HANS URS VON BALTHASAR ET SON ŒUVRE Joseph Doré S.E.R. | « Études » 2002/6 Tome

HANS URS VON BALTHASAR ET SON ŒUVRE Joseph Doré S.E.R. | « Études » 2002/6 Tome 396 | pages 789 à 800 ISSN 0014-1941 DOI 10.3917/etu.966.0789 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-etudes-2002-6-page-789.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour S.E.R.. © S.E.R.. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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Cet ouvrage réunit : quatre textes rédigés par Balthasar (B.) lui-même de décennie en décennie (1945, 1955, 1965, 1975), dans l’intention de faire le point sur son œuvre de plus en plus foisonnante; un « passage en revue de [sa] pensée 2 » d’autant plus précieux que, ne comportant que « quelques pages simples et claires », il date de quelques semaines seulement avant la mort de son auteur (1988); l’une des très rares interviews, et la seule de cette ampleur, jamais accordées par B.3 Evoquer ici cette publication permettra non seulement de présenter et l’auteur et son œuvre 4, mais également leur relation, telle du moins que B. lui-même la comprenait, et telle qu’il jugea bon d’inviter ses lecteurs à la com- prendre, au fur et à mesure qu’elle se développait. 1. Hans Urs von Balthasar. Zu seinem Werk, Johannes Verlag Einsiedeln, Frei- burg 2000, 143 p. Préci- sons que toutes les cita- tions entre guillemets figurant dans le présent article sont tirées de cet ouvrage – en sa traduction française évidemment. 2. Il s’agit de la reprise d’une conférence faite par B. le 10 mai 1988 à Madrid, à l’occasion d’un symposium consacré à sa théologie. 3. Dialogue avec Michael Albus, publié dans la Herder Korrespondenz, Heft 2, 30.Jg., Februar 1976, p. 72-82. 4. On pourra également se reporter à ces autres publications de J. Doré : « Hans Urs von Balthasar. © S.E.R. | Téléchargé le 13/04/2022 sur www.cairn.info (IP: 154.0.184.68) © S.E.R. | Téléchargé le 13/04/2022 sur www.cairn.info (IP: 154.0.184.68) 790 Une prodigieuse culture Quiconque parle ou écrit sur B. commence par dire qu’il était d’une prodigieuse culture. Certains n’omettent du reste pas d’ajouter que tel était précisément l’avis de quelqu’un qui, l’ayant bien connu, était lui-même expert en la matière, à savoir Henri de Lubac : « Cet homme-là [était] le plus cultivé de son temps 5. » Les « balthasariens », si ce terme a un sens, tendent maintenant à s’irri- ter quelque peu de ce « jugement », qui leur paraît dispenser lar- gement ceux qui l’émettent d’aller plus avant et, en particulier, de se demander ce que « cet homme-là » faisait/a fait de sa si prodi- gieuse culture... N’empêche, l’avis est fondé : à l’évidence, ce qui frappe chez ce Suisse né à Lucerne le 12 août 1905 d’une famille patricienne, c’est bel et bien, à la fois, l’amplitude et la profondeur rares de sa culture. Quelques notations suffiront à en convaincre. Aussi surprenant que cela puisse paraître de prime abord, B. était réticent lorsqu’on entendait le classer parmi les théolo- giens. Il faisait en effet alors remarquer qu’il ne fut jamais profes- seur de théologie (il confesse avoir refusé plusieurs chaires, y compris celle, prestigieuse, de Guardini à Munich 6) et, même, qu’il ne fit jamais de doctorat en théologie. En revanche, il souli- gnait avec une vraie complaisance qu’ayant eu la chance de béné- ficier dès le collège d’un excellent professeur d’allemand, il s’était ensuite spécialisé en « germanistique » et avait préparé, de Zurich à Berlin et Vienne, un doctorat ès lettres qui devait finalement aboutir à l’édition, sous un titre à la fois suggestif et provocateur, qui ne laissera du reste pas, par la suite, de l’étonner quelque peu lui-même : Apokalypse der deutschen Seele [Apocalypse de l’âme allemande] 7. Moyennant quoi B. disposait d’une connaissance exhaus- tive de toute la littérature germanophone : les lettres, bien sûr (avec une prédilection pour Hölderlin et, par dessus tout, pour Goethe 8), mais aussi la philosophie (avec une mention spéciale, au delà de « l’homme merveilleux que fut Platon », pour un cer- tain nombre de fulgurances de Nietzsche et pour la grande pers- pective hégélienne). Sa formation comporta cependant aussi « beaucoup de musique » (ici prédominent avant tout Mozart, Bach et Haydn), et – on aura à y revenir – il attacha de plus en plus d’importance au théâtre (d’Eschyle à Ibsen et Pirandello). Il faut en outre signaler qu’au temps de ses études dans la ville de Freud, il sut s’initier à la psychologie, ce qui comptera par la suite pour ses études et publications de spiritualité et de mys- tique. Enfin, il convient de ne pas oublier, d’une part, que, spécia- lement grâce au Père de Lubac, il ne manqua pas de se laisser La géographie d’une œuvre », in Communio, XIV/2, mars-avril 1989, p. 15-24; « Balthasar, Hans Urs von » in Dictionnaire des religions, 3e éd. revue et corrigée, Card. Paul Poupard (dir.), PUF, 1993, p. 180-182; « La Gloire et la Croix. Une esthétique théolo- gique », La Vie Spirituelle, n° 714, mars-avril 1995, p. 191-200. 5. Henri de Lubac, Paradoxe du mystère de l’Eglise, Aubier, 1967, p. 184. 6. Il s’agissait de la chaire « Christliche Weltan- schauung », [La Vision chrétienne du monde], que Karl Rahner occupa lui-même à son heure. 7. Réédition toute récente en trois volumes sous la direction de Alois M. Haas, de Zurich, au Johannes Verlag Einsie- deln, Freiburg 1998, t. I, 733 p.; t. II, 419 p.; t. III, 459 p. 8. On trouvera une bonne mise en valeur – rare en français – de la référence de B. à Goethe in Pascal Ide, Être et mystère. La phi- losophie de Hans Urs von Balthasar, « Présences » n° 13, Culture et vérité, Bruxelles, 1995. © S.E.R. | Téléchargé le 13/04/2022 sur www.cairn.info (IP: 154.0.184.68) © S.E.R. | Téléchargé le 13/04/2022 sur www.cairn.info (IP: 154.0.184.68) 791 sensibiliser aux grandes religions (et cultures) de l’Extrême-Orient et que, d’autre part, il fréquenta assidûment les grandes langues et littératures européennes : Dante et Calderón d’un côté, Newman et Pascal de l’autre, mais aussi et même d’abord Irénée et Augustin! Par dessus tout, en ce dernier domaine il faut relever l’attention et l’estime particulières qu’il porta à une certaine littérature française contemporaine : Claudel, Péguy et Bernanos – au point que, par exemple, il traduisit toute l’œuvre poétique du premier, et qu’après l’avoir également traduit, il monta à la scène en alle- mand, à Zurich, Le Soulier de satin avant même la première à Paris, et qu’il édita en allemand la correspondance de Bernanos alors qu’elle n’était pas encore parue en langue originale... Précisons-le déjà, cependant : lorsqu’après une retraite conduite par un jésuite, B. découvrit les Exercices spirituels de saint Ignace et décida d’entrer dans la Compagnie de Jésus, il n’en resta pas moins sur la lancée de l’intérêt qui l’avait animé à travers toutes les découvertes que lui avait permises antérieurement son immense culture : la recherche, en toute chose, du caractère unique, propre, spécifique. De même qu’il s’était concentré, en chaque chef-d’œuvre découvert et fréquenté, sur ce qu’il avait/a d’unique, de même n’eut-il de cesse de faire apparaître par tous les moyens et sous tous les rapports l’unicité du Christ qui avait désormais illuminé sa vie et l’avait même fait basculer. De grandes rencontres Sa culture, l’orientation générale de sa vie et finalement l’ensemble de son œuvre furent, chez B., marqués, comme ce fut rarement le cas à ce point chez d’autres, par de grandes rencontres qu’il ne cessa d’évoquer par la suite, et toujours pour exprimer sa plus vive reconnaissance à ceux qu’elles lui permirent de fré- quenter. En premier lieu vient Ignace de Loyola, auquel B. eut conscience de devoir à la fois l’assise fondatrice et l’orientation fondamentale de toute sa vie 9. Certes, B. fut amené à quitter la Compagnie peu de uploads/Religion/ etu-966-0789.pdf

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  • Publié le Jui 04, 2021
  • Catégorie Religion
  • Langue French
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