SAINT THOMAS D'AQUIN TRAITÉ DE LA PIERRE PHILOSOPHALE 1 

SAINT THOMAS D'AQUIN TRAITÉ DE LA PIERRE PHILOSOPHALE 1  TRAITÉ DE SAINT THOMAS D’AQUIN De l’Ordre des Frères prêcheurs  LA PIERRE PHILOSOPHALE ET PREMIÈREMENT DES CORPS SUPERCELESTES Suivi du Traité sur L’ART DE L’ALCHIMIE Traduit du latin pour la première fois, introduction et notes de GRILLOT DE GIVRY  1/53 SAINT THOMAS D'AQUIN TRAITÉ DE LA PIERRE PHILOSOPHALE 2  INTRODUCTION En tirant de l’oubli le vieil ouvrage alchimique qui resplendit du nom de saint Thomas, nous n’ignorons pas les critiques qui nous seront certainement adressées. Il est pourtant bien inutile de les formuler encore une fois, car elles datent de deux siècles. Nous les connaissons bien et pourtant elles ne nous ont pas arrêté un instant dans notre travail. Elles ne sont pas irréfutables non plus, car de savants hommes les ont réfutées. Nous pourrions donc nous contenter de renvoyer à leurs ouvrages, rares aujourd’hui, mais nul ne prendrait la peine de les consulter et chacun garderait son opinion préconçue. Puisque l’esprit de routine nous oblige à recommencer le travail de nos ancêtres, nous rappellerons brièvement les principaux traits de la controverse. * * La grande, la seule objection qu’on puisse faire contre l’authenticité du livre de saint Thomas, n’est basée sur aucun fait, aucun acte, aucun anachronisme, aucune contradiction constituant une preuve valable en paléographie ou en bibliographie. Elle se résume ainsi : « L’alchimie étant (d’après l’opinion des critiques modernes) une œuvre du démon ou du moins une pitoyable rêverie, un saint, un génie puissant et fort comme le fut saint Thomas d’Aquin n’a pu y ajouter foi ». Tel est, en effet, le fond puéril et spécieux de l’interminable dissertation que Naudé a écrite sur ce sujet (Apologie pour les grands hommes soupçonnez de Magie, par G. Naudé, Parisien, in-12, 1712.). Rigoureusement on pourrait ne rien répondre à un auteur qui a voulu prouver dans le même ouvrage que ni Zoroastre, ni Pythagore, ni Plotin, ni Porphyre, ni Jamblique, ni Jérôme Cardan, ni Geber, ni Arnauld de Villeneuve, ni Roger Bacon, ni Trithème, ni même... les Rois Mages n’avaient jamais été initiés à la Magie. Mais comme il représente bien l’état d’un grand nombre d’esprits qui mériteraient de mieux penser, nous examinerons sérieusement sa critique. Il débute (chapitre xvii) par cette phrase d’une langue extraordinaire : 2/53 SAINT THOMAS D'AQUIN TRAITÉ DE LA PIERRE PHILOSOPHALE 3  « Je ne fais nulle doute que la fausseté si manifeste de ces calomnies ne soit une conjecture indubitable du jugement qu’il nous faut faire sur ces livres des Images de nécromancie, de l’Art Métallique, des secrets de l’Alchimie et de essentiis essentiarum, qui sont divulgués et se vendent tous les jours sous le nom de saint Thomas d’Aquin, surnommé à bon droit par Picus, splendor Theologiae, par Erasme, vir non sui saeculi, par Vives, Scriptor de schola omnium Sanissimus, et par le consentement de tous les Auteurs, avec celui de l’Église, le fidèle interprète d’Aristote et de la Sainte Écriture, la base et le fondement de la Théologie scolastique, et pour dire en un mot, le docteur Angélique. Car je vous prie, quelle apparence y aurait-il de se pouvoir imaginer que ce grand esprit qui fut canonisé en l’an 1322 et duquel la doctrine fut approuvée par un décret de l’Université de Paris, l’an 1333 et par trois souverains pontifes, Innocent V, Urbain VI et Jean XXII, se soit amusé ou à la Magie, ou à toutes les refueriës des Alchimistes !... » Ainsi ce verbiage se résume : « Il me déplaît de concevoir saint Thomas alchimiste. Donc il n’a pu écrire d’œuvre alchimique. » C’est, comme on le voit, la substitution d’une appréciation personnelle aux preuves précises, comme base du raisonnement. Autrement dit, c’est l’anarchie en matière de logique. Nous pourrions nous servir du même procédé et retourner simplement la proposition en disant : « La science occulte étant la plus sublime science ou mieux la seule science, il est bien naturel qu’un homme extraordinaire comme saint Thomas l’ait connue et pratiquée, et le pape étant un Mage ou du moins un homme animé dans ses décisions de l’esprit de magie, il n’a pu que l’approuver. » « Mais, poursuit Naudé, les Alchimistes n’oublient véritablement qu’une seule chose pour se l’attribuer, et pour le ranger dans leur parti : qui est de retrancher et de corrompre comme le font les hérétiques, cet endroit de ses Commentaires sur le deuxième livre du Maistre des Sentences (Distinct. 7, quaest 3, art. 1, ad. 5.) où il combat formellement la possibilité de leur transmutation métallique. » Mais Naudé s’est bien donné garde de citer le texte de ce passage parce qu’on eut pu s’apercevoir qu’il ne favorisait nullement ses théories et que saint Thomas ne « combattait pas formellement » la 3/53 SAINT THOMAS D'AQUIN TRAITÉ DE LA PIERRE PHILOSOPHALE 4  possibilité de la transmutation. Plus soucieux de la vérité nous le donnerons intégralement ici. Il se trouve dans l’énorme tome intitulé : Sancti Thomse Aquinatis in quatuor libros sententiarum Pétri Lombardi. Parisiis, 1659, in-folio. Nous l’ouvrons Lib. II. Distinct. VII. Quaest. III. Solutio 6, pag. 74, et nous trouvons les paroles suivantes : (Sicvit)Alchymistae faciunt aliquid simile auro quantum ad accidenta exteriores : sed tamen non faciunt verum aurum : Quia forma substantialis auri non est per calorem ignis, quo utuntur alchymistse SED PER CALOREM SOLIS, IN LOCO DETERMINATO UBI viget virtus numeralis : Et ideo tale aurum non habet operationem consequentem speciem : Et similiter in aliis, quae per eorum operationem fiunt. » Or, qui ne s’apercevra à la lecture de ce passage qu’il atteste chez son auteur une connaissance profonde des lois et des théories alchimiques ? Il s’agit d’abord, non pas de savoir si saint Thomas condamne l’alchimie, mais s’il l’a étudiée. Or ce passage en est la preuve ; il sait en quoi consiste sa pratique ; il connaît l’essence intime des métaux ; il dévoile même le grand secret dans les mots que nous avons soulignés, avec le parfait langage d’un alchimiste. Ces phrases n’ont pu être écrites que par un adepte. Voilà donc un point bien précis : saint Thomas connaît l’alchimie. La condamne-t-il formellement ? Si Naudé avait lu quelques traités d’Alchimie avec un esprit impartial, il aurait constaté avec étonnement que les adeptes eux-mêmes tiennent souvent dans leurs traités un langage semblable. Insignium medicinarum nomina clangunt, dit Weidenfeld, iis ipsis incognitis et cortices dantur pro nucleis (SEGERI WEIDENFELD. De Secretis adeptorum liber. Hambourg, 1555). Il l’aurait retrouvé dans Paracelse, dans le Trévisan, dans le président d’Espagnet et aussi dans le traité que nous traduisons aujourd’hui, ce qui est une grande preuve de son authenticité. Quelle est donc la théorie de saint Thomas ? Que les alchimistes ne font pas de l’or, mais changent seulement les accidents extérieurs des métaux. Est-ce là condamner l’alchimie? Il enseigne qu’on ne peut transmuer la matière ni changer sa nature intime. Elle est intransmuable, en effet, puisqu’elle est une. Mais il reconnaît qu’on ne 4/53 SAINT THOMAS D'AQUIN TRAITÉ DE LA PIERRE PHILOSOPHALE 5  change que les accidents, les espèces pour parler le langage scholastique. Les alchimistes ont-ils jamais enseigné autre chose ? Saint Thomas s’attaque donc ici aux souffleurs comme l’ont fait tous les alchimistes. En disant tale aurum non habetoperationem consequentem speciem, il désigne l’or des souffleurs, qu’ils obtiennent par la chaleur du feu, per calorem ignis. Mais puisqu’il dit lui-même que l’or véritable s’obtient per calorem solis, in loco determinato, n’est-il pas évident que celui qui connaîtra ce qu’il désigne par les mots énigmatiques de calor solis c’est-à-dire la lumière astrale et qui connaîtra également le locus determinatus ubi viget virtus mineralis, c’est-à-dire l’athanor construit d’après les règles principielles données par le grand athanor de la nature, n’est-il pas évident que celui-là pourra produire le verum aurum quod habebit operationem consequentem speciem ? Qu’on me permette de citer et comparer ici Paracelse (PARACELSE : Les XIV livres des paragraphes de Paracelse Bombast, Paris, 1631, in- 4, discours de l’ai chimie. Troisième fondement de la médecine paracelsique, page 13). « Or, dit-il, l’opération du cours céleste est admirable, car encore que le travail de l’artiste soit estimé de soi merveilleux, néanmoins ceci est digne de grande admiration que le CIEL cuit, digère, imbibe, dissout et réverbère beaucoup mieux que l’Alchimiste, en telle sorte que le cours du ciel enseigne le cours et régime du feu dans l’arcane que l’on veut préparer. » N’est-ce pas là, avec une phraséologie différente, la pensée même de saint Thomas d’Aquin ? Cette similitude entre le Grand-Maître de la médecine occulte et le Grand-Maître de la philosophie scolastique embarrassera beaucoup les sceptiques et les incrédules ; pour nous elle est un appui considérable. Dom Pernety (Fables égyptiennes et grecques, t. I, p. 170. Paris, 1786.) cite un auteur anonyme qui dit que, pour connaître la matière du feu philosophique, il suffit de savoir comment le « feu élémentaire prend la forme du feu céleste ». Le dictionnaire hermétique attribué à Salmon (Paris, 1695, petit uploads/Religion/ la-pierre-philosophale.pdf

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  • Publié le Mai 13, 2022
  • Catégorie Religion
  • Langue French
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