09/03/2019 <i>Pilote de guerre</i> aventure héroïque de l’homme confronté à la
09/03/2019 <i>Pilote de guerre</i> aventure héroïque de l’homme confronté à la défaite http://temporel.fr/spip.php?page=impression&id_article=1262 1/6 Retour au format internet Pilote de guerre aventure héroïque de l’homme confronté à la défaite Première publication: 24 septembre 2017 par Didier Lafargue Paru en Amérique, Pilote de guerre évoque le drame vécu par Saint- Exupéry, aviateur en France, lors de la débâcle de 1940. Mobilisé dans l’armée de l’air, il dut accomplir des missions de reconnaissance photographique. L’une d’elles fut le vol effectué dans le nord de la France au-dessus d’Arras le 23 mai 1940, prétexte à l’écriture du roman. Démobilisé après l’armistice et persuadé que le salut pour son pays viendrait de l’Amérique, il s’exila aux Etats-Unis. Furieux d’entendre les Américains dire que les Français s’étaient mal battus, il entreprit la rédaction de ce livre pour montrer la vraie réalité de la guerre. Son entreprise permit à Saint-Exupéry de se livrer à une réflexion sur l’homme et les valeurs de la civilisation occidentale. Si l’on veut avoir la meilleure idée du contexte de l’époque, il faut s’imaginer l’Iliade racontée par un Troyen, les guerres puniques narrées par un Carthaginois. Il est par comparaison aisé d’évoquer une victoire, toujours une occasion d’affirmer son moi et de se hisser sur le pavois. On ne peut à ce sujet qu’opposer une épopée au récit d’une défaite dans la mesure où son caractère grandiloquent va à l’encontre de tout désir de lucidité. L’épopée vise au grandissement, voire à une exagération tendant à la valorisation de tout un peuple. Mais il peut exister un autre type de narration, propre des vieilles civilisations ayant acquis une profonde expérience de l’âme humaine, qui donne toute la mesure de celle-ci quand elle est confrontée à l’épreuve. C’est une vieille idée, l’être qui reçoit un coup de bâton connaît un état affectif lui donnant subitement une plus grande conscience de lui-même. Sous l’emprise de la douleur, des idées nouvelles remontent des profondeurs de son âme, de nouveaux enseignements se greffent sur sa personne. Tel est le message chrétien qui veut faire progresser la conscience sous l’empire de la souffrance humaine. Si Terre des hommes offrait une vision de la paix, Pilote de guerre montre l’homme confronté à la guerre. La foi en l’homme et en son avenir émerge de la lecture de l’œuvre. Un monde en pleine désagrégation a permis à l’écrivain de donner tout son relief à la dignité humaine malgré les désillusions engendrées par une guerre perdue. 09/03/2019 <i>Pilote de guerre</i> aventure héroïque de l’homme confronté à la défaite http://temporel.fr/spip.php?page=impression&id_article=1262 2/6 Un très fort sentiment de la dignité humaine. On mesure la valeur spirituelle du roman quand on réalise la haute tenue morale que son auteur accorde à la nature humaine. En 1940, le peuple français avait perdu la guerre. Pour Saint-Exupéry, la défaite ne s’est pas produite en vain ; c’est le thème des graines évoqué par l’écrivain. Déposée dans l’âme de l’être humain, elles vont être appelées à germer et l’amener à maturité. En cela, le mythe rejoint les paraboles de l’Evangile. « La graine de cèdre, bon gré, mal gré, deviendra cèdre. La graine de ronce deviendra ronce […] Le germe, hanté par le soleil, trouve toujours son chemin à travers la pierraille du sol » [1] Notre auteur reprendra l’image dans Le petit prince au sujet de la rose qui grandit parce que l’enfant a semé et entretenu une graine. Nul ne naît avec une âme toute faite, il faut la construire peu à peu, une vérité sous-tendue par l’écrivain lorsqu’il dit « Vivre, c’est naître lentement »[[Ibid., Chapitre X, p. 60.]]. « Deviens ce que tu es » [2], disait le poète. Pour cela, il faut avoir le sens de l’effort, seule condition de notre progrès personnel. S’il est certes douloureux, l’effort peut aussi être joyeux et générer en chacun un juste respect de soi-même. Le président Roosevelt, immobilisé dans une chaise roulante, le savait bien puisque son handicap l’avait incité à se surpasser. Ce principe de responsabilité ainsi dégagé a été dépeint par l’auteur à travers la personne du héros. Expression d’une volonté de construction, celui-ci est l’image de l’être qui se forge en tentant d’atteindre un noble but destiné à parfaire son accomplissement personnel. Il est celui qui a décidé de se consacrer à un service social. L’idée rejoint le thème du chef, très important chez l’écrivain. « Il est une vérité plus haute que les énoncés de l’intelligence. Quelque chose passe à travers nous et nous gouverne, que je subis sans le saisir encore » [3]. Ce personnage idéal s’oppose d’emblée à l’individu ne cherchant l’exploit que pour satisfaire son ego. Le vrai héros s’oublie et, par son énergie, propose un réel exemple de volonté. La réalité est ce qu’elle est, il ne sert à rien de la refuser ; l’essentiel est de s’y adapter dans un oubli désintéressé de soi. Là prend son sens l’existence humaine. Quel que puisse être le but, moral, politique, religieux, la seule chose qui importe est que cet objectif dépasse celui qui veut l’atteindre, apparaisse plus grand que lui car à ce prix seulement l’homme aura le sentiment de sa valeur. C’est la filiation de Saint-Exupéry envers Corneille, lequel a valorisé le sacrifice des intérêts particuliers à l’intérêt général. A partir de là, l’auteur de Pilote de guerre va donner une grande valeur, non aux honneurs, mais à l’honneur, un sentiment élitiste et aristocratique. On réalise alors qu’il est engagé dans un voyage initiatique duquel tout va dépendre. Au bout du parcours se trouve le Graal, magnifique symbole spirituel donnant son sens à l’action accomplie. C’est le joyau mystérieux et caché recherché par le héros, l’être visant à progresser dans sa conscience. « Ce but n’est point pour l’Intelligence mais pour l’Esprit » [4] disait Saint-Exupéry. Ce dernier s’oppose aux idéologies totalitaires qui nuisent à cette quête dans laquelle s’est engagé l’être humain. Il refuse « cet Etat [qui] prêche clairement une morale du collectif que nous refusons encore, mais vers laquelle nous nous acheminons, nous-mêmes, lentement, faute de nous souvenir de l’homme qui, seul, justifierait notre refus » [5]. L’homme achevé est celui qui sait maîtriser le temps, autrement dit sait préparer l’avenir en réalisant un projet, soit en construisant son bonheur dans le futur mais aussi dans le présent. L’épreuve dans la défaite, une remise en question personnelle. L’issue de la guerre, considérée par Saint-Exupéry évoquant l’exode de 1940, frappe par son caractère d’absurdité. N’existe plus aucune logique dans un monde subitement livré au chaos. On ne continue à agir que pour jouer le jeu, même si l’on sait que celui-ci est perdu d’avance. « Nous jouons un jeu qui imite la guerre […] Nous jouons à croiser la baïonnette devant des tanks. » [6] Dans un tel contexte émerge sa conception de l’homme tout entier et de la nécessaire affirmation de sa personnalité. Le drame qui s’est produit 09/03/2019 <i>Pilote de guerre</i> aventure héroïque de l’homme confronté à la défaite http://temporel.fr/spip.php?page=impression&id_article=1262 3/6 alors, la nouvelle situation générée par l’invasion allemande, a entraîné une remise en question des valeurs humanistes défendues par l’auteur. Pour Saint-Exupéry, chaque être doit avoir en lui ce qu’il appelle la substance, base de sa dignité, autrement dit doit se sentir motivé par ce qu’il fait, connaître le sens de ses actes. Cela, l’écrivain l’avait remarqué chez ses camarades les plus valeureux, animés par une substance qui leur permettait simplement d’être. Or, elle faisait à présent défaut à la plupart de ses compatriotes. Dorénavant, ceux-ci n’étaient plus, car aucun but ne dirigeait leurs actions ; personne ne savait à présent à quoi il servait. En principe, chacun est formé par son métier. Mais dans les circonstances décrites par l’aviateur, l’avenir est aboli pour être remplacé par un « ersatz d’avenir ». Il en découle une perte d’identité de l’individu, une sorte d’éparpillement à l’intérieur de l’être. Cette faiblesse de l’âme apparaît avec une densité particulière dans le spectacle de l’exode présenté par l’écrivain. « Où vont-ils ? ils ne savent pas ! Ils marchent vers des escales fantômes, car à peine cette caravane aborde-t-elle une oasis, que déjà il n’est plus d’oasis. » [7] Par groupes entiers, les gens paraissent à l’abandon. Saint-Exupéry, qui a tant valorisé le rôle du chef, le voit absent. Personne n’apparaît pour guider ces fuyards. Inertie et inefficacité règnent partout. « On ne remonte plus les pendules. On ne ramasse plus les betteraves. On ne répare plus les wagons. » [8] Le caractère absurde de la période apparaît surtout dans les missions confiées aux pilotes de reconnaissances, des « missions sacrifiées » puisqu’elles ne servent à rien, les renseignements recueillis n’arrivant jamais à l’état-major que l’invasion a obligé de se déplacer, ou étant devenus inutiles. Dans un tel contexte, chaque pilote n’agit plus pour un idéal élevé, demeure prisonnier de ses préoccupations du moment, attaché uniquement aux détails matériels. A partir de là, Saint-Exupéry dénonce l’excès de technicité dont souffre la civilisation, lequel, à l’image du pilote dont le travail consiste à contrôler cent-trois appareils, tend uploads/Religion/ i-pilote-de-guerre-i-aventure-heroique-de-l-x27-homme-confronte-a-la-defaite.pdf
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- Publié le Oct 03, 2022
- Catégorie Religion
- Langue French
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