Revue théologique de Louvain L'œcuménisme obligé de la Réforme Max Thurian Cite

Revue théologique de Louvain L'œcuménisme obligé de la Réforme Max Thurian Citer ce document / Cite this document : Thurian Max. L'œcuménisme obligé de la Réforme. In: Revue théologique de Louvain, 10ᵉ année, fasc. 3, 1979. pp. 324-334; doi : https://doi.org/10.3406/thlou.1979.1713 https://www.persee.fr/doc/thlou_0080-2654_1979_num_10_3_1713 Fichier pdf généré le 29/03/2018 L'œcuménisme obligé de la Réforme II convient tout d'abord de préciser le lieu d'où l'on parle. Ceci est vrai pour toutes les traditions chrétiennes, car toutes ont un passé plus ou moins normatif, des périodes de grande spiritualité et des périodes de fléchissement théologique. Il convient donc de savoir à quel stade de l'évolution d'une tradition on se situe. Concernant la communion réformée, marquée par la tradition calviniste, on peut discerner cinq stades ou lieux possibles d'où l'on puisse parler. Tout d'abord la tradition réformée des 16e et 17e siècles, qui est en continuité avec les grandes Confessions réformées et la pensée de Calvin lui-même. Deuxièmement, la période que j'appellerais du réveil piétiste du 19e siècle, où s'opère une critique de la théologie dogmatique au profit d'un renouveau de la piété et des œuvres qui en découlent. Troisièmement, la période du libéralisme théologique de la fin du 19e et du début du 20e siècle, qui sera battue en brèche par la théologie barthienne. Quatrièmement, l'école néo-calviniste et le mouvement œcuménique qui lui est lié, étape que l'on peut situer entre 1 920 et nos jours : cette tendance de la tradition réformée aboutit à des dialogues, en particulier avec l'Église catholique, où s'élaborent des accords doctrinaux œcuméniques, par exemple ceux réalisés entre l'Alliance réformée mondiale et le Secrétariat pour l'unité de l'Église catholique. Enfin, cinqième- ment, ce que j'appellerais le protestantisme officiel des institutions ecclésiastiques : c'est une sorte de résumé de toutes les étapes ou tendances indiquées précédemment. On y remarque une certaine ouverture œcuménique pratique alliée à des tendances théologiques résistantes au catholicisme et en général favorable aux recherches modernes, en particulier concernant les nouvelles lectures de la Bible. Parmi ces cinq stades de l'histoire qui correspondent à cinq lieux, d'où l'on peut parler, je me place dans le premier et dans le quatrième qui en est comme une reprise pour aujourd'hui. En effet, il me semble que la tradition réformée des 16e et 17e siècles et le néo-calvinisme qui a ouvert l'Église réformée à l'œcuménisme sont les voies les plus sûres pour redécouvrir une communion ecclésiale avec les autres Églises. C'est là seulement que je discerne un véritable espoir d'unité pour l'avenir. ŒCUMÉNISME OBLIGÉ DE LA RÉFORME 325 II convient également de préciser le critère utilisé pour juger de ce qui est central et de ce qui est périférique dans la foi. On peut tout d'abord utiliser le schéma classique des catéchismes réformés. Si l'on prend le catéchisme de Calvin, qui a eu une influence très grande dans les diverses Églises réformées, le schéma en est simple. Il comprend quatre grandes parties : tout d'abord la partie sur la foi, qui est une exégèse du symbole des apôtres, puis la partie sur la loi, explication des dix commandements, ensuite la partie sur la prière, réflexion sur les demandes du Notre Père, enfin la quatrième, qui aborde les thèmes de la Parole de Dieu, des sacrements et du ministère. On peut dire que dans ce plan du catéchisme de Calvin on trouve tous les éléments qui constituent l'essentiel de la foi réformée. Déjà en 1536, Calvin avait jugé nécessaire d'élaborer un bref traité accessible à tous en tenant lieu de catéchisme. Pendant l'hiver 1536-1537, il avait rédigé en français la «Brève instruction chrétienne», qui était une sorte de résumé de la première «Institution chrétienne» publiée au mois de mars 1536. Dans ce premier texte catéchétique, l'ordre de la foi et de la loi était inversé, mais nous retrouvons tous les thèmes majeurs de la doctrine réformée exposés très clairement et très simplement pour le peuple croyant. Plus que les grandes confessions de foi du 16e siècle, ces deux textes de la «Brève instruction chrétienne» (1536) et du «Catéchisme de Genève» (1542) représentent un résumé authentique de ce que la tradition réformée considère comme central pour la foi. Ces textes catéchétiques ont comme intention de résumer le message de l'Évangile tel qu'il a été reçu par l'Église primitive et par les Pères de l'Église, dont on reconnaît l'autorité comme interprètes de l'unique Parole de Dieu contenue dans la Sainte Écriture. Faut-il rappeler ici que, pour la tradition réformée, les quatre premiers conciles œcuméniques font autorité en matière dogmatique, en tant qu'ils sont reconnus comme les fidèles interprètes de la vérité concernant Dieu- Trinité et le Christ, vrai Dieu et vrai homme. Les trois conciles suivants ne sont pas mis en question dans la mesure où ils ne font que répéter le témoignage des quatre premiers. On peut donc dire que dans ces textes catéchétiques la tradition réformée se veut en droite ligne avec la tradition de l'Église ancienne recevant et interprétant la Parole de Dieu. Cependant, s'il était clair de partir du critère catéchétique pour juger de ce qui est central et de ce qui est périphérique, on peut se demander si souvent dans la tradition réformée ce ne sont pas d'autres critères 326 M. THURIAN qui ont joué un rôle décisif. Voici ces cinq points majeurs de la sensibilité théologique réformée, indiqués par des formules latines ou lapidaires : Soli Deo Gloria, Sola Fide, Sola Scriptura, Ecclesia semper reformanda, l'Église invisible. Ces cinq thèmes définissent une certaine ambiance spirituelle qui souvent a commandé les attitudes théologiques de la tradition réformée. On pourrait dire que l'essentiel de ces slogans théologiques consiste à opposer un «Solus» au «Et» ou au «Una cum» de la tradition catholique. Il y a une espèce de volonté de purisme dans les affirmations théologiques réformées. A Dieu seul la gloire et rien à l'homme. Seule la foi sauve, les œuvres ne servent de rien. Seule l'Écriture est une autorité en matière de foi, la tradition n'en est qu'une explication approximative. L'Église elle-même ne peut pas s'ajouter à la Parole de Dieu, elle n'est qu'un fruit de cette Parole, et donc elle doit constamment passer par une réforme à la lumière de l'Écriture. Enfin, ce qui est décisif dans la constitution de l'Église, ce n'est pas ce qui en est visible dans les institutions, mais c'est la communion des saints que Dieu seul connaît. Il faut reconnaître que même dans la vie de l'Église actuelle ces slogans théologiques jouent parfois un plus grand rôle, bien qu'un rôle occulte, dans certaines attitudes du peuple chrétien et même des autorités ecclésiatiques. On peut dire, en effet, que bien souvent dans les Églises réformées les attitudes décisives sont commandées par des réactions anti-catholiques plus que par les affirmations majeures de la tradition telles qu'elles s'expriment dans les documents confessionels ou catéchétiques du 16e siècle. En décembre 1978, les évêques français ont voulu exprimer une profession de foi pour le peuple chrétien. Ils ont basé leurs réflexions sur la quatrième prière eucharistique du missel romain après le Concile du Vatican II. Ce texte est paru sous le titre : «II est grand le mystère de la foi, prière et foi de l'Église catholique». Ce texte tout à fait remarquable essaie d'exprimer en peu de mots mais avec grande clarté tout l'essentiel de la foi catholique. L'étude approfondie de ce texte révèle combien le dialogue œcuménique à travers le Concile du Vatican II a influencé non pas tant la foi fondamentale de l'Église catholique que la manière de l'exprimer dans le monde d'aujourd'hui. On peut dire que les cinquante premières pages de cette profession de foi résument très exactement la foi fondamentale tenue par tous les chrétiens. Je ne pense pas qu'un réformé puisse trouver à y redire, dans la mesure ŒCUMÉNISME OBLIGÉ DE LA RÉFORME 327 où il est fidèle à sa propre tradition doctrinale. Ce sont vraiment les mêmes réalités centrales qui sont exposées là comme l'essentiel de la foi; les thèmes abordés constituent non seulement l'essentiel de la foi catholique, mais aussi l'essentiel de la foi réformée. Il est bon d'ailleurs, et bien conforme à la tradition réformée, de lire les thèmes centraux de la foi chrétienne dans un document catholique tel que la profession de foi des évêques français. En effet, la tradition réformée ne peut pas exister pour elle-même, comme si elle constituait une Église à part. Même si les faits de l'histoire ont situé les Églises réformées comme des institutions particulières, la véritable vocation de la tradition réformée c'est d'exister en fonction de la Catholica, en fonction de l'Église dans son œcuménicité, comme une sorte de correctif ou un appel à la réforme de l'Église. La tradition réformée ne peut donc exister qu'en relation avec les autres Églises, et en particulier l'Église catholique. Les thèmes centraux de la foi chrétienne, tels que les développe le document de l'épiscopat français, correspondent aux thèmes centraux des catéchismes et des confessions de foi de la tradition réformée. Essayons de les parcourir rapidement. Nous aurons ainsi ce qui fait l'essentiel de la uploads/Religion/ l-x27-oecumenisme-oblige-de-la-reforme 1 .pdf

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  • Publié le Jul 27, 2022
  • Catégorie Religion
  • Langue French
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