L a m b e rt - L u c a s L I M O G E S • A R C H I V E S D E L A L A N G U E D

L a m b e rt - L u c a s L I M O G E S • A R C H I V E S D E L A L A N G U E D E S SIG N ES FR AN Ç AIS E • Frères de Saint-Gabriel ICONOGRAPHIE DES SIGNES ( 1 8 5 3 - 1 8 5 4 ) I n t roduction de Françoise Bonnal-Ve rg è s Au printemps 1853, les Frères de Saint-Gabriel – congrégation dont on connaît Gabriel Deshayes (1767-1841), curé d’Auray, fondateur d’écoles pour enfants sourds : à Auray en 1812 et 1828, à Rouillé en 1837, à Orléans en 1835 et 1839, à Lille en 1839, à Soissons en 1840-1841 – scolarisent plus d’enfants que l’École de Paris. Ils se posent de plus en plus de questions sur la meilleure façon de faire acquérir la langue française à leurs élèves et déci- dent d’organiser à Loudun, du 14 août au 10 septembre 1854, un Congrès pédagogique voué aux signes et à l’articulation. Les correspondances conser- vées dans les Archives générales de la congrégation à Rome font apparaître le souci d’uniformiser la langue des signes parlée dans les écoles des Frères. Le Frère Louis (de Nantes) demande à ses collègues de recueillir les signes qu’ils emploient sous la forme d’un « vocabulaire que chaque établissement rédi- ge[ra] dans le style le plus caractéristique possible » et signale qu’il a compo- sé, avec le Frère Anselme (de Loudun), « un plan de dictionnaire et une manière abrégée de représenter les signes », tandis que le Frère Hubert (lui aussi de Nantes) commence un répertoire de signes… Ce dictionnaire retrouvé en 2004 est l’œuvre collective de plusieurs Frères de Saint-Gabriel restés anonymes. Ses 1200 entrées en font la collection de signes la plus importante de la période et donnent une bonne connaissance de ce qu’était le lexique de la LSF au milieu du XIXesiècle. 170 pages — 20 € — ISBN 2-915806-33-0 Frères de Saint-Gabriel (1853-1854) Introduction de Françoise Bonnal-Vergès © Editions Lambert-Lucas, Limoges ISBN: 2-915806-33-0 INTRODUCTION Trois dictionnaires de langue des signes française jusqu’ici inconnus jalonnent «le siècle des Lumières» de la LSF: au tout début de cette période faste, celui de l’abbé Jean Ferrand, rédigé dans les années 17801; à l’acmé, celui des Frères de Saint-Gabriel, découvert en 2004, objet du présent volume et dont la rédaction, on le verra, peut être datée de 1853-1854; in fine, celui de l’abbé François Laveau, imprimé à Orléans en 18682. Cette Iconographie des signes doit son invention à la collabora- tion de Jean Chéory3, Bernard Guesdon4 et moi-même, suite à la découverte du Catéchisme des sourds-muets de l’abbé Laveau, que je viens de citer, dont la page de titre mentionne que les illustrations de signes ont été gravées «d’après les dessins de M.Girard, actuellement frère de Saint-Gabriel», indication qui m’a conduite vers cette congrégation. On sait que les Frères de Saint-Gabriel ont eu pour fonda- teur le Bienheureux Louis-Marie Grignion de Montfort (1673- 1716), qui peu avant sa mort a établi deux congrégations: l’une féminine, les Sœurs de la Sagesse, vouées au soin des 1.Dans la même collection: Abbé Jean FERRAND, Dictionnaire des sourds-muets (ca 1780), Limoges, Lambert-Lucas, 2006. 2.Dans la même collection: Abbé François LAVEAU, Petit dictionnaire de signes illustré tiré du Catéchisme des sourds-muets (1868), Limoges, Lambert-Lucas, 2006. 3.Frère de Saint-Gabriel, il numérise actuellement les archives des dix écoles de sourds où les Frères de Saint-Gabriel ont enseigné et celles des Frères qui y ont enseigné. 4.Frère de Saint-Gabriel, archiviste des Archives générales de la congréga- tion à Rome. 8 ICONOGRAPHIE DES SIGNES malades et à l’instruction des petites filles; l’autre masculine, formée d’une part de prêtres, les missionnaires de la Compa- gnie de Marie, destinés à prêcher dans les villes et les campa- gnes, et d’autre part des Frères du Saint-Esprit, chargés du service des missionnaires et de faire l’école aux petits garçons. Le Bienheureux Grignion de Montfort A l’exception des Filles de la Sagesse, ces congrégations vé- gétèrent jusqu’en 1821, date à laquelle l’abbé Gabriel Des- hayes (1767-1841), curé d’Auray, en Bretagne, fut appelé à restaurer les œuvres de Montfort à Saint-Laurent-sur-Sèvre (Vendée). Il développa la mission d’enseignement des congré- gations, fondant des écoles pour enfants sourds à Auray (1812 et 18285), à Rouillé dans la Vienne (18376); à Orléans (1835 5.Lorsque deux dates sont indiquées, la première concerne l’ouverture d’une école par les Sœurs; la deuxième, l’ouverture par les Frères. 6.Ecole transférée à Loudun en 1838, puis à Poitiers en 1856 (v. infra). INTRODUCTION 9 et 1839); à Lille (18397); à Soissons (1840-41). Le nombre de prêtres augmentant, Pères et Frères enseignants furent séparés en 1842: les Frères s’installèrent dans la maison de Saint- Gabriel, du nom du réformateur des montfortains. Les «Frères du Saint-Esprit» prirent le nom de «Frères de Saint- Gabriel» en 1853. Gabriel Deshayes. F Comment situer historiquement cette Iconographie des signes? Le manuscrit est anonyme. Il compte 67 pages. Il vient sans lieu ni date dans un grand cahier originellement archivé à Lille et retrouvé aux Archives générales de la congrégation à Rome dans le dossier du Frère Louis (Louis Cailleau). Le cahier contient par ailleurs, entre autres travaux, le catéchisme que le 7.À Lille et Soissons, des écoles sont ouvertes la même année: pour les filles, par les Sœurs; pour les garçons, par les Frères. 10 ICONOGRAPHIE DES SIGNES même Frère Louis a proposé au jugement de ses collègues au Congrès de Loudun, ce qui en fixe le terminus ante quo à l’été 1854. Au printemps 1853 – terminus a quo – se prépare en effet un Congrès – le premier du genre en France – qui réunira à Loudun dix Frères enseignants, du 14août au 10 septembre 1854, où sera discuté un projet de dictionnaire illustré de lan- gue des signes propre à la Congrégation. L’initiative en revient au Père Isaac Bouchet, alors aumô- nier de l’Ecole des sourds-muets d’Orléans, dirigée par l’abbé François Laveau8. En avril 1853, le Père Bouchet envoie une lettre au Supérieur général des Frères de Saint-Gabriel, le T.C.F. Siméon, lui proposant de mettre en commun les com- pétences des Frères de Saint-Gabriel, des Sœurs de la Sagesse et de l’abbé Laveau, pour fabriquer un dictionnaire de signes et une méthode d’articulation (c.-à-d. d’oralisation)9. Le Frère Bernard (Théophile Augereau), de son côté, envoie en octobre de la même année à tous les Frères enseignants des Écoles un cahier d’instructions pour organiser le travail de recueil de signes. Cette initiative doit être replacée en contexte: les Frères scolarisent une centaine de garçons sourds en 1850, près de 180 en 1856 – c’est-à-dire plus que l’École de Paris, qui en scolarise 141 en 1858. Le nombre croissant d’élèves et une expérience grandissante entraînent la trentaine de Frères de Saint-Gabriel qui enseignent à de jeunes sourds à se poser des 8.Sur l’abbé Laveau, voyez dans la même collection l’«Introduction» du Petit Dictionnaire de Signes illustré tiré du Catéchisme des Sourds-Muets (1868). 9.Le 28 mai 1890 (Allocution adressée à Mgr Bécel, évêque de Vannes…, Paris, Eug. Bélanger, 1890, p.7-8), le Père Bouchet rappellera les suites que lui- même a données à son idée, faute d’être secondé par les Frères de Saint- Gabriel: «La langue des signes était alors une vraie Babel (j’ai été à même de le constater de visu et de auditu à Lille, Paris, Lyon, Orléans et ailleurs). Voyant cette déplorable confusion et désirant établir une certaine uniformité, au moins dans les établis- sements dirigés par nos religieuses [les Sœurs de la Sagesse], je fus saisi d’un beau zèle et me mis résolument à poursuivre un travail commencé [dans les années 1850]. J’eus recours à la science pratique des sœurs de notre école. Je les réunissais souvent. Elles et moi nous avons conduit à heureuse fin la composition d’un travail énorme, un dictionnaire complet. Il ne contient pas moins de 11120 mots, dont j’ai théorisé les signes. […] Pardon d’avoir parlé d’un travail que j’ai dû mettre de côté, et pour lequel, au congrès de Milan en 1880, j’ai réclamé un enterrement de troisième classe.» Précisons que ce manuscrit n’a pas été retrouvé malgré d’intenses recherches. INTRODUCTION 11 questions sur la manière la plus efficace de leur faire acquérir la langue française – car tel est leur objectif pédagogique do- minant. En 1850, le Frère Alexis (Jean Pineau) a inventé une technique d’articulation, la chéirologie, que le Frère Bernard a transformée en 1852-1853 pour exprimer en même temps la prononciation des mots français et leur orthographe, la phono- dactylologie10. Les échanges épistolaires de l’époque font appa- raître le souci de perfectionner les signes, d’en augmenter le nombre et d’uniformiser la langue des signes parlée dans les divers établissements. Même s’il décidera de mettre à l’essai la phonodactylologie (une communication rattachée à l’oralisa- tion en langue française), le Congrès s’intéressera donc égale- ment aux signes. Il est demandé aux Frères de recueillir jus- qu’aux vacances de 1854 les signes existants et les signes créés dans les écoles de uploads/Religion/ freres-st-gabriel-oa-tr.pdf

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  • Publié le Dec 06, 2021
  • Catégorie Religion
  • Langue French
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