La tragédie selon Jacqueline de Romilly, historienne de la Grèce. La tragédie g
La tragédie selon Jacqueline de Romilly, historienne de la Grèce. La tragédie grecque, Presses Universitaires de France, 1970. D'après son étymologie (en grec tragos désigne le bouc sacrifié rituellement et ôïdê, le chant), la tragédie, jouée lors des fetes religieuses grecques, présente une dimension sacrée dès ses origines (Ve siècle av. J.-C.). Plus tard, Aristote la définit dans sa Poétique comme "l'imitation d'une action de caractère élevé et complète, […] qui, suscitant pitié et crainte, opère la purgation (catharsis) propre à de pareilles émotions". Au cours du XVIIème siècle, les "doctes" et l'Académie vont élaborer, autour de l'idée de grandeur, les règles de la tragédie classique. Tout d'abord - on l'a dit et redit - la tragédie grecque a sans nul doute une origine religieuse. Cette origine était encore fortement sensible dans les représentations de l'Athènes classique. Et celles-ci relèvent ouvertement du culte de Dionysos. On ne jouait de tragédies qu'aux fêtes de ce dieu. La grande occasion, à l'époque classique, était la fête des Dionysies urbaines, qui se célébrait au printemps ; mais il y avait aussi des concours de tragédie à la fête des Lénéennes, qui se déroulait vers la fin de décembre. La représentation elle- même s'insérait donc dans un ensemble éminemment religieux ; elle s'accompagnait de processions et de sacrifices. D'autre part, le théâtre où elle avait lieu, et dont on visite encore aujourd'hui les restes, fut, à diverses reprises, reconstruit mais c'était toujours le "théâtre de Dionysos", avec un beau siège de pierre pour le prêtre de Dionysos et un autel du dieu au centre, là où évoluait le choeur. Ce choeur lui-même, par sa seule présence, évoquait le lyrisme religieux. Et les masques que portaient choreutes et acteurs font assez facilement penser à des fêtes rituelles de type archaïque. Tout cela trahit une origine liée au culte, et peut assez bien se concilier avec ce que dit Aristote2 (Poétique, 1449 a) : selon lui, la tragédie serait née d'improvisations ; elle serait issue de formes lyriques comme le dithyrambe (qui était un chant choral en l'honneur de Dionysos) ; elle serait donc, de même que la comédie, l'élargissement d'un rite. Tout en s'inscrivant dans un contexte religieux, le théâtre reste inséparable de la vie politique. Toutefois, lorsque l'on parle d'une fête religieuse, à Athènes, il faut bien se garder d'imaginer une séparation comme celle que peuvent comporter nos Etats modernes. Car cette fête de Dionysos était également une Fête nationale. On n'allait pas au théâtre, chez les Grecs, comme on peut y aller de nos jours - en choisissant son jour et son spectacle, et en assistant à une représentation répétée chaque jour tout au long de l'année. Il y avait deux fêtes annuelles où se donnaient des tragédies. Chaque fête comportait un concours, qui durait trois jours et, chaque jour, un auteur, sélectionné longtemps à l'avance, faisait représenter à la suite, trois tragédies. La représentation était prévue et organisée par les soins de l'Etat, puisque c'était un des hauts magistrats de la cité qui devait choisir les poètes et choisir, également, les citovens riches chargés de pourvoir à tous les frais. Enfin, le jour de la représentation , tout le peuple était invité à venir au spectacle : dès l'époque de Périclès1, les citoyens pauvres pouvaient même toucher, à cet effet, une petite allocation. Par suite, ce spectacle revêtait le caractère d'une manifestation nationale. Et le fait explique à coup sûr certains traits dans l'inspiration même des auteurs de tragédies. Ceux-ci s'adressaient toujours à un très large public réuni pour une occasion solennelle : il est normal qu'ils aient cherché à l'atteindre et à l'intéresser. Ils écrivaient donc en citoyens s'adressant à des citoyens. uploads/Religion/ jacqueline-de-romilly-sur-la-tragedie.pdf
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- Publié le Dec 26, 2021
- Catégorie Religion
- Langue French
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