Association de la Revue de l’histoire des religions Le paradoxe de la Ka'ba Aut

Association de la Revue de l’histoire des religions Le paradoxe de la Ka'ba Author(s): MICHEL CHODKIEWICZ Source: Revue de l'histoire des religions, Vol. 222, No. 4, Lieux de culte, lieux saints dans le judaïsme, le christianisme et l'islam (OCTOBRE - DÉCEMBRE 2005), pp. 435-461 Published by: Association de la Revue de l’histoire des religions Stable URL: https://www.jstor.org/stable/23617808 Accessed: 09-11-2018 18:44 UTC JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at https://about.jstor.org/terms Association de la Revue de l’histoire des religions is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Revue de l'histoire des religions This content downloaded from 51.145.178.121 on Fri, 09 Nov 2018 18:44:58 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms MICHEL CHODKIEWICZ École des Hautes Études en Sciences sociales, Paris Le paradoxe de la Ka'ba Selon Selon le Coran (2 : 115), « où que vous vous tourniez, là est la Face d Dieu Dieu ». La prière du croyant doit pourtant s'orienter vers un poi d'espace d'espace déterminé par des coordonnées géographiques précises : 21° de de latitude nord, 39° 43' de longitude est. Et quand il accomplit le pèlerina il il s'achemine obligatoirement vers ce même point. C'est dans l'œuvr d'Ibnd'Ibn Arabî - et plus particulièrement dans le récit de son arrivé La La Mecque en 1202 - qu'on cherchera une interprétation de ce parado qui fait de la Ka'ba le « lieu du Sans-lieu ». The Paradox of the Ka'ba AccordingAccording to Koran (2 : 115), « wherever y ou look, there is theface of GodGod ». However the faithful'sprayer must be directed towards a particular spatial spatial point determined by précisé geographical co-ordinates : latitude 21° 27'north,21° 27'north,21° 27'north, longitude 39° 43'east. And when he performs the pilgrimage hehe must proceed towards this very point. One has to refer to Ibn Arabi's work,work, and more specifically to the relation of his arrivai in Mecca in 1202 to to look for an interprétation ofthis paradox making the Ka'ba the "Place ofthe Without-Place". Revue de l'histoire des religions, 222 - 4/2005, p. 435 à 461 This content downloaded from 51.145.178.121 on Fri, 09 Nov 2018 18:44:58 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms 436 MICHEL CHODKIEWICZ Ju'ilatJu'ilat lî al-ard masjidan1. Par ces mots le Prophèt énonce l'un des cinq privilèges que Dieu lui a octroy terre lui a été donnée comme lieu d'adoration. Cette iso conséquence rituelle. « En quelque endroit que tu te tro survient l'heure de la prière », dit-il à l'un de ses C « c'est là que tu dois l'accomplir ». Aucun « temple apparemment nécessaire si par ce terme on entend, selon l classique du dictionnaire, « tout édifice public consa d'une divinité ». Or on constate paradoxalement qu'il ex en islam, dès le début, des édifices réservés à l'accompl la prière des croyants : les mosquées - al-masâjid, plur que j'ai traduit par « lieu d'adoration ». Le mot apparaî signification une trentaine de fois dans le Coran où aussi avec le même sens bayt « maison ». Tel est le cas, dans les versets célèbres de la sourate de la Lumière (2 il est dit « Dans des maisons (buyût) que Dieu a permi où Son Nom est invoqué Le glorifient, matin et soir, que ni le négoce ni la vente ne distraient de l'invocatio la prière et de l'aumône »2. On observe d'autre part qu lieux sont réputés impurs et que l'on ne peut s'y acquit gation de la prière : l'enclos où sont enfermés les c bains publics, les dépôts d'immondices, etc. Ce paradoxe n'est pas le seul. Fa aynamâ tuwallû wajhu wajhu Llâh, « Où que vous vous tourniez, là est la Fac Ce verset (2 : 115) qui affirme catégoriquement une ind spatiale absolue semble contredit par d'autres passages (2 : 142-145) qui imposent à l'orant une orientation « la Mosquée sacrée » (al-masjid al-harâm) qui est bayt A Dei.Dei. Le verset cité est-il abrogé par ceux qui institu C'est le point de vue de certains exégètes. D'autres jug données scripturaires, dont l'une énonce un principe ta autres formulent des règles pratiques, ne sont pas inc 1. 1. Muslim, masâjid, 3. 2. L'interprétation de buyût comme désignant les mosquée seule possible (elle peut, notamment, s'appliquer littéralemen des croyants), mais elle est privilégiée par les commentateurs. This content downloaded from 51.145.178.121 on Fri, 09 Nov 2018 18:44:58 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms LE PARADOXE DE LA KA'BA 437 Pour les uns, le verset « Où que vous vous tourniez, là est Dieu » est applicable aux prières surérogatoires, pour l'orientation rituelle n'est pas strictement obligatoire. Pou ce verset a une conséquence légale beaucoup plus large. Il que, lorsqu'il est impossible de déterminer la qibla, la prière a dans n'importe quelle direction est valide3. Ces débats ju cependant, n'épuisent pas un problème exégétique sur reviendrai. La « mosquée sacrée » et la Ka'ba qui en est le centre on temps donné naissance, dans le monde chrétien, à d'extr légendes. Pour les lecteurs de Pedro de Alfonso, de Jacques de Vincent de Beauvais - parmi beaucoup d'autres aut Ka'ba est le tombeau du Prophète. Le cercueil de ce dern à des artifices ingénieux, reste suspendu en l'air sans supp rent, ce qui est bien propre à susciter l'émerveillement superstitieux. Reconnaissons à Ramon Lull, mieux informé d'avoir démenti cette histoire. Mais il reste lui aussi persu Ka'ba est le lieu ubi jacet corpus Machometi. D'une maniè raie Médine - où se trouve effectivement la tombe du Pro La Mecque sont alors plus ou moins confondues. En 1187 bataille de Hattîn, Saladîn fera mettre à mort Renaud de qui, avec le projet sacrilège de frapper l'islam en son cœ s'était aventuré dans le Hijâz. Sans même attendre les multiples images qui, aujo permettent d'avoir une vue exacte des Lieux saints, les oc ont toutefois eu à leur disposition depuis longtemps des de moins fantaisistes. Celles des innombrables voyageurs m ne sont souvent accessibles qu'aux spécialistes. Mais, expl déguisés ou convertis, les visiteurs européens ont été no rapporter, de leur séjour, parfois périlleux, des informations 3. Cette dernière interprétation est celle que retient Ibn Arabî qui ce verset à maintes reprises (Futûhât Makkiyya, Bûlâq, 1329h., I, p p. 161, IV, p. 106...)· Elle concerne aussi celui qui prie à l'intér Ka'ba (Bukhârî, hajj, 52 ; Futûhât Makkiyya, I, p. 406) : l'espace pour lui son isotropie. This content downloaded from 51.145.178.121 on Fri, 09 Nov 2018 18:44:58 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms 438 MICHEL CHODKIEWICZ sur les sites, les monuments, les pratiques qu'ils ont obser sait donc que la Ka'ba est un bâtiment très approximativem que (15 mètres de haut, 12 et 10 mètres de côté), entièrem et qu'il est situé à 21° 27' de latitude nord et à 39° 49' de l est. Au prix de quelques retouches un planisphère asse dans les pays musulmans fait apparaître ce point de l'espa le centre géométrique de la planète5. Nous savons aussi que, victime de la violence des hom des éléments, la Ka'ba a été maintes fois réparée ou recon En 692, détenue par l'anti-calife Ibn al-Zubayr elle a été b par ses adversaires et a dû être rebâtie sous sa forme origin al-Zubayr avait modifiée conformément à une intention n d'effet autrefois formulée par le Prophète. En 929, les Qa sont emparés de la Pierre Noire, qu'ils ont conservée pend deux ans. Des incendies se sont produits à plusieurs repri inondations ont été fréquentes et le sont encore. La Mosqu a été édifiée dans le cours d'un oued presque toujours à s des pluies soudaines et brutales peuvent, en moins d'une he monter le niveau des eaux jusqu'à atteindre la hauteur de de la Ka'ba, située pourtant à deux mètres du sol. Tout au siècles des pèlerins obstinés ont ainsi été conduits à accom nage les sept tournées rituelles comme en attestent aussi récits anciens tels ceux rapportés par al-Fâkihî (ob. 885)6 témoignages récents. 4. Parmi les travaux récents relatifs à ces récits de voyage, sign d'Abdel-Magid Turki, Récits de pèlerinage, Paris, 1979. Il va de part, qu'une ample documentation et d'abondantes références so dans les articles Makka, Ka'ba, Hadjdj de la 2eédition de l'Encyc l'Islam. Cela dit, et en dépit de la richesse des informations disp pu constater de comiques erreurs sous la plume d'auteurs qui passen bons connaisseurs du monde arabe mais confondent, par exempl qui est revêtue d'une tenture noire, et la Pierre Noire qui est insér de ses angles. 5. Ce planisphère est reproduit par Muhammad Hamidullah, « Le pèlerinage à La Mecque », in Les Pèlerinages, collection « Sources orientales », Paris, 1960, p. 104-105. 6. Muhammad al-Fâkihî, Akhbar Mekka, 2e édition, Beyrouth, 1994, I, p. 250 uploads/Religion/ le-paradox-de-la-kaaba-chodkiewicz.pdf

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  • Publié le Jan 10, 2021
  • Catégorie Religion
  • Langue French
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