Archives de sciences sociales des religions 152 | 2010 Bulletin Bibliographique
Archives de sciences sociales des religions 152 | 2010 Bulletin Bibliographique André PADOUX, Comprendre le tantrisme. Les sources hindoues Paris, Albin Michel, coll. «Spiritualités vivantes», 2010, 354 p. Catherine Clémentin-Ojha Édition électronique URL : http://assr.revues.org/22517 ISSN : 1777-5825 Éditeur Éditions de l’EHESS Édition imprimée Date de publication : 31 décembre 2010 Pagination : 9-242 ISBN : 9782713223013 ISSN : 0335-5985 Référence électronique Catherine Clémentin-Ojha, « André PADOUX, Comprendre le tantrisme. Les sources hindoues », Archives de sciences sociales des religions [En ligne], 152 | octobre-décembre 2010, document 152-93, mis en ligne le 06 mai 2011, consulté le 30 septembre 2016. URL : http://assr.revues.org/22517 Ce document a été généré automatiquement le 30 septembre 2016. © Archives de sciences sociales des religions André PADOUX, Comprendre le tantrisme. Les sources hindoues Paris, Albin Michel, coll. «Spiritualités vivantes», 2010, 354 p. Catherine Clémentin-Ojha RÉFÉRENCE André PADOUX, Comprendre le tantrisme. Les sources hindoues, Paris, Albin Michel, coll. «Spiritualités vivantes», 2010, 354 p. 1 À partir des VIIIe-IXe siècles de notre ère, on trouve un peu partout en Inde un ensemble de textes en sanskrit appelés tantra, centrés sur les dieux hindous Shiva et Vishnou et sur la déesse. Cette littérature, vaste et multiforme, constitue un ensemble foisonnant, traversé de courants contradictoires. Les tantras sont difficiles à comprendre – ils ont besoin de commentaires pour être compris par leurs adeptes –, très peu d’entre eux ont d’ailleurs été traduits. Avec les notions et pratiques qu’ils exposent, et qui ne sont pas moins complexes, ils constituent un phénomène religieux toujours important aujourd’hui mais dont il n’est pas aisé de cerner la spécificité. Il fallait pour y parvenir avoir, comme André Padoux, une connaissance de première main de cette littérature, acquise au cours d’une longue et savante fréquentation. C’était là la condition principale. Mais on peut se demander si l’auteur aurait réalisé le même effort de synthèse s’il avait œuvré dans le strict cadre universitaire et non visé, comme il le fait ici, le grand public cultivé. Il ne faudrait toutefois pas que les spécialistes des faits religieux ignorent ce volume sous prétexte qu’il paraît dans une collection destinée aux non spécialistes: ils passeraient à côté d’une mise en ordre des faits tantriques aussi éclairante qu’instructive. C’est sur celle-ci que je voudrais attirer l’attention. 2 Quoique retenu pour le titre, le terme «tantrisme» est malheureux, comme A.Padoux le souligne d’emblée, même s’il est d’usage courant. Il a, en effet, le tort de sembler désigner une religion distincte alors que «l’univers tantrique forme un aspect de l’hindouisme» André Padoux, Comprendre le tantrisme. Les sources hindoues Archives de sciences sociales des religions, 152 | 2010 1 (p.19) ou encore qu’«il n’y a (sauf d’assez rares exceptions) pas d’hindouisme dépourvu de tout élément tantrique» (p.25). Le sanskrit ne connaît pour sa part que les termes tantra, que l’on peut traduire par système, doctrine ou texte (p.27), et tāntrika (dont nous faisons tantrique), pour qualifier les pratiques décrites par ces textes et les personnes qui s’y livrent. Il convient donc de retenir que, s’il y a bien des notions et des pratiques tantriques affirmées comme telles, celles-ci ne s’organisent pas en un domaine séparé du vaste et tentaculaire monde hindou. Leurs adeptes sont des hindous; ils relèvent du monde socioreligieux hindou; ils vivent dans le temps hindou. Les tantras intègrent des éléments des systèmes philosophiques hindous (notamment du samkhyā et du yoga). Les hindous eux-mêmes adoptent nombre de pratiques tantriques sans être pour autant tantriques. Les principes architecturaux de leurs temples comme les règles de fabrication et de consécration des images divines qu’ils y adorent, par exemple, sont énoncés dans les tantras (pp.52, 242-258). 3 Bref, la connaissance des faits hindous est indispensable pour comprendre les traditions tantriques et vice-versa. Cela représente une grande difficulté. Mais un obstacle, bien plus grand encore, à l’intelligibilité de ces phénomènes serait de ne pas savoir comment comprendre leur interpénétration. C’est à mon sens tout l’extrême intérêt de l’ouvrage d’A. Padoux que d’ouvrir des pistes pour penser cet enchevêtrement et pour le démêler. Il ressort de son analyse fournie qu’il faut considérer, d’une part, la relation entre la tradition hindoue orthodoxe (fondée sur le Veda) et la tradition tantrique, et, d’autre part, la relation entre les pratiques tantriques atténuées, qui ont diffusé dans les autres courants de l’hindouisme, et les pratiques tantriques pures, qui sont encadrées par des règles strictes et réservées à un petit nombre d’adeptes initiés et qualifiés. 4 Une première illustration de la démarche de mise en ordre d’A. Padoux est offerte par son traitement de la question de la révélation. Clé de voûte de l’orthodoxie hindoue, le Veda se présente comme un texte révélé et n’admet aucune autre révélation. Les tantras, qui se disent révélés par un être divin, le plus souvent Shiva, se conçoivent comme une révélation distincte de celle du Veda, mais ils ne rejettent ni ne prétendent remplacer celui-ci. De leur point de vue, le Veda est une révélation inférieure à la leur parce que moins efficace pour obtenir la libération (moksha ou mukti). Cette opposition hiérarchique ne concerne que la quête spirituelle, érigée en finalité supérieure. Pour le reste, les tāntrika partagent la religion (hindoue) commune au fondement de la vie sociale, ils évoluent au sein de leurs castes respectives. La révélation tantrique dessine donc une voie initiatique de libération réservée à une minorité de personnes intégrées dans la vie socioreligieuse hindoue. Aussi peut-elle se concevoir comme «une superstructure ésotérique» qui couronne «une base exotérique» (p.34). Son caractère secret est indissociable, d’une part, d’un mode spécifique de transmission des enseignements tantriques par l’intermédiaire d’un maître initiateur (guru), et, d’autre part, de ce type d’organisation sociale typiquement hindoue qu’on a coutume d’appeler «secte». 5 Le tāntrika prétend donc transcender la religion mondaine. Il prétend aussi la transgresser. La relation avec l’orthodoxie hindoue se joue ainsi tout à la fois sur le mode hiérarchique et sur le mode transgressif. Considérons à présent cette dimension transgressive. Pour la comprendre, il faut commencer par rappeler que les tantras traitent de l’interpénétration du mondain et du divin: «La vision tantrique est celle d’un univers créé, soutenu et totalement pénétré par l’énergie divine, la shakti, présente également en l’être humain qui peut la capter et l’utiliser.» (p.40). Parce qu’il est création André Padoux, Comprendre le tantrisme. Les sources hindoues Archives de sciences sociales des religions, 152 | 2010 2 divine ou manifestation de la divinité, le monde lui-même offre des voies ou des moyens pour atteindre la divinité. D’où la place que les tantras donnent au corps: «Vivre, “s’exister” en tāntrika, c’est vivre dans un univers éprouvé comme pénétré par l’énergie divine, un ensemble énergétique où le corps est immergé, en faisant partie et le reflétant dans sa structure (...) L’importance du corps dans le monde des tantras est en fait si grande que l’on pourrait traiter de presque tous les aspects du domaine tantrique sous l’angle du corps.» (p.123). Mais, ne l’oublions pas, c’est tout l’hindouisme qui considère le corps comme le véhicule de la libération. Ce qu’il faut donc souligner pour saisir la spécificité tantrique, c’est qu’en se livrant à des pratiques somatopsychiques (yoga) – «un tāntrika pratiquant est toujours un yogin» (p.124) –, le tāntrika use de son corps de manière plus intense encore. Et c’est précisément parce qu’il est en quête de transcendance et de dépassement des limites du soi que la logique transgressive s’imposera à lui. On la rencontrera en particulier dans le rôle accordé à la passion amoureuse (kāma) – là où l’hindouisme orthodoxe aurait mis l’accent sur le renoncement –, même s’il ne faut pas surévaluer l’importance du sexe ni oublier qu’il suppose une parfaite maîtrise technique, «et non de l’hédonisme: la vie tantrique n’est pas recherche du plaisir.» (p.163). Plus généralement, la logique transgressive se déclinera dans la violation systématique des règles de pureté et de bienséance de l’orthodoxie hindoue: «c’est par la participation, la plongée dans l’interdit que le tāntrika se transcende, qu’il obtient tous les pouvoirs ou la libération, une libération trouvée en ce monde.» (p.41). Les tantras sont toutefois «inégalement transgressifs» (p.55), d’où la distinction entre tantras du courant de «gauche» (vāma) et tantras du courant de «droite» (dakshina), ou encore entre ces adeptes très engagés que sont les ascètes initiés et ceux qui vivent dans le monde et composent avec les normes dominantes. 6 L’étude d’A. Padoux démêle pratiques tantriques et pratiques non tantriques dans d’autres domaines encore. Signalons celui du culte divin (pújā), puisqu’il est l’un de ceux où leur interpénétration est sans doute la plus forte, où la frontière entre hindouisme et faits tantriques est la plus fluide. On s’y repère tout de suite mieux si on sait que les tāntrika rendent un culte dans un esprit très différent de celui des non tāntrika. En effet, il s’agit pour eux de s’identifier avec l’énergie divine ou shakti qui anime l’univers, de la capter et de la manipuler par les rites. Cela suppose qu’ils se livrent à une intense activité de création d’images: l’inventivité extrême de l’imagination visuelle est une autre uploads/Religion/ andre-padoux-comprendre-le-tantrisme-les-sources-hindoues-catherine-cle-mentin-ojha.pdf
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- Publié le Jui 10, 2022
- Catégorie Religion
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