2 Introduction Depuis le début de l’époque moderne, l’histoire du christianisme

2 Introduction Depuis le début de l’époque moderne, l’histoire du christianisme en Afrique est restée étroitement liée à celle de la rencontre et des relations entre l’Afrique et l’Occident. Déjà, dès les premiers siècles de l’ère chrétienne, le christianisme a été très florissant en Afrique du nord et dans la corne de l’Afrique. Cependant, à partir du VIIe siècle, l’Islam, après avoir freiné la croissance de l’Eglise, a fini par réduire l’Eglise au silence dans ces régions de l’Afrique. Seuls quelques rares foyers dans ces régions ont pu conserver la ferveur chrétienne. Il faudra attendre le XVe siècle, période du contact de l’Afrique au sud du Sahara avec l’Occident, pour voir des germes du message chrétiens être rependu diversement à travers l’Afrique au sud du Sahara. Et depuis cette date, l’Eglise ne fait que croître en Afrique. L’histoire récente nous indique que cette croissance de l’Eglise en terre africaine est encore plus vertigineuse. En termes de statiques, Bruno Chenu nous fournit les données suivantes : En 1900, la population de l’Afrique est estimée à 133 millions, 9 millions (soit 7 %) sont chrétiens. En 1960, l’Afrique compte 300 millions d’habitants dont 86 millions de chrétiens. En 1980, 456 millions d’habitants et 203 millions de chrétiens, dont 56 millions de catholiques (12,4 % de la population). Le taux de croissance du nombre de chrétiens est de l’ordre de 4 % par an…1 Il ne faudrait pas se réjouir hâtivement de cette croissance de l’Eglise en Afrique, car en dépit de cela, l’Afrique est toujours en proie à des crises sans précédents. Sur le plan politique, les brouilles dans les règles de conservation et de transmission du pouvoir occasionnent des guerres de part et d’autres sur le continent. Sur le plan économique, l’Afrique est comme livrée à la pauvreté ; plusieurs pays africains n’arrivent même pas encore à nourrir suffisamment leurs fils. Sur le plan éthique, la corruption et l’injustice sociale sont toujours des habitudes très rependues en Afrique. Malgré le fait que plusieurs africains 1 Bruno Chenu, Théologies chrétiennes des tiers mondes, Paris : Editions du Centurion, 1987, p. 126 (213 p.) 3 confessent la foi chrétienne, force est de constater que le message de chrétien n’a pas encore une assise considérable dans la vie au quotidien et dans les cultures africaines. Face à ce bilan sombre du continent Africain, on est poussé de se demander quel est l’impact du message de l’Evangile en Afrique. Ou mieux, quel devrait être l’impact du message chrétien en Afrique ? Nous croyons que l’inculturation de l’Evangile dans les cultures africaines est le moyen qui permettra à l’Eglise d’avoir un impact visible en Afrique. Et le constat que nous avons fait ci-dessus est la preuve de l’urgence de cette tâche d’inculturation de l’Evangile en Afrique. Notre objectif dans ce présent travail sera de montrer, comment l’inculturation de l’Evangile peut être un moyen de transformation véritable des conditions actuelles de l’Afrique. Dans la première partie de ce présent travail, nous présenterons quelques généralités sur les théologies africaines, en faisant ressortir les faiblesses de la théologie de l’adaptation et en mettant un accent particulier sur les mérites de la théologie de l’inculturation. Dans la deuxième partie, nous présenterons les préalables pour une théologie de l’inculturation en Afrique. Dans la troisième partie, il sera simultanément question des défis et des résultats de la théologie de l’inculturation en Afrique. Dans la dernière partie du travail, nous présenterons quelques avantages de l’inculturation de l’Evangile pour le bien être des peuples africains. I. Généralités sur les théologies africaines Nous préférons parler des théologies africaines ou lieu d’une théologie africaine, car si en 1956 des jeunes étudiants africains plaident, dans : Des prêtres noirs s’interrogent, en faveur de l’éclosion d’une théologie africaine, la réalité de cette éclosion nous mettra en face d’une pluralité de théologies africaines. 4 D’abord, nous avons trois tendances principales qui se dessinent : d’un côté nous avons des théologiens qui enrichissent leurs discours théologiques d’éléments puisés dans les cultures africaines. De l’autre côté, il y a des théologiens qui orientent leurs discours théologiques dans le cadre du combat politique. Il y a enfin des théologiens qui se soucient plus du message divin. Le défi que ceux-ci cherchent à lever, c’est celui de pouvoir dire de façon compréhensible aux hommes, comment pouvoir mieux transmettre la parole de Dieu dans une culture donnée Ensuite, au sein de ces deux tendances plusieurs thèmes théologiques se développent avec des accents particuliers qui les distinguent les uns des autres. C’est ainsi que nous avons par exemple : la théologie de la libération, la théologie de féministe, la théologie noire, la théologie de l’adaptation, la théologie de l’inculturation… Ces différents développements font de l’Afrique, une terre de fécondité et de pluralité théologique. Arrêtons-nous un instant sur les deux derniers thèmes et jetons un regard critique sur eux. a) La théologie de l’adaptation C’est un courant théologique qui s’est développé à partir des années 50 et dont les tenants « rêvent d’une église à couleur africaine, un christianisme à visage africain ».2 Parmi ceux qui ont élevé l’étendard de cette théologie, citons : Vincent Mulago et Placide Tempels. La théologie de l’adaptation cherche donc à dépouiller le message chrétien de son vêtement Occidental pour le revêtir d’un vêtement africain. Les dogmes tels que définis par les occidentaux dans leur mode de pensée restent inchangés, ce qui change ce sont les moyens par lesquels ces dogmes sont communiqués. Une telle préoccupation, loin d’apporter un changement en profondeur dans la culture d’accueil se limite seulement à adapter le message de l’Evangile à certains éléments rituels des cultures d’accueil. Ainsi, la théologie de 2 Ngindu Mushete, L’histoire de la théologie en Afrique. De la polémique à l’irénisme critique, in K. APPIAH- KUBI et al., « Libération ou adaptation ? La théologie africaine s’interroge. Le Colloque d’Accra », Paris : Editions l’Harmattan, 1979, p. 36 5 l’adaptation ne vise pas à apporter des réponses aux préoccupations africaines, mais à vouloir appliquer en l’Afrique les réponses proposées par les occidentaux aux préoccupations des occidentaux ; c’est là que se trouve sa faiblesse. La compréhension de cette faiblesse par les évêques d’Afrique et de Madagascar a poussés ceux-ci, lors de leur Synode en 1974, à considérer la théologie de l’adaptation comme étant dépassée.3 b) La théologie de l’inculturation Le mot inculturation que nous utilisons ici est d’origine catholique, il a son équivalent que certains protestants préfèrent ; c’est le mot enracinement. Les deux mots « inculturation » et « enracinement » véhiculent un même message. Pour Bruno Chenu, la définition de l’inculturation qui recueille le maximum de suffrages est celle que le Père Arrupe propose en ces termes : L’inculturation est l’incarnation de la vie et du message chrétiens dans une aire culturelle concrète, en sorte que non seulement cette expérience s’exprime avec les éléments propres à la culture en question (ce ne serait alors qu’une adaptation superficielle), mais encore que cette même expérience se transforme en un principe d’inspiration, à la fois norme et force d’unification, qui transforme et recrée cette culture, étant ainsi à l’origine d’une ‘’nouvelle création’’.4 A la lumière de cette définition, nous voyons que l’inculturation est la pénétration ou l’enracinement du message de l’Evangile au sein d’une culture bien déterminée, dans le but de la transformer ou de la recréer, la rendant ainsi conforme à l’Evangile. Quand on sait que les comportements et les habitudes d’une personne sont principalement déterminés par sa culture, on comprend alors qu’il est nécessaire pour un chrétien d’avoir une culture façonnée par l’Evangile et rendu conforme à elle. Dans son livre la Philosophie Bantoue, Placide Tempels constatait que face à des problèmes de la souffrance et de la mort, les Bantous évolués (ceux qui ont abandonnés leur 3 Bruno Chenu, Op. cit., p. 141 4 Bruno Chenu, Op. cit., p. 142 6 culture), et même les chrétiens bantous retournent toujours à leur culture pour suivre les solutions proposées par celle-ci. Pour Tempels, chaque homme est tellement influencé par sa culture que tous ses comportements sont régis par un ensemble de principes déterminés par celle-ci.5 Prenant appui sur ce que Tempels développe, nous disons qu’il est nécessaire pour les églises africaines d’inculturer ou d’enraciner le message de l’Evangile au sein des cultures africaine. De cet enracinement jaillira des communautés chrétiennes profondément enracinées dans le message de la Parole de Dieu. Dans les années 1960 on constatait que : « le christianisme en Afrique mesurait un kilomètre de long et un centimètre de profondeur ».6 Si ce constat amer est à certains égards encore vrai de nos jours, la raison est que l’Evangile n’a pas encore trouvé une assise considérable au sein des cultures africaines. L’inculturation du message chrétien est alors une urgence qui s’impose à nous chrétiens, mais surtout théologiens africains. Cependant, des conditions préalables doivent être réunies pour que l’inculturation devienne une réalité. II. Deux conditions préalables à l’inculturation de l’Evangile en Afrique Dans la tâche d’inculturation du message chrétien en Afrique, le théologien a un grand rôle à jouer. C’est uploads/Religion/ l-x27-inculturation-de-l-x27-evangile-en-afrique-un-defi-pour-l-x27-eglise-africaine.pdf

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  • Publié le Mai 14, 2022
  • Catégorie Religion
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