1. Montmartre : deux chantiers fondateurs Sacré-Cœur de Montmartre, Paris, les
1. Montmartre : deux chantiers fondateurs Sacré-Cœur de Montmartre, Paris, les coupoles Les coupoles néo-byzantines de la basilique du Sacré-Cœur à Montmartre, Paris. Encyclopædia Universalis, le portail de la connaissance ARCHITECTURE RELIGIEUSE AU XXe SIÈCLE, France L'architecture religieuse moderne souffre, en France, d'un profond discrédit. Il semble que les fidèles ne se reconnaissent plus guère dans les églises construites à leur intention ; la période médiévale leur apparaît comme un âge d'or et, pour les architectes, elle fait figure de référence permanente. La progressive déchristianisation du pays est-elle seule à l'origine de ce moment de doute sans précédent ? Il semble plutôt que la notion de modernité ait eu à affronter, à travers le programme de l'architecture religieuse, un double obstacle ; la rupture opérée avec le XIXe siècle se situe en effet, dans ce domaine, à deux niveaux principaux. L'emploi du béton armé, qui s'impose dès les années 1920 comme principal matériau de construction, suscite un débat sur l'essence du lieu de culte en même temps qu'il provoque un véritable front du refus de la part des fidèles, de certains architectes et d'une partie du clergé. En outre, les possibilités illimitées de la construction en béton armé, ajoutées à une évolution sensible des mentalités, ont contribué à renouveler une réflexion sur la forme de l'église et, partant, sur la liturgie qu'elle accueille. Le poids démographique fut tel que jamais le besoin d'églises n'avait été aussi fort qu'au XXe siècle ; parallèlement, jamais l'art d'église n'eut autant de difficultés à se faire accepter. Faut-il alors parler de crise de l'architecture religieuse ? Nombreux sont ceux qui, architectes ou critiques, se sont émus de la pauvreté artistique des nouvelles églises ; certains parmi eux ont d'ailleurs milité pour un renouveau radical de l'art sacré, postulant que la qualité de l'œuvre ne dépend pas nécessairement des croyances de son auteur. Le bilan qualitatif des quelques milliers de lieux de culte – essentiellement catholiques – construits en France au XXe siècle n'est certes pas, comparé à celui d'autres pays européens, des plus spectaculaires. Et pourtant, dans ce que certains jugent comme un concert de médiocrité, nombreux sont les projets et réalisations qui témoignent de la constante vitalité de l'art sacré en France. Si la loi sur la « séparation des Églises et de l'État » (1905) représente un moment crucial dans l'évolution du processus de construction des églises en France – le clergé devient alors seul maître d'ouvrage –, deux dates semblent fondamentales, qui marquent la fin d'importants chantiers, sur la butte Montmartre à Paris. En 1910, Lucien Magne achève en effet l'immense entreprise que son aîné Paul Abadie n'avait pu mener à son terme : la basilique du Sacré-Cœur. Par-delà son caractère symbolique, cet édifice conçu en 1875 fera figure de catalyseur de la mode romano-byzantine, puis s'imposera comme source d'inspiration pour une génération entière d'architectes au début du XXe siècle. L'année 1904 est aussi une date clé : après dix ans de travaux et de polémiques, l'église Saint-Jean-l'Évangéliste est enfin livrée par Anatole de Baudot. Sa structure de brique armée (système breveté par l'ingénieur Paul Cottancin), appliquée pour la première fois à un lieu de culte, confère à l'édifice une légèreté inédite. Fidèle à la théorie rationaliste de son maître Eugène-Emmanuel Viollet-le-Duc, l'architecte s'est inspiré de l'architecture gothique ; ce choix, qui lui vaudra quelques critiques, s'inscrit pourtant dans une démarche parfaitement cohérente, qui confirme par ailleurs le rôle prédominant des architectes des Monuments historiques dans la construction des églises au début du XXe siècle. L'influence d'Anatole de Baudot est d'ailleurs perceptible dans d'autres églises parisiennes : à Saint-Joseph- des-Épinettes (1910), Louis Thomas lui emprunte ses cabochons de grès flammé, tandis que, pour Saint-Léon (1913-1933), Émile Brunet songera dans l'une de ses études à reprendre la forme du clocher de Saint- Jean-l'Évangéliste. Édouard Bérard, lauréat du concours pour la construction de Saint-Jean de Montmartre – avant que l'abbé Sobaux ARCHITECTURE RELIGIEUSE AU XXe SIÈCLE, France ‐ Enc... http://www.universalis.fr/encyclopedie/architecture‐reli... 1 sur 8 06/04/11 14:34 2. Reconstruire autrement 3. Notre-Dame du Raincy ne lui préfère Baudot – avait présenté pour sa part un projet d'inspiration Renaissance, utilisant le système breveté en 1892 par l'entrepreneur François Hennebique, un système d'étriers qui maintiennent les tiges de fer coulées dans le béton. Cet épisode fut alors l'occasion d'une confrontation de deux approches de l'architecture religieuse, mais également de deux manières de construire avec un matériau dont les modes de mise en œuvre constituaient encore un enjeu économique. En 1906, Bérard bâtira à Rungis (Val-de-Marne) une église de béton entièrement préfabriquée, inspirée du système Cottancin – ce qui prouvait, à cette date, l'intérêt décroissant pour la notion de système. Et pourtant c'est bien l'entreprise Hennebique qui, grâce à l'efficacité de la stratégie commerciale mise au point par son fondateur, prendra en charge l'étude structurelle de nombreuses églises en France après 1919. Comment fallait-il en effet reconstruire les centaines de lieux de culte, partiellement ou entièrement détruits pendant la Première Guerre mondiale ? L'architecte Paul Noulin-Lespès exprimait en 1919, dans les colonnes de la revue Le Béton armé fondée par Hennebique, une opinion commune à la majorité de ses confrères : « [...] de nombreux problèmes peuvent se poser à cette occasion, et notamment ceux concernant le choix du style, le plan de l'édifice, le mode de construction et la nature des matériaux. Il nous a paru que, dans l'impossibilité de refaire les églises telles qu'elles étaient avant la guerre, on devait songer à s'inspirer à la fois des grandes leçons d'art du passé et à utiliser des procédés de construction modernes plus rapides, moins coûteux, plus souples que ceux de nos devanciers, et peut-être mieux adaptés à la destination actuelle de ces monuments religieux. » Ainsi l'emploi du béton armé s'imposerait comme une évidence – le recours exclusif au métal par Claude Robbe en 1939 pour l'église Sainte-Barbe de Crusnes-Cité (Meurthe-et-Moselle) doit, en dépit de son intérêt, être considéré comme un événement marginal. Il restait cependant à définir les conditions de mise en œuvre d'un matériau jugé dépourvu de noblesse, et pour certains (Gaston Bardet, par exemple) fondamentalement antireligieux. Le parement de briques sera certes un excellent succédané à la pierre de taille ; son faible coût et les motifs décoratifs qu'il autorise – Dom Bellot, moine architecte, fut un maître en la matière – sont des atouts qui favoriseront son emploi quasi systématique. Mais les églises reconstruites dans les régions dévastées ne témoignent pas toutes, loin s'en faut, de cette recherche d'une nouvelle alliance entre les matériaux : habitants et architectes demeurent profondément attachés à la pierre ; dans l'Aisne par exemple, Édouard Monestès à Ciry-Salsogne, Charles Halley à Nanteuil-la-Fosse, Georges Grange et Louis Bourquin à Mont-Notre-Dame lui redonnent sa primeur d'antan, ce qui n'empêche pas le premier, pour les clochers de Quessy et de Tergnier, de faire un usage apparent du béton. Ce matériau est encore utilisé pour la sculpture des clochers, à Martigny-Courpierre (Albert-Paul Müller), à la suite des expériences menées en Île-de-France par Julien Barbier (Bécon-les-Bruyères et Paris) et Paul Tournon (Villemomble et Élisabethville), avec les sculpteurs Gabriel Dufrasne et Carlo Sarabezolles. Une église allait, à elle seule, orienter d'une manière radicalement différente le débat sur l'architecture religieuse. Construite en 1923 au Raincy (Seine-Saint-Denis) par Auguste et Gustave Perret, Notre-Dame-de-Consolation est élevée à la mémoire des morts de la bataille de la Marne. Le souci d'économie, mais surtout la conviction que le béton armé peut égaler, voire surpasser la pierre en puissance d'expression, conduit les architectes-entrepreneurs à concevoir une église sans autre matériau que cette concrétion. La nef, couverte par une voûte surbaissée, est flanquée de quatre rangées de poteaux, galbés et cannelés, qui soutiennent à même hauteur les voûtes des bas-côtés ; celles-ci sont renforcées par des nervures qui évitent le recours à tout système de contrefort. Ainsi les murs extérieurs, formés de claustras de béton sertis de vitraux, ne portent-ils rien d'autres qu'eux-mêmes. Charles-Henri Besnard proposera, pour l'église Saint-Christophe de Javel à Paris (1930), un système constructif radicalement opposé, tous les éléments porteurs étant moulés en usine, puis assemblés sur le chantier. Édifice monolithique, « Sainte-Chapelle du béton armé », synthèse des styles gothique et classique, l'église du Raincy fut immédiatement prise pour modèle : Charles Duval et Emmanuel Gonse à Moreuil et à Roye (Somme), Marc Brillaud de Laujardière et Raymond Puthomme à Maisons-Alfort (Val-de-Marne), Pierre Pouradier-Duteil au séminaire de Voreppe (Isère), enfin Dimitrou Rotter (Saint-Jean-Bosco) et Léon Azéma (Saint-Antoine- de-Padoue) à Paris s'en sont largement inspirés. Toutefois les emprunts sont le plus souvent formels : on y retrouve en effet davantage le dessin du clocher ou l'utilisation des claustras que la structure de l'église du Raincy, pourtant l'élément le plus novateur. Albert et Jacques Guilbert, à Versailles ou encore à Domfront (Orne), conçoivent pour leur part, entre 1923 et 1926, deux églises qui, tout en trahissant un évident intérêt pour l'œuvre des frères Perret, expriment un tout autre choix typologique : le plan centré. ARCHITECTURE RELIGIEUSE AU XXe SIÈCLE, France ‐ Enc... http://www.universalis.fr/encyclopedie/architecture‐reli... 2 sur 8 06/04/11 14:34 4. uploads/Religion/ architecture-religieuse-au-xxe-siecle-france-encyclopedie-universalis 1 .pdf
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- Publié le Apv 18, 2022
- Catégorie Religion
- Langue French
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