12/10/21, 11:02 AM La cinéphilie chrétienne : Amédée Ayfre (1922-1964), sulpici

12/10/21, 11:02 AM La cinéphilie chrétienne : Amédée Ayfre (1922-1964), sulpicien et critique de cinéma https://journals.openedition.org/cerri/1067?lang=en 1/12 Cahiers d’études du religieux. Recherches interdisciplinaires Numéro spécial | 2012 Monothéismes et cinéma La cinéphilie chrétienne : Amédée Ayfre (1922-1964), sulpicien et critique de cinéma 1 The Christian cinema enthusiasm: Amédée Ayfre (1922-1964), priest of the Society of saint Sulpice and film critic Philippe Rocher https://doi.org/10.4000/cerri.1067 Abstracts Français English Prêtre français de saint Sulpice et chrétien cinéphile, Amédée Ayfre a défendu l’esthétique et le réalisme cinématographiques contre le cinéma religieux du « Cinéma catholique ». Le « réalisme cinématographique » est un instrument de révélation chrétienne du Prochain. Brusquement décédé, Amédée Ayfre n’a pas eu la possibilité de dépasser ses premiers « Jalons pour une théologie de l’image ». In the middle Twentieth century, Amédée Ayfre, French priest of the Society of saint Sulpice and Christian cinema enthusiast, defended esthetic and realism cinema against the religious cinema of « Catholic cinema ». For him, realist Cinema is the Christian revelation instrument of fellow man. Brusquely to die, he can’t proposed any more his first “Jalons pour une théologie de l’image”. Index terms Mots-clés : Amédée Ayfre, cinéphilie chrétienne, prêtre de saint Sulpice, XXe siècle Keywords: Amédée Ayfre, Christian cinema enthusiasm, Priest of the Society of saint Sulpice, Twentieth century Dedication Pour B. C. En témoignage de reconnaissance et d’amitié. Full text 12/10/21, 11:02 AM La cinéphilie chrétienne : Amédée Ayfre (1922-1964), sulpicien et critique de cinéma https://journals.openedition.org/cerri/1067?lang=en 2/12 « L’image cinématographique […] peut jouer un rôle irremplaçable de révélation de la présence du prochain […]. Il y a toujours un moment où il faudra sortir du cinéma pour affronter réellement au-dehors les êtres qu’il nous aura révélés. » Amédée Ayfre Comment devient-on Amédée Ayfre, prêtre et cinéphile ? La maladie, écran entre l’homme et le monde É Depuis quelques années, des travaux l’histoire du cinéma ménagent une place nouvelle à l’histoire de la passion cinématographique2. Il faut entendre passion au sens d’intérêt passionné pour ce grand art des images en mouvement. Mais le mot passion doit aussi laisser entendre combien le cinéma est parfois mal compris, et il faut le dire desservi, par ceux qui s’en servent plus qu’ils ne le servent. 1 Il existe aussi déjà quelques études sur l’histoire des catholiques dans leur rapport avec le cinéma. Des critiques catholiques du cinéma ont été rapportées. Il a été également dit comment les catholiques ont cherché à susciter un « cinéma catholique ». C’est ainsi qu’a pu être mesurée la place consentie, en tant que chrétiens, par les catholiques au cinéma. Il reste cependant encore à dessiner les traits d’une autre histoire : celle de la cinéphilie chrétienne. Qui sont les cinéphiles chrétiens ? Quelle a été l’action de ceux qui ont choisi de se positionner en chrétiens dans leur rapport au cinéma ? La vie et l’œuvre du prêtre de Saint- Sulpice Amédée Ayfre illustrent une forme de renonciation à « l’iconoclasme cinématographique » de certains catholiques méfiants à l’égard du caractère pernicieux des images et du cinéma qui faute d’être moral ne peut être « catholique ». L’étude de l’œuvre d’Amédée Ayfre permet aussi d’évoquer, avec sa critique du cinéma et des films, les commencements d’une « théologie de l’image » dans la France des années de l’après Seconde guerre mondiale. 2 Dans la vie d’Amédée Ayfre, la maladie a constitué un écran entre lui et le monde. Or, que faire lorsque, malade ou valétudinaire, on doit garder la chambre ? Comment meubler les longues heures voire les journées où il faut rester alité à attendre que veuille bien cesser la souffrance ? 3 Amédée Ayfre naît hémophile le 8 janvier 1922. Toute sa vie, il a souffert de fréquentes hémorragies et dut prendre le repos que réclamait un traitement médical sans lequel sa vie aurait été gravement menacée. Il se réfugie dans la lecture. Lecture que l’attention constante de sa mère, son père étant tôt disparu3, la bienveillance de sa grand-mère maternelle, « Nini », le dévouement de ses maîtres et l’amitié de ses camarades de classe nourrissent de l’apport fréquent de livres et de revues. Cloué au lit, Amédée Ayfre dévore les ouvrages, se délecte de « beaux-livres » sur l’Art et se plonge dans les journaux qui sont à sa portée. Dans les pages de ses petits agendas, le valétudinaire sans frère ni sœur consigne, au fil des heures que la maladie allonge, jusqu’aux plus menus, les faits de son existence solitaire. Les références de ses lectures d’abord, ses activités de reclus ensuite, puis, peu à peu, quelques réflexions sur ce qu’il vit et ce qu’il perçoit de la rumeur du temps. Il en sera ainsi toute sa vie durant4. Dans l’Aveyron natal, où sa famille d’origine modeste est revenue s’installer après que son père, garçon de café, et sa mère, cuisinière, ont tenté sans succès l’aventure d’un restaurant à Paris, il suit, lorsque sa santé le permet, ses premières classes à l’école de son village près de Cénac-de-Laissac. À partir de 1935, à Rodez, il est l’élève brillant quoique peu assidu de la maîtrise de la Cathédrale, le petit séminaire de la ville5. En juillet 1937, il reçoit trois prix, dont celui de la version latine et celui pour le thème grec. Berger durant ses vacances d’été, son handicap est tel qu’il l’empêche en août de marcher sans l’appui d’une canne. De retour de pèlerinage à Lourdes où sa grand-mère l’a conduit, la journée du 28 août reste mémorable parce que, note-t-il dans son carnet, « le soir, avec Simone, nous regardons les étoiles ». 4 12/10/21, 11:02 AM La cinéphilie chrétienne : Amédée Ayfre (1922-1964), sulpicien et critique de cinéma https://journals.openedition.org/cerri/1067?lang=en 3/12 Le prêtre d’une « Église présente au monde » Ayfre sulpicien et existentialiste chrétien Comme sa scolarité, le temps de ses études cléricales au séminaire, entamé le 6 octobre 1941, est une alternance de périodes de traitement et de convalescence, dans sa chambre où à son domicile6, et de présence au sein du groupe des séminaristes. Déclaré inapte pour le STO, il assiste à la gare aux départs de ses amis et collègues séminaristes requis avec les ouvriers pour le service du travail en Allemagne quand ce n’est pas pour celui des Chantiers de la Jeunesse7. « Promenade à laquelle je n’assiste pas » note-t-il fréquemment sur les pages de ses petits agendas, rappelant par là l’omniprésence de sa maladie et la tristesse du retrait du monde qu’elle impose. Retrait que les amis, par leur présence, aident heureusement à atténuer. La guerre a pris fin lorsque, au lendemain d’une de leurs premières rencontres, Amédée Ayfre entame avec Jules Gritti, de deux années son cadet, une correspondance qui témoigne d’une indéfectible et riche amitié8. Ajoutée à la matière des leçons, Ayfre désormais à Toulouse et Gritti encore à Rodez, la correspondance et le partage entre séminaristes de leurs lectures, celles des auteurs recommandés, conseillés, mais aussi parfois interdits, ce qui n’empêche pas les textes de passer de main en main à l’insu des professeurs, créent des amitiés et forgent des complicités intellectuelles. Échange de réflexions, envois de notes de cours, communication d’enthousiasmes, ainsi celui de Jules Gritti pour les positions de Mgr Saliège qui, décidément, « ne marche pas à reculons »9, ponctuent les jours. À son ami qui le lui réclame, Ayfre fournit aussi, avec les notes de ses exposés qu’admirent ses condisciples du Grand séminaire à Toulouse, un exemplaire des textes prohibés de Pierre Teilhard de Chardin. En retour, Jules Gritti signale à son correspondant le moyen de se procurer une édition non moins suspecte de l’Action de Maurice Blondel10. 5 Gritti lui fait part également de son enthousiasme à la lecture de la Revue du cinéma : « Je découvre en ce moment une vraie Tradition de grande critique cinématographique »11. Un peu plus tard, il rapporte son admiration pour « l’écrasante richesse d’Orson Welles ». Amédée Ayfre encadre, depuis le début de l’année 1947, les jeunes d’un patronage et veille chaque jeudi au bon déroulement de la traditionnelle séance de cinéma parfois même à une seconde projection le dimanche après-midi. Mais il s’intéresse davantage aux arts plastiques, notamment à la peinture, ou à la musique et profite de ses loisirs, comme lors des vacances d’été, pour visiter les églises, les musées et les expositions ; participer, à l’occasion, à la visite-guidée de Saint-Sernin par le dominicain Régamey puis l’écouter deux jours plus tard lors de sa conférence sur l’art religieux. Il a aussi fort à faire, dans le courant de l’année 1948, avec l’apprentissage de la bicyclette, contemporain de l’inauguration d’un stade au Grand-séminaire, engin de locomotion pratique pour un prêtre quoique d’usage délicat12. Après quelques leçons en mai, il effectue non sans mal en juin ses premières « courses ». Il chute lors de la cinquième, brise ses lunettes et doit s’aliter durant trois jours à cause d’une hémorragie. Loin de s’être apaisé, sa curiosité intellectuelle est demeurée intacte, quoique source hier de pénibles difficultés avec la méfiance de uploads/Religion/ la-cinephilie-chretienne-amedee-ayfre-1922-1964-sulpicien-et-critique-de-cinema.pdf

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  • Publié le Fev 04, 2021
  • Catégorie Religion
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