11 Je voudrais reprendre ce sujet sur des bases élargies. Je ne me flatte point d’improviser une étude détaillée et complète de droit comparé, pour laquelle trop de matériaux me manquent; mais j’espère dès maintenant jalonner le terrain qui s’offre aux historiens du droit, leur proposer certaines recherches, leur éviter certains obstacles, et les convier à apporter aux sociologues des séries de résultats vérifiés et éprouvés, tout prêts pour une synthèse. I L’étude des rapports de la magie avec l’art du droit appelle deux questions: 1° Y a-t-il des droits auxquels la magie ait originairement prêté sa force? et, s’il y en a, quels sont-ils? 2° Quels sont les caractères de ces droits, et par quoi se distinguent-ils de ceux qui ne portent pas d’empreinte magique? On est facilement d’accord pour admettre que, dans les sociétés primitives, et même parfois dans les sociétés déjà avancées dans la voie de l’organisation, un grand nombre de rapports juridiques ont une couleur religieuse. D’une façon générale (et sous le bénéfice de certaines restrictions et précisions), on regarde comme religieux les droits qu’on peut appeler les droits sociaux internes, et les rites qui servent à les sanctionner. Cela comprend les droits intrafamiliaux, les droits publics internes, et presque toute la procédure. A. La forme sociale élémentaire est la famille Le premier droit social est le droit intrafamilial. Je comprends sous cette désignation tous les rapports juridiques qui peuvent exister, non seulement entre les membres des familles étroites qu’on rencontre dans les civilisations avancées, mais encore entre les membres de ces groupements familiaux larges (hordes, clans, peuplades) qu’on uploads/Religion/ paul-huvelin-magie-et-droit-individuel.pdf
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- Publié le Dec 06, 2021
- Catégorie Religion
- Langue French
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