1 Lundi 30 mai 2022 Le Cardinal Charles Journet, un maître spirituel pour notre

1 Lundi 30 mai 2022 Le Cardinal Charles Journet, un maître spirituel pour notre temps. 2 « Oui, ce que je garde du Cardinal Journet, c’est une présence de Dieu, vraiment transparente, humaine, avec une grande sensibilité – comme une continuation du mystère de l’Incarnation, dans l’Église »1. Ce témoignage d’une Petite Sœur de Jésus suffit pour dire que la rencontre avec l’abbé Charles Journet ne laissait pas indifférent. Les mots qu’il prononçait, que ce soit dans ses prédications, ses enseignements, ses conseils spirituels et ses retraites étaient comme des gouttes de lumière qui venaient féconder la terre de l’humanité de celles et ceux qui l’écoutaient. Comme le reconnaît Guy Boissard, le biographe du cardinal, « ses écrits sont empreints d’une grande spiritualité, celle de l’Évangile »2. Plus largement que ses écrits, c’est toute la vie de Charles Journet qui est à voir dans le dynamisme de ce que disait saint Paul, « pour moi, la Vie c’est le Christ » (Ph 1,21). Voici quelques dates pour situer Charles Journet et le présenter brièvement. Il est né à Genève, le 26 janvier 1891, et a été baptisé le même jour en l’église du Sacré-Cœur. Après avoir terminé ses études au Collège Saint-Michel de Fribourg, collège fondé par saint Pierre Canisius, il entre au grand séminaire. Ordonné prêtre le 15 juillet 1917, il est nommé vicaire à Sainte-Croix de Carouge. En septembre 1920, Charles Journet quitte la Suisse pour l’Italie afin d’entrer au couvent dominicain de Viterbe. Il n’y restera que peu de temps pour des raisons de santé. En décembre 1920, on le retrouve à Fribourg, comme vicaire à la paroisse Saint-Pierre. Puis, retour à Genève où il est nommé vicaire à la paroisse du Sacré-Cœur. Une date importante pour sa vie et son œuvre est la rencontre avec Jacques Maritain, à Val d’Illiez, le 20 juillet 1920. Le 25 1 Témoignage de Petite Sœur Jeanne-Françoise de Jésus, 13 janvier 2015, archives de la Fondation. 2 Guy BOISSARD, Le guide spirituel, in Nova et Vetera 2006/2, p. 139. 3 septembre 1924, il arrive au grand séminaire de Fribourg comme professeur de théologie dogmatique, mission qu’il assurera jusqu’en 1970, tout en conservant son ministère à Genève où il reviendra chaque fin de semaine. Pendant la deuxième guerre mondiale, Charles Journet s’engage avec clarté et force par différents écrits pour le respect de la personne et des droits humains, pour une conception de la juste neutralité, pour une condamnation des déportations, si bien que son évêque – Mgr Besson – et la censure militaire interviendront pour le faire taire. Après la guerre, il assure de nombreuses prédications de retraites spirituelles, tant pour des laïcs, que pour des religieuses contemplatives, en particulier dans des Carmels et des monastères de bénédictines. Il participe à la Conférence judéo-chrétienne de Seelisberg et aux rencontres islamo-chrétiennes de Toumliline, au Maroc. En 1960, Jean XXIII le nomme membre de la Commission théologique préparatoire du concile et Paul VI le crée cardinal le 13 janvier 1965. Pendant la quatrième session du concile, ses interventions sur la liberté religieuse et le mariage indissoluble seront remarquées. La mort de l’ami Jacques Maritain, le 28 avril 1973, l’affectera particulièrement. Il assure son dernier cours à Genève le 2 février 1975. Après une chute et des hémorragies internes, il est admis à l’hôpital cantonal de Fribourg où il célèbre sa dernière messe le 10 avril 1975. Il décède le 15 avril, à 11h. Après la célébration de ses obsèques en la cathédrale de Fribourg, il est inhumé selon ses souhaits dans le cimetière de la Chartreuse de la Valsainte. Sa tombe est comparable à celle d’un chartreux, sans aucune indication ni monument. En conclusion de cette trop rapide présentation biographique, je voudrais lire le testament spirituel de Charles Journet : Il m’a envahi de son Amour et de son amour pour son Église. 4 Par elle, il m’a tout donné. Il n’a pas permis que je perde jamais la foi de mon Baptême, il y a 84 ans, au Sacré-Cœur de Genève. Il m’attendait pour me laver dans le Sang de son Eucharistie. Il est venu au devant de moi par les plus extraordinaires et les plus bouleversantes des amitiés. Al nome di Gesu Cristo e di Maria dolce.” On ne peut pas oublier de faire référence à l’immense travail de publication de Charles Journet. Avec l’abbé Charrière, il fonde en 1926 la revue Nova et Vetera, Revue catholique pour la Suisse romande, dont il assurera la responsabilité éditoriale jusqu’à la fin de sa vie. En 1965, il écrira : « Nova n’a jamais été pour moi un fardeau, mais un coin de liberté »3. Une cinquantaine de livres ou brochures ont été publiés et l’édition des Œuvres complètes est encore en cours. Elle devrait compter vingt et un volumes. Une mention particulière pour L’Église du Verbe incarné, qui couvre cinq volumes de cette édition, pour un total de six mille quatre cent sept pages ! Revenons un instant au titre de cet exposé : « Le Cardinal Charles Journet, un maître spirituel pour notre temps ». Dans un article publié dans la revue Carmel, en 1994, Geneviève de Gaulle-Anthonioz écrit : « l’abbé Journet ne se voulait pas directeur spirituel. (…) Pour ceux qui venaient à lui, il désensablait la source. Respect de la liberté, respect aussi de chaque personne avec ses caractéristiques, ses exigences propres »4. Avec le père Kaelin, elle reconnaît 3 JOURNET-MARITAIN, Correspondance, vol. VI, 1965-1973, Saint-Augustin, 2008, p. 53. 4 Geneviève DE GAULLE-ANTHONIOZ, Le profil spirituel du Cardinal Journet, Carmel, 1994/4, n° 74, p. 29. 5 qu’il vaudrait mieux parler d’un « père spirituel » : « Père spirituel, non seulement de ceux qu’il a baptisés, ou qui lui doivent les premiers pas, les premiers balbutiements de leur vie chrétienne, mais de tant d’autres auxquels – avec une si grande patience (mêlée de saintes impatiences), une si grande douceur (mais intransigeante sur la vérité), une si merveilleuse tendresse totalement transparente à l’amour divin, ou, comme l’a si bien dit Anne Périer, ‘relais de la tendresse de Dieu, il a ouvert le ciel des toutes grandes choses’ »5. Guy Boissard écrit quant à lui : « … Charles Journet était un véritable maître de la vie intérieure dont il connaissait toutes les règles. Son conseil était irremplaçable pour ceux qui désiraient s’approcher de Dieu ou accomplir plus entièrement les engagements pris en quelque état de vie que ce soit »6. Mettons-nous maintenant à l’écoute et à l’école de Charles Journet pour mieux découvrir ce que peut signifier être le relais de la tendresse de Dieu. Comme l’a écrit Mgr Pierre Mamie, secrétaire de Journet puis son évêque : « Charles Journet est devenu l’un des plus grands théologiens de son temps. C’était aussi un maître en spiritualité et un ami de Dieu »7. 1. Une théologie vécue. Premier témoignage intéressant pour nous aider à percevoir une des caractéristiques souvent mise en évidence pour parler de Charles Journet, celui de Frère Marie-Joseph, chartreux : « C’est bien toute la différence entre une théologie bien conçue et une théologie bien vécue, non pas que la première 5 Ibid., pp. 23-24. 6 Guy BOISSARD, Ibid., p. 144. 7 Mgr Pierre MAMIE, Postface in Pierre-Marie EMONET, Le Cardinal Charles Journet, portrait intérieur, CLD, 1983, p. 165. 6 soit insuffisante pour l’intelligence de la foi, mais elle n’apporte pas la même qualité de nourriture à l’âme attirée à la connaissance de son Dieu. Il n’est pas donné à tous les théologiens d’être également des mystiques, et par conséquent de parler aux âmes contemplatives ». Dans son Portrait intérieur, le Père Emonet écrit : « L’itinéraire du spirituel et celui du théologien se confondent chez lui justement parce que sa théologie est tout entière au service d’une Vision. Dieu l’a favorisé d’une double vocation pour communiquer aux autres cette Vision de l’Église »8. Au-delà du premier regard sur la méthode et le style de Journet, qui pourraient d’ailleurs apparaître comme particulièrement difficiles à cause de l’extrême précision de son argumentation et de ses références constantes à ses différents maîtres – Augustin, Thomas d’Aquin, Catherine de Sienne, Jean de la Croix et Thérèse d’Avila –, Charles Journet est d’abord un mystique, un contemplatif. Il parle de ce qu’il vit, de ce qu’il voit au cœur même de son expérience spirituelle et de sa vie de foi. Il n’est pas enfermé dans des raisonnements mais il est au service de l’Incarnation continuée qui est le lieu-même de la révélation de l’Amour de Dieu. Écoutons le témoignage du Père Jean de la Croix Kaelin : « C’était un homme de prière. Il m’a non seulement dit ce que devait être un chrétien, mais il me l’a montré, par l’exemple. Quand il était à la chapelle, il était souvent seul. Je l’ai surpris un jour, il était en prière, dans une oraison silencieuse et de temps en temps il y avait un mot qui échappait ‘Jésus’ ». Comme cela a été aussi rapporté par une Sœur du Carmel du uploads/Religion/ confe-rence-cj-paris-forum-fontblin-2022.pdf

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  • Publié le Mai 17, 2022
  • Catégorie Religion
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