Syméon le Nouveau Théologien et Grégoire Palamas Par Jean-Yves Leloup D’après l
Syméon le Nouveau Théologien et Grégoire Palamas Par Jean-Yves Leloup D’après l’enregistrement de la session organisée au Monastère Saint Michel du Var du vendredi 27 au dimanche 29 août 2021 Vendredi matin Nous entrons tout de suite dans la philocalie, cet amour de la beauté et de la lumière, en écoutant le prologue de Saint Jean en grec puis en français (Jean 1, 1-14), en sachant que pour les Anciens, ce prologue est un pharmakon, un médicament qui nous remet dans notre axe et nous rappelle l’essentiel. «Au commencement le Logos et le Logos est vers Dieu, et le Logos est Dieu. Il est au commencement avec Dieu. Tout existe par lui, sans lui rien. De tout être il est la vie. La vie est la lumière des hommes. La lumière luit dans les ténèbres, les ténèbres ne peuvent l’at- teindre. Paraît un homme envoyé de Dieu : Johanan est son nom. Il vient comme témoin, pour rendre témoignage de la lumière, afin que tous y adhèrent avec lui. Il n’est pas la lumière, mais le témoin de la lumière. Le Logos est la lumière véritable qui éclaire tout homme. Il est dans le monde, le monde existe par lui, le monde ne le connaît pas. Il vient chez lui, les siens ne le reçoivent pas. Mais à tous ceux qui le reçoivent, à ceux qui croient en son nom, il donne d’être enfant de Dieu ; engendré ni du sang ni de la chair, ni d’un vouloir d’homme mais de Dieu. Le Logos se fait chair, il fait sa demeure parmi nous. Nous avons vu sa gloire, pleine de grâce et de vérité, présence filiale monogène qu’il tient du Père. Nul n’a jamais vu Dieu, le fils monogène demeure au sein du père, lui nous le fait connaître.» Jean 1:1, (grec) En arkhê ên ho Logos, kai ho logos, ên pros thon Theon kai Theos ên ho Logos Jean 1:14, Kai ho Logos sarx egeneto kai eskênôsen en hêmin Son de cloche. Quel que soit notre état de santé, physique, psychique ou même spirituel, le Prologue de Saint Jean nous rappelle qu’il y a en nous une lumière que les ténèbres ne peuvent pas éteindre, que la matière ne peut pas assombrir et c’est cette lumière que les Pères Nep- tiques, de nepsis, la vigilance, le discernement, la pleine conscience ; ces hommes et ces femmes qui développent en eux cette attention à l’Être qui est en tout ce qui est, c’est cette lumière que ces Anciens cherchaient. Aujourd’hui et demain nous allons étudier plus particulièrement Syméon le Nouveau Théologien (949-1022, Turquie) et Grégoire Palamas (1256 Constantinople - 1359 Grèce) qui sont dans l’orthodoxie deux Saints bien connus et bien aimés. Rappelez-vous que ce titre Nouveau Théologien qui est donné à Syméon, c’est le même titre qui est accordé à Saint Jean le Théologien. On l’attribuera aussi à Grégoire de Nazyanze, qu’on appellera Grégoire le Théologien. Ce sont ces trois grands qui ont eu droit au titre de Théologien dans la tradition orthodoxe et dans cette tradition est théologien ce- lui qui prie, celui qui par la prière est sans cesse en relation avec la source de la Vie, de la Conscience et de l’Amour. La théologie, ce n’est pas de la spéculation, l’exercice de la raison, de l’exégèse sur les textes sacrés, mais c’est avant tout une expérience d’union, de communion avec la source Page 2 de toute vie, de toute conscience et de tout amour avec cette lumière qu’aucune ténèbre ne peut atteindre et éteindre. La philocalie, c’est ce que l’on disait la dernière fois (23-25 juillet 2021) c’est cette conscience éveillée, tournée vers la lumière, vers la beauté de la lumière et que la beauté, la vérité et la bonté ne sont jamais séparées ; parce que la beauté, c’est la splendeur du vrai : qu’est-ce qu’une bonté qui ne serait pas belle ? une vérité qui ne serait pas belle ? mais qu’est-ce qu’une beauté aussi qui ne serait pas vraie, qui ne serait pas bonne ? Une illusion ! Donc l’importance de tenir toujours ensemble les trois : quand on parle du beau, on parle du bon et on parle du vrai, les trois sont un et inséparables. Donc la philocalie, c’est cet amour de l’Être qui est vrai, bon et beau ; la beauté, c’est le rayonnement, c’est le don même de la vérité et de la bonté. Donc le prologue de Saint Jean nous rappelle que tout homme est habité par cette lu- mière : kai hé zôê ên to phôs tôn antrôpôn, la vie est la lumière qui éclaire tout homme. Tout homme, pas seulement les croyants, ceux qui pratiquent la méditation, mais tout être humain est habité par cette lumière et tout être humain quand il s’interroge sur lui-même, quand il se pose la question qui suis-je ? qui suis-je vraiment ? qu’est-ce qui est en moi ? peut rencontrer, s’éclairer à cette lumière. Syméon, Grégoire Palamas et tous ceux qui constituent cette chaîne de penseurs, de théo- logiens, de contemplatifs, parleront de cette lumière en précisant que cette lumière n’est pas seulement la lumière sensible. Déjà c’est une grande chose que de voir la lumière sen- sible, le jour dans lequel nous sommes, de voir ce qu’on ne voit pas, parce que la lumière on ne la voit pas, c’est ce qui nous permet de voir les mille et unes choses ; donc déjà au ni- veau sensible c’est une belle expérience de voir le jour, cette lumière qui est entre nous, qui est entre tout. Et que sans cette lumière, tout disparaît. Il y a donc cette lumière sensible, mais il y a aussi la lumière intelligible, la lumière de la rai- son, de la pensée qui est une lumière intérieure. Quelle est cette lumière qui nous permet de penser ? de comprendre l’intelligence qui est dans l’univers ? C’est ce que disait Ein- stein : «Le mystère c’est que le monde soit compréhensible.», que l’intelligence qui est en moi puisse entrer en résonance avec l’intelligence qui est dans l’univers. La philocalie c’est une mise en résonance de cette intelligence, de cette connaissance qui est en nous, avec l’intelligence qui est dans l’univers, l’information qui anime toute chose. Et ça disait Einstein, c’est un miracle et il ajoutera même : seuls les imbéciles ne s’émer- veillent pas de ce miracle, de la lumière qui est dans notre intelligence et de la lumière qui informe chaque chose dans le monde, et cette résonance qu’à certains moments nous pou- vons sentir à l’intérieur de nous-mêmes. Il y a des moments où l’on comprend, comme si l’information qui habite l’univers et l’information qui nous habitent, c’était bien le même logos, la même information créatrice. Lumière sensible, lumière intelligible, il a y aussi une lumière plus affective, la lumière du cœur, la lumière de l’amour. Et Saint Jean dira, Dieu est lumière et celui qui demeure dans cette lumière aime son frère ; il aime tous les êtres car dans cette lumière il est capable d’aimer. Qu’est-ce qu’une lumière qui ne serait pas habitée par l’amour ? une lumière froide ! Et chez les Anciens, on fera la différence entre la lumière de la lune qui est la lu- mière de l’intellect et la lumière du cœur qui est la lumière du soleil ; et que la lune est éclairée par le soleil. Quelque part le cœur est une intelligence plus profonde que l’intelli- Page 3 gence de la raison. Et tout le travail, on le verra avec la tradition hésychaste, c’est ce que ré- péteront sans cesse les Pères Neptiques, il s’agit de faire descendre cette intelligence de la raison dans le cœur. L’intelligence froide de la raison doit être réchauffée par le cœur, sinon on ne voit pas, on ne voit pas le réel dans sa plénitude. On peut observer son fonctionne- ment, je peux donner un nom à cette fleur, à cet arbre, mais je n’entre pas en relation. La lumière du cœur nous fait passer du monde des objets au monde des présences : ce n’est plus seulement un arbre, c’est mon ami. La lumière des sens, la lumière de la raison, la lumière du cœur… il y a encore une autre lu- mière que vont explorer Syméon, Grégoire Palamas et les autres, c’est la lumière du Saint Esprit : là c’est une lumière incréée. Metanoiete ! vous vous souvenez cette grande parole de Jésus, allez au-delà du mental, au-delà même du nous, de l’intelligence la plus subtile, et au-delà qu’est-ce qu’il y a ? il y a le Saint Esprit. Au-delà de notre esprit, il y a le Saint Esprit, comme au-delà de tous nos amours, il y a le Saint Amour, comme au-delà de notre vie mor- telle, il y a la vie incréée, infinie et éternelle. Et ça nous rappelle l’anthropologie de Saint Paul et des Pères que nous avons évoquée la dernière fois : ce qu’on appelle la chair, c’est ce composé qui comprend uploads/Religion/ jean-yves-leloup-simeon-le-nouveau-theologien-et-gregoire-palamas-pdf.pdf
Documents similaires










-
31
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Mai 10, 2021
- Catégorie Religion
- Langue French
- Taille du fichier 1.3582MB