La paroisse dans le monde contemporain LES FONDEMENTS THEOLOGIQUES D'UNE PASTOR
La paroisse dans le monde contemporain LES FONDEMENTS THEOLOGIQUES D'UNE PASTORALE* II est impossible de parler aujourd'hui de la paroisse sans se â-e- mander d'abord de quelle paroisse il s'agit. Il y a tant de paroisses. Parlons d'abord de la paroisse « classique ». La communauté chré- tienne y correspond à la communauté humaine. Elle concerne un cer- tain nombre de personnes, groupées déjà de façon permanente, et entre lesquelles il y a une réelle intimité de connaissance, de relations, de services réciproques... A côté de la paroisse « classique », que l'on trouve en région rurale ou dans de petites villes, il faudrait considérer toutes les autres si- tuations. Il y a la paroisse de ville, où l'on découvre de moins en moins de résidents permanents et de plus en plus de passage ; il y a la paroisse de banlieue — que certains appellent volontiers paroisses- dortoirs, — où le curé ne peut rencontrer ensemble le père et la mère de la famille qu'en se présentant après 19 heures, et encore... ; il y a la paroisse de villégiature, dont la composition et le rythme changent brusquement au moment où les citadins fuient la ville pour se réfu- gier au bord de la mer, sur les rives d'un lac ou en montagne. Une * Texte d'une conférence faite à New-York le 24 juillet 1964. NOTE BIBLIOGRAPHIQUE. Pour une bibliographie sur la théologie de la paroisse on peut consulter les ouvrages suivants : Die Pfarre. Von der Théologie sur Praxis, Fribourg-en- Brisgau, 1956. C'est un ensemble d'études rassemblées et publiées par le P. Hugo Rahner. (On y trouvera une très bonne bibliographie accompagnée d'une ana- lyse.) — Y. DANIEL et G. LE MOUEL, Paroisses d'hier,.. Paroisses- de demain, Paris, 1957. (Bibliographie abondante, bien classifiée.) Une bibliographie plus succincte, mais vraiment à jour, a paru dans le Lexikon fur Théologie und Kirche, t. 8 (1°63), col. 406, après l'article Pfarrei (IV. Die Théologie der Pfarrei ; V. Pastorale Praxis der Pfarrei) dont l'auteur est E. WALTER. Les références entre parenthèses que l'on trouvera dans la présente étude renvoient aux deux ouvrages suivants : Y. COMGAR, Mission de la Paroisse, dans Structures sociales et pastorale paroissiale. Congrès de Lille 1948. Paris, 1948. — K. RAHNER, Esquisse d'une théologie de Sa paroisse, dans La paroisse. De la théologie à la pratique, Paris, 1961. C'est la traduction française (sans biblio- graphie) de l'ouvrage allemand, publié sous la direction de H. Rahner, cité en tête de ces notes. Pour le problème pastoral posé par les migrations, nous voudrions simple- ment renvoyer à l'ouvrage suivant à la préparation duquel nous avons nous- même travaillé ; Migrations 'et Pastorale (Recherches pastorales. Série « Con- grès»), Paris, 1964-. 966 J. HAMRR, O.P. vue complète des choses demande que l'on considère encore la paroisse géante : la « macroparoisse » de ville avec ses 60.000 ou 80.000 habi- tants, où la majorité des paroissiens constitue une masse anonyme, où le curé ne connaît même pas le cercle restreint des fidèles qui gra- vitent autour de l'Eglise et des oeuvres ; la « macroparoisse » des ré- gions rurales de l'Amérique latine (du « sertâo» brésilien par exem- ple) où un seul prêtre peut avoir la responsabilité de territoires in- vraisemblablement vastes, où souvent il ne peut visiter ses fidèles qu'une seule fois par an. Dans une conférence comme celle-ci, on ne peut pas traiter de tout. Le problème des paroisses géantes demande à être abordé à part. Dans mon désir de confronter la théologie de la paroisse avec les données contemporaines, Je veux surtout garder sous les yeux, outre la parois- se « classique », toutes les paroisses qui sont affectées aujourd'hui par la mobilité géographique, par les déplacements réguliers, occasion- nels ou saisonniers (la paroisse urbaine de passage, la paroisse en région touristique, la paroisse-dortoir). Bref, ceci nous montre qu'il faut situer la paroisse contemporaine dans les cadres d'une réflexion sur les problèmes que pose à la pasto- rale moderne le fait des migrations. Certains anciens seraient peut-être tentés de hocher la tête, en re- grettant le temps où l'on bougeait moins, où tout se passait dans le calme, dans la sérénité d'une vie sédentaire. Certes il y aurait beau- coup de choses à dire sur le prurit de bouger qui affecte certaines personnes et que la publicité entretient avec soin. Mais H faut noter avant tout que le phénomène des migrations ne procède pas d'un simple besoin de bouger. C'est un phénomène de civilisation dont il faut chercher les causes dans le développement de la technique. Nous sommes en présence d'une réaction en chaîne : la spécialisation entraîne la concentration dont la mobilité n'est qu'une conséquence. Une école technique, grâce au ramassage scolaire, draine la population scolaire dans toute une région, Un médecin spécialiste a besoin d'une concentration de population plus grande que celle du médecin ordinaire. On peut multiplier les exemples à l'infini. Tous soulignent que nous devons jeter sur le phénomène migratoire un regard particulièrement attentif, sans aucun dédain, et que le travail de l'Eglise doit s'adapter à cette condition nouvelle du monde. Du dossier, assez considérable déjà, de la théologie de la paroisse, Je voudrais sortir deux pièces de valeur : un article du P. Yves Congar et une étude du P. Karl Rahner. Ces deux documents peuvent nous aider à situer la question. LA PAROISSE DANS LS MONDE CONTBîMPORAIN 967 Le P. Congar se trouve en présence d'une définition de la paroisse présentée par les liturgistes : la paroisse est une réalisation en. petit du mystère de l'Eglise. Il en reconnaît les incontestables, avantages. Cette définition montre bien que la paroisse est autre chose qu'une réalité administrative- Elle est la communauté des fidèles autour de l'autel. Cette conception lui paraît néanmoins trop étroite. N'est-elle pas , resserrée dans les limites de l'ecclésiologie de certains liturgistes ? « C'est la tentation des liturgistes de ne concevoir la paroisse et, d'une façon générale, l'Eglise, que comme une communauté de culte ou, au moins, d'abord et surtout comme une communauté de culte» (p. 49). Cette conception suffit peut-être à la définition du monastère. Peut-elle suffire à la paroisse qui doit concerner toute la vie humaine ? Vraie dans son ordre propre, la notion liturgique de la paroisse a be- soin d'être complétée. Centrant sa réflexion sur une analogie sociologtque, le P. Congar remarque que la. dualité du diocèse et de la paroisse ne tient pas à l'essence de l'Eglise, mais à une certaine structure de la vie humaine. C'est pour cela qu'on a parfois comparé « la paroisse à ce type de communauté humaine qu'est la famille, tandis qu'on assimilait le dio- cèse à la cité» (p. 51). Association humaine qui répond aux besoins de tous les jours, la famille se distingue de la cité, qui doit être le milieu d'épanouissement plénier de la vie humaine. Cette analogie permet de mettre en lumière que la formation fon- cière, non qualifiée, de l'homme nouveau relève de la paroisse, alors que les différences, les dons particuliers, les responsabilités diverses relèvent du diocèse. «Comme la famille est le milieu formateur de l'homme, non pas selon telle ou telle qualification, telle spécialité, mais simplement dans sa qualité foncière d'homme, la paroisse en- gendre et forme des hommes simplement selon cette nouvelle existen- ce et cette qualité de membres du second Adam, sans qualification spéciale» (p. 53). Le diocèse a des responsabilités plus spécialisées, plus vastes aussi, supposant des moyens plus larges, plus variés. Dès lors le chef du diocèse et le chef de la paroisse exercent leur autorité de façon bien diverse. Dans l'Eglise, le curé représente un pouvoir « domestique » s'exerçant sur « le quotidien de la vie » (voir p. 65, note 25). Son ministère est immédiat, souvent plus intérieur que celui de membres plus élevés de la hiérarchie. Comme la famille, la paroisse avant tout éduque. Nous pouvons formuler tout cela dans les deux propositions : 1. La mission de la paroisse est de former des chrétiens sine addito, dans la vie quotidienne et par les moyens ordinaires. — 2. Le prêtre en paroisse doit être principalement un éducateur. 968 J. HAMSS, O.P. Le point de départ du P. Karl Rahner est différent. C'est un ap- profondissement, un élargissement et une élaboration nouvelle de « l'ecdésiologie des liturgistes ». Tout est centré autour de la célé- bration eucharistique, événement nécessairement situé dans le temps et dans l'espace. Suivons le cheminement de la pensée de l'auteur. Quelle est la re- lation entre l'Eglise comme institution sociale et l'Eglise comme évé- nement ? La réponse est simple : c'est dans l'événement que l'Eglise! se réalise pleinement. Certes l'Eglise a une existence permanente, une existence juridique durable, qui se maintient même aux moments où aucune activité ne serait exercée dans son sein (voir p. 37). Mais on ne pourra cependant pas contester qu'aux moments où l'Eglise agit, c'est-à-dire « enseigne, proclame sa foi, prie, offre le sacrifice du Christ, etc., elle atteint un degré d'actualité plus élevé que uploads/Religion/ hamer-j-la-paroisse-dans-le-monde-contemporain-fondements-theologiques-d-x27-une-pastorale-1964-nouv-rev-theol.pdf
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- Publié le Fev 17, 2022
- Catégorie Religion
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