1 Angelus Silesius (1624-1677) Antoine Schülé La Tourette, 8 mai 2020 Le labour

1 Angelus Silesius (1624-1677) Antoine Schülé La Tourette, 8 mai 2020 Le laboureur est Dieu, Sa Parole est le grain, Son Esprit est le soc et mon cœur le terrain.1 La pierre est sur le sol et l'oiseau dans les cieux; le poisson vit dans l'eau, moi dans la main de Dieu.2 L'hiver est le péché, la contrition le printemps, l'été la grâce, l’automne l'accomplissement.3 Le sage cherche le calme, fuit le bruit; sa détresse est le monde, le Ciel sa Patrie.4 Le monde est un océan pour moi, le capitaine est l'Esprit de Dieu; mon corps est le bateau dont l'âme voyage vers le port.5 En toi sont le Ciel et aussi le tourment de l'Enfer: Ce que tu choisis et veux, tu le trouves partout.6 Pour ouvrir ce sujet, ces quelques citations vous donnent l'esprit et le style de cet auteur nommé Angelus Silesius. Les amateurs de haïkus doivent s'intéresser à son œuvre où se retrouve, en partie, une sagesse déjà livrée par Lao Tseu, dans son Tao Te King. La sagesse a dû accompagner la naissance de l'humanité, même si elle semble bel et bien perdue chez quelques-uns, en nos temps d'illusions. Méditer une image verbalisée en dit bien plus qu'un long discours mais, pour vous initier à ce poète mystique, il me faut bien vous en dire un peu plus, afin de découvrir l'esprit qui a conduit l'écriture de ses distiques. Johannes Scheffler, qui se nommera ultérieurement Angelus Silesius, est issu d'une famille ayant une origine allemande et ayant émigré en Pologne. Son père était né à Cracovie en 1562 et a mené une vie d'homme d'armes. Il fut ano- bli en 1597. Il décida de s'installer à Breslau (Wroclaw, dans la Pologne actuelle). Âgé de 62 ans, il épousa Marie Hennemann en 1624. De cette union, trois enfants sont nés : Johannes Scheffler, le 25 décembre 1624, et plus tard, un frère Christian ainsi qu'une sœur. Leur père quitte ce monde en 1637, à l'âge de 75 ans, et leur mère décède en 1639. 1 PC, 1, 64, Les semailles spirituelles. De : Eugène Susini (traduction de l'allemand) : Angelus Silesius. Le pèlerin chéru- bique. 2 vol. PUF. Paris. 1964. 472 p. et 260 p. Ici abrégé PC, le premier chiffre indique l'un des six livres; le deuxième, le numéro du distique. Je mentionne les cita- tions que je traduis d'une façon autre. 2 PC, 1, 80, Chaque chose à sa place. Inspiré de Böhme. Repris avec une variante en PC, 4, 32. 3 PC, 5, 18, Les saisons spirituelles. Trad. de l'auteur. 4 PC, 4, 109, Le sage. Idem 5 PC, 2, 69, La navigation spirituelle, Idem 6 PC, 1, 145, En toi se trouve ce que tu veux. Idem 2 Temps des études De 1639 à 1643, Johannes étudie au gymnase Sainte-Elisabeth. Deux enseignants ont une grande influence sur son développement intellectuel et moral : Chrisosto- mos Schultz et Christophe Köler, un poète. Il est remarqué pour son enthousiasme, son côté introverti et sa recherche d'une certaine ascèse morale. Il s'y fait aussi un ami en la personne d'Andreas Scholz (latinisé en Scultetus) : ce luthérien à l'ori- gine se convertira au catholicisme; il deviendra un poète reconnu par Lessing en 1644; cette amitié a marqué la vie de Johannes. Le 4 mai 1643, il est inscrit à l'université de Strasbourg pour des études de méde- cine mais il étudie aussi l'histoire et la politique. Il y découvre l’œuvre de Tauler, un disciple d'Eckart. En 1644, le 6 septembre, il poursuit ses études à Leyde, Hollande, où il restera jus- qu'en 1647. Il y connaît une étape importante pour sa vie spirituelle : une confron- tation avec d'autres pratiques religieuses et de nouveaux auteurs. La Hollande a re- çu des Luthériens, des Calvinistes, des Juifs, des hérétiques et diverses "chapelles" particulières y prospèrent. Il lit avec assiduité les écrits de Böhme, Tauler, Ruys- broeck et de Harpius (traduits en allemand par des Chartreux) et probablement d'Eckart et de Weigel. Le 25 septembre 1647, nous le retrouvons à Padoue7. Après cinq années d'études, le 9 juillet 1648, il est docteur en philosophie et en médecine. Retour en Silésie et conversion En 1649, il revient à Breslau. Son frère est frappé d'aliénation mentale. Sa sœur a épousé un médecin. Le 3 novembre 1649, il devient le médecin du Prince de Öls. Les cercles mystiques l'intéressent et révèlent sa curiosité spirituelle : il rencontre Abraham von Franckenberg qui mourra le 25 juin 1652. Johannes lui écrit pour cette circonstance un éloge de 28 strophes (112 vers) où se développent plusieurs idées que nous retrouverons dans son œuvre majeure "Le Pèlerin chérubinique8". Von Franckenberg lui permet de rencontrer Daniel Czepko qui est l'auteur d'un recueil de 600 distiques qui traitent de la relation entre l'âme et le Christ. Ce 7 Il n'y avait pas le programme Erasmus mais bel et bien une culture européenne que certains chefs d’État nient aujour- d'hui : aveux de leur ignorance du passé et de leur prétention de croire que tout commence soit avec eux, soit à la Révo- lution, soit au Siècle des Lumières, soit à la Renaissance ou encore selon d'autres mythes à ne point contester sous peine de perdre cette liberté d'expression, acceptable uniquement si elle est politiquement correcte et donc historique- ment correcte.... 8 ou "chérubique" chez certains traducteurs. 3 procédé littéraire n'est pas nouveau et s'inscrit dans une continuité spirituelle qui s'exprimait de la même façon mais en latin, comme avec Theodor von Tschech (1595-1649) entre autres. Angelus Silesius reprend ce procédé avec plus d'ardeur, de subtilité et une grande adresse technique. Silesius ne construit pas un édifice doctrinal à la façon d'un Thomas d'Aquin. Ses intentions sont didactiques : • montrer aux hommes le chemin de la Vérité; • révéler la signification vivante du christianisme et des mystères de la Foi. Pour faciliter la mémorisation, il compose des vers rimés en allemand à la façon française qui se retrouve chez Corneille9, La Fontaine ou Boileau. Des ouvrages annotés de sa main, nous savons qu'il relit les œuvres de Ruysbroeck et de Tauler, traduites en latin par un Jésuite, nommé Sirius. Figurent aussi, sur les rayons de sa bibliothèque, les œuvres de Saint Bonaventure, "L'imitation de la vie de Jésus Christ" attribuée à Thomas a Kempis, les œuvres de Gertrude de Hakeborn, le "Clavis pro Theologia mystica" du Jésuite Maximilien, un dictionnaire de termes mystiques de Sandäus (paru en 1640). Johannes, luthérien par déterminisme familial, lit les auteurs catholiques et il les admire : ils répondent à sa préoccupation de l'union de l'âme à Dieu. Il réalise que l'Eglise est plus ouverte à un chemin mystique qui connaît par contre une forme d'intolérance chez les autorités de la Réforme. Il reçoit le baptême catholique dans l'église Saint-Matthieu, le 12 juin 1653, et son nom devient Johannes Angelus. Deux raisons à cet ajout à son prénom : au XVIe s., il y a eu un mystique espagnol nommé Johannes ab Angelis; Angelus car l'ange est pour lui cet esprit messager de Dieu qui parle à l'âme. En 1654, il est médecin à la cour de l'Empereur catholique Ferdinand III. En 1657, il publie la première édition du "Pèlerin chérubinique" qui a pour titre "Aphorismes spirituels et sentences rimées". Le 29 mai 1661, il est ordonné prêtre chez les frère mineurs de Saint François. Il réussit à rétablir les processions à Breslau qui n'étaient plus pratiquées depuis 135 ans. Ainsi, ce mystique a le grand souci d'un christianisme populaire et, une fois de plus, se vérifie le réalisme du mystique qui, trop souvent, est imaginé en train de planer dans des hauteurs éthérées. Il exprime très clairement son refus de la gnose et ceci doit être retenu car des gnostiques, encore de nos jours, tentent de ré- cupérer une partie de ses écrits10 pour se rendre crédibles. Ne confondons pas 9 Sur mon blog, dont l'adresse se trouve en fin de cet écrit, j'ai proposé trois communications sur la poésie sacrée que je vous invite à lire. 10 En occultant ce qui ne leur convient pas. 4 gnostique11 et mystique12 ! Il a la volonté de convaincre. Il mène une vie active et il aime l'écriture poétique. Il est l'auteur de plusieurs livres : "Sainte joie de l'âme" est un recueil de cantiques spirituels; "Description sensible des choses dernières" où il décrit les peines de l'Enfer et les joies du Paradis. Les attaques incessantes et virulentes des Luthériens ne manqueront pas à l'égard de ce converti au catholicisme : pour leur répondre, s'ouvrent 12 ans de polémique où Johannes Angelus ne sera pas toujours soutenu par les Catholiques. Il publie 55 pamphlets, libelles et opuscules où il s'exprime vigoureusement : cette vigueur lui sera reprochée mais les attaques luthériennes contre lui ne seront pas condam- nées... les timorés sont souvent ainsi et sont aimés, pour cette "qualité", par leurs adversaires qui, quant à eux, ne s'embarrassent pas de scrupules ! Son militantisme cesse en 1675. En 1675, il publie uploads/Religion/ angelus-silesius-coras-nb-dc.pdf

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  • Publié le Mai 19, 2021
  • Catégorie Religion
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