Abstract Selon l’hypothèse la plus diffusée, le mot carnaval aurait été formé à
Abstract Selon l’hypothèse la plus diffusée, le mot carnaval aurait été formé à partir de l’Italien carnavale; une composition du radical carne : « la viande », la « chaire » des animaux que l’on mange et de la salutation latine vale : « Adieu! » ou « Au revoir! ». Les traces de folklores païens dans les traditions carnavalesques seraient expliquées par des origines préchrétiennes. On mentionne le plus souvent les fêtes hivernales romaines; la Nativité, l’Épiphanie, la Chandeleur et l’entrée en carême correspondraient dans le calendrier romain aux saturnales, aux calendes de janvier et aux lupercales. Selon ces hypothèses assez rependues, le carnaval, bien qu’étant probablement une fête d’origine païenne aurait été presque totalement christianisé en devenant la fête du départ de la viande, la fête du pré carême. C’est notamment le point de vue que présente le grand folkloriste Van Gennep en 19371 et plus récemment, Michel Feuillet et Daniel Fabre CARNAVAL : UN PARCOURS ÉTYMOLOGIQUE (PDF Download Available). Available from: https://www.researchgate.net/publication/259655051_CARNAVAL_UN_PARCOURS_ETYM OLOGIQUE [accessed Feb 07 2018]. David Laflamme CARNAVAL : UN PARCOURS ÉTYMOLOGIQUE Introduction Selon l’hypothèse la plus diffusée, le mot carnaval aurait été formé à partir de l’Italien carnavale; une composition du radical carne : « la viande », la « chaire » des animaux que l’on mange et de la salutation latine vale : « Adieu! » ou « Au revoir! ». Les traces de folklores païens dans les traditions carnavalesques seraient expliquées par des origines préchrétiennes. On mentionne le plus souvent les fêtes hivernales romaines; la Nativité, l’Épiphanie, la Chandeleur et l’entrée en carême correspondraient dans le calendrier romain aux saturnales, aux calendes de janvier et aux lupercales. Selon ces hypothèses assez rependues, le carnaval, bien qu’étant probablement une fête d’origine païenne aurait été presque totalement christianisé en devenant la fête du départ de la viande, la fête du pré carême. C’est notamment le point de vue que présente le grand folkloriste Van Gennep en 19371 et plus récemment, Michel Feuillet2 et Daniel Fabre3. Cette approche est pour la première fois sérieusement contestée par Claude Gaignebet en 19744 qui voit avant tout dans la fête du carnaval une manifestation issue de l’air protohistorique et ayant conservé un grand nombre d’aspects païens. À la lumière des origines proposées par Gaignebet, la recherche d’une autre étymologie du mot carnaval s’impose. C’est ce travail que proposent respectivement Philippe Walter en 19925 et Anne Lombard-Jourdan en 20056. 1 VAN GENNEP A., Le folklore français: Du berceau à la tombe. Cycles de Carnaval-Carême et de Pâques, Paris, Robet Laffont, 1937 (rééd. 1998). 2 FEUILLET M., Le carnaval, Paris, Fides, 1991. 3 FABRE D., « Le monde du carnaval (note critique) ». Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. Vol. 31 N.2 1976. pp. 389-406. 4 GAIGNEBET C., Le carnaval : essais de mythologie populaire, Paris, Payot, 1974. 5 WALTER P., Mythologie chrétienne : Fêtes, rites et mythes du Moyen Age, Paris, Imago, 1992. L’approche étymologique est l’approche la plus courante pour l’étude du carnaval. C’est de retracer à grands traits l’évolution de la compréhension étymologique de carnaval que nous nous proposons de faire ici. Nous commencerons par voir ce qui permet à Michel Feuillet d’affirmer que « le Carnaval est chrétien » puis, dans un deuxième temps, ce qui permet à Philippe Walter et Anne Lombard-Jourdan de dire que la généralisation de la compréhension étymologique de carnaval comme « départ de la viande » serait le résultat d’un « processus calendaire d’occultation »7 d’un mot similaire aux origines potentiellement protohistoriques. 1. « Le carnaval est chrétien » Le carnaval compris comme « Carna Vale! » serait donc l’adieu à la viande qui sera interdite durant les 40 jours que dure le carême. Selon cette hypothèse étymologique, les fêtes carnavalesques s’articuleraient en dualité avec le carême. Ainsi, sans le carême, le carnaval n’existerait pas, c’est la fête du gras qui s’oppose aux jours maigres à venir.8 Une autre hypothèse étymologique allant dans le sens de l’idée d’un dualisme carnaval/carême propose que le mot italien d’origine latine carnevale serait composé du nom carnem et du verbe levare. Carnem levare signifie « ôter, enlever la viande ». Cette explication est appuyée par la présence attestée aux XIe et XIIe siècles de mots comme carnelevarium et carnelevale. Le passage de levare à vale serait dû à un phénomène d’inversion très fréquent.9 On reste donc, avec cette hypothèse dans une idée d’une célébration pré-privation — pré-carême. Une troisième explication allant dans le même sens veut que carnevale dériverait de l’expression latine Carnis levanem signifiant « le soulagement de la chair ». Ainsi, selon cette proposition, Carnis ne serait plus la viande que l’on consomme les jours gras, mais la chair de l’homme qui, à l’occasion du carnaval, a besoin d’être soulagée. « … 6 LOMBARD-JOURDAN A., Aux origines de Carnaval: un dieu gaulois ancêtre des rois de France, Paris, Odile Jacob, 2005. 7 Walter P., Op.Cit. p.88 8 Feuillet M., Op.Cit.p.10 9 Feuillet M., Idem.p.11 soulagée des oppressions subies, des frustrations d’origine morale ou physique ».10 Cette explication fait référence à un carnaval qui aurait une fonction de défoulement collectif. Ce soulagement, ce défoulement, fonctionne donc en dualisme avec les souffrances passées ou à venir. Le mot levanem sous-entend « …une dialectique de la libération qui suppose en dehors de la fête la domination de la chair par l’esprit en chacun des individus, et une mise au pas du corps social par une morale contraignante ». 11 On ne sort donc pas de la logique des privations qu’impose la moralité chrétienne en temps de carême. Pour Feuillet, l’Église a parfois « … refusée de comprendre le caractère chrétien des jeux carnavalesques et a relégué dans le paganisme ce qui désormais dépendait – certes d’une manière négative – de la logique chrétienne ».12 Mais, Feuillet rappelle aussi que certains membres de l’Église ont su reconnaitre ce caractère primordialement chrétien du carnaval qui a souvent été toléré en tant que « … récréation ménagée au cœur des festivités canoniques est acceptée dans la mesure où elle ne déborde pas hors de ses limites ».13 L’Église a même souvent été au-delà de la tolérance pour passer dans la participation active. C’était notamment le cas dans la Rome médiévale. Les différentes paroisses processionnaient toutes séparément pour converger vers la basilique Saint-Jean- de-Latran. Chacune était menée par un sacristain « … vêtu d’une étole, la tête ceinte d’une couronne de fleurs d’où pointaient des couronnes de boucs; il agitait un sceptre chargé de grelots ».14 Une foi tout le monde réuni à Saint-Jean-de-Latran, le pape sortait de son palais et entonnait avec tous les cardinaux un hymne burlesque, Deus ad bonam horam, mélange incohérent de grec et de latin. 15 Le pape donnait par la suite sa bénédiction apostolique à tous et des célébrations débridées commençaient et se poursuivaient jusqu’à l’entrée en carême.16 10 Feuillet M., Idem.p.13 11 Ibidem. 12 Feuillet M., Idem.p.40 13 Ibidem. 14 Ibidem. 15 Ibidem. 16 Feuillet M., Idem.p.41 Ces exemples philologique et historique présentés par Feuillet mettent bien en scène un carême dont le sens principal et presque exclusif est celui d’une fête populaire fonctionnant en dualisme avec le carême; ce serait une fête, non reconnue par l’Église, du calendrier chrétien. 2. Le carnaval païen. Les fêtes hivernales des calendriers préchrétiens se sont perpétuées au cours des siècles durant lesquels le christianisme s’est progressivement mis en place en tant que religion officielle — de l’Empire romain premièrement, puis des différents royaumes barbares. Cependant, les célébrations païennes – même si elles ont été théoriquement balayées pour les chrétiens par la logique de la Révélation – ont eu une grande influence sur le nouveau calendrier religieux.17 Là où les opinions divergent, c’est quand il est question de faire le partage entre des traditions qui seraient plus de l’ère chrétienne et d’autres qui seraient plutôt de l’ère préchrétienne — et s’il s’agit de rîtes préchrétiens, desquelles exactement? De rites romains? Celtiques? Préceltiques…? En 1976, Claude Gaignebet publie son ouvrage Le carnaval : essais de mythologie populaire dans lequel il tente de démontrer que le carnaval a intérêt à être étudié de la même manière que l’on étudierait une religion. Sans s’attarder particulièrement à l’étymologie du mot carnaval, il voit dans les fêtes et les légendes chrétiennes de la période carnavalesque des faits corrélables révélant les traits d’une religion.18 « L’étendue, dans la durée et l’espace, des fêtes carnavalesques nous contraint à penser que cette religion est ancienne, bien qu’il ne soit pas moins arbitraire de la dire néolithique ou paléolithique que de la renvoyer à l’éternelle nuit des temps ».19 L’ouvrage de Gaignebet s’attirera notamment la critique de Daniel Fabre qui répond à Gaignebet un peu plus d’un an après la publication de son ouvrage dans un article publié dans Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. Il y déclare, « Le carnaval 17 Feuillet M., Idem. p.38 18 Gaignebet C., Op.Cit.p.9 19Gaignebet C., Idem. p.10 est un jeu théâtral populaire qui certes recueille ici ou là les débris d’anciennes mythologies, mais dont la constitution ne remonte pas au-delà du Moyen Âge uploads/Religion/ abstract-carnaval 1 .pdf
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- Publié le Jan 25, 2022
- Catégorie Religion
- Langue French
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