NOUVELLE SÉRIE SEIZIÈME ANNÉE TOME XVI REVUE BIBLIQUE PUBLIEE PAR L'ÉCOLE PRATI

NOUVELLE SÉRIE SEIZIÈME ANNÉE TOME XVI REVUE BIBLIQUE PUBLIEE PAR L'ÉCOLE PRATIQUE D'ÉTUDES BIBLIQUES ÉTABLIE Alj COUVENT DOMINICAIN S \INT-ÉTIEiNNE DE JÉRUSALEM PARIS LIBRAIRIE VICTOR LECOFFRE J. GABALDA, ÉDITEUR RUE BONAPARTE, 90 1919 OCT 1 7 1959 MÉLANGES ATTIS ET LE CHRISTLVMSME Attis, son mythe, son culte, ses mystères, ont été souvent rappro- chés de Jésus-Christ et du christianisme (1). C'est, dit-on, un type de Iheu souit'rant, mort et ressuscité; ses tidèles espéraient le salut en sunissant à ses soutt'rances et à sa résurrection. Les tauroboles étaient une initiation semblaJjle au baptême, qui purifiait le pécheur par la vertu du sang-, et la ressemblance était telle que le taurobolié était lui aussi né à une vie nouvelle et éternelle, /// aeternum renatus. L'initié devait en effet mourir aVant d'être complètement admis aux mystères, après quoi on lui faisait goûter du lait, et cela rappelle la parole de saint Pierre : <f Comme des enfants nouvellement nés, désirez ardemment le pur lait spirituel » \\ Pet. ii, 2i. Enfin on était initié par la communion du pain et du vin. Et il faut avouer que si ces traits étaient exacts, fixant au premier siècle de notre ère la physionomie d'une religion répandue dans l'empire romain, la question se poserait sérieusement dune influence possible sur la pensée de saint Paul. Mais une méthode critique tant soit peu soigneuse exige qu'on distingue d'abord la religion d" Attis et ses mystères des explications qui en ont été données par les différentes écoles d'exégèse, ensuite qu'on soit très attentif aux changements qui ont pu se produire avec le temps dans ces interprétations. Tout le monde est d'accord sur le principe. On ne regarde plus les rites comme une reproduction de faits anciens ou plutôt mythiques. (1) On citera souvent 11. IlEPorsc, Atlis seine M ijthen und sein Kult, Giessen, 1903 ; A. LoisY. Cybèle et Attis. dans la Revue d histoire et de littérature religieuse, 1913; 1". CuMONT, Les religions orientales dans le paganisme romain, cli. m ; L'Asie Mineure, et aussi l'article Attis (avec le siip[ilément) dans l'Encyclopédie de Pauly-Wissowa. Cet article était écrit quand noas avons eu connaissance de l'ouvrage de M. Henri Graillot, Le Culte de Cybèle mère des Dieux à Rome et dans l'Empire romain, in-S" de 600 pages: Paris. 1912, 420 IIKVUE BIBLIQUE. C'est souvent le mythe qui a été iiiiai^iné d'après les rites. Pour- tant, en fait, il est bien rare qu'on procède avec rigueur. Très sou- vent, et peut-être surtout à propos d'Attis, les critiques modernes concluent d'une explication ancienne à Icxistence d'un rite. Procédé qui serait irréprochable si tous ces exégètes anciens étaient d'accord, mais qui devient arbitraire si l'on donne la préférence à une seule explication et peut-être à la moins ancienne. On ne nie pas d'ailleurs ici que des explications très accréditées aient pu transformer en partie le rite. Mais à tout prendre, étant donné le caractère très conservateur des rites, c'est du rite qu'il faut partir, tel qu'il est décrit dans les textes les plus anciens, et si les explications plus récentes ne cadrent pas, il faudra supposer ou qu'elles ont contaminé le rite, ou même qu'elles lui attribuent des conceptions nouvelles. Le personnage d'Attis implique une difticulté spéciale, car il* est représenté tantôt comme mort, tantôt comme privé violemment de sa virilité. Selon qu'on regarde l'un de ces traits comme primitif, l'autre comme ajouté, toute la physionomie du dieu et de son culte prend un aspect diûérent. M. Hepding et M. Cumont sont à peu près d'ac- cord pour mettre au début le thème de la mort. Quand les l^hrygiens entendaient la tempête faire rage dans les montagnes, ils imagi- naient la Mère des Dieux sur un char traîné par des lions, entourée de ses Corybantes, pleurant son amant. Attis était le dieu principal du pays, associé à la Mère comme divinité masculine avant l'arrivée des Phrygiens. C'était, d'après M. (Cumont, l'arbre fétiche qui perd ses feuilles à l'automne et reverdit au printemps. Les Phrygiens, venus de Thrace. donnèrent à ce dieu le caractère de Dionysos Sabazios, leur dieu national. Au temps d'Hérodote, d'après M. Hepding. les Galles ne pratiquaient pas encore la castration, qui fut empruntée aux Sémites. Dès lors l'ancien grand dieu devient le pâle et équivoque jeune homme, ministre de la Mère. Mais il a pris de Sabazios le carac- tère d'un dieu des esprits, qui donne l'immortalité à ses fidèles. De l'ancien culte de la végétation printanière a subsisté l'idée dune résurrection. Il s'unit à la déesse par le mariage sacré. M. Loisy a même écrit : « Car tout ce sang répandu ne l'était pas pour rien... C'est le sang qui féconde et qui vivifie, surtout un certain sang. Agdistis, la Mère, la terre en sont avides, et de ce sang, et des i)ar- ties génitales de l'homme, Agdistis, la Mère et la terre feront sourdre la vie, la concevront, la produiront » (1). Dans ce système, la mutilation n'est pour ainsi dire qu'un épisode, (1) Cijbèle et AUis, p. 297. MELANGES. 42i ou. par un étrange renversement, elle est iaterprétée comme un thème de fécondation. Attis est un dieu dont la passion donne la vie, dont la résurrection est un saee de salut. Je ne suis pas éloigné de penser qu'on néglige ainsi le thème fon- damental des rites, tel du moins quil nous est connu jusqu'au ii^ siè- cle de notre ère. Ce qu'on prend pour le principal, le thème de la mort, me parait étranger au rite propre d'Attis et même au mythe primitif. Nous serons conduit à l'expliquer, soit par une contamina- tion avec Adonis, soit par les exigences de l'exégèse évhémériste qui ne pouvait aboutir à 1" apothéose d'Attis sans passer par la mort. Nous ne nous arrêterons pas sur le grand dieu Attis, antérieur aux Phrygiens, doiit absolument rien ne prouve l'existence, ni sur l'in- tluence spiritualiste de Sabazios, qui n'est qu'une conjecture. Nous [»renons Attis. tel qu'il apparaît dans l'histoire, comme serviteur, ministre de la déesse, habitant son temple, après s'être voué à son service par une consécratiou sanglante. Prenant les rites pour point de départ, nous passerons en revue les explications qu'en ont données le mythe et l'exégèse ; les mystères et les tauroboles nous fourniront quelques indications sur la suite des idées. I. Les fêtes et lks rites. Les Phrygiens avaient pour divinité suprême une déesse que les Grecs ont nommée Cybèle (KAr,\r,) ou Cybebe ' Kjor.or^), et qu'ils ont identifiée avec flhéa, la grande déesse de la Crète. C'était avec raison, car Cybele était la reine de la montagne, comme Rhéa, dont le nom même semble indiquer l'attribut il). Une empreinte d'argile de Cnossos, qui doit remonter au deuxième millénaire avant J.-C, la représente dans une attitude dominatrice, debout, au sommet dune montagne, flanquée de deux lions 1^*2). Les lions sont constamment l'attribut de Cybèle, et la déesse" d'Hiérapolis, syrienne dont le culte a été contaminé par celui des Phrygiens ou des Hétéens, est aussi une déesse aux lions. L'exégèse stoïcienne a considéré cette Mère des dieux comme une personnification de la terre féconde, contresens qui a encore droit de cité dans la science moderne. Cybèle, — à l'origine, et quoi qu'il en soit des confusions du syncrétisme, — n'avait rien d'une Déméter. Ce n'était point la personnification ^car les peuples anciens ne con- [\) peir,. "oeir,, opeir^, fi la montagnarde » (Rapp, art. Cybele, dans Roscher, Lexicon). (2j Lacrangf:, La Crète ancienne, p. ôO et 67; cf. p. 98 pour le caractère de la déesse. i22 REVUE BIBLIQUE. naissaient pas la théorie stoïcienne , mais la reine dun pays de montagnes où la végétation est luxuriante, peuplé de bêtes sauvages dont la plus illustre était le lion. Son culte avait, lui aussi, quelque chose de sauvage. Ou la céléljrait en frappant sur les tambours et on heurtant les cymbales, dans des courses échevelées. Les critiques disent volontiers que le caractère des Phrygiens les portait à ces transports religieux (1 , touchant au délire. Il est possible. Pourtant on voit encore aujourd'hui, dans certaines grandes villes de l'Orient ou de l'Afrique, des processions conduites par quelques hommes aux cheveux épars, roulant des yeux égarés, hurlant, faisant le plus affreux vacarme avec des cymbales, pendant que le tambour de son rythme enragé les accompagne et les excite. Ils brandissent des armes aiguës dont ils font mine de se frapper, dont ils se frappent en effet, et qu'ils passent dune gencive à l'autre en traversant la bouche. Qui les a vus doit avoir une idée des Corybantes. Mais Cybèle exigeait de ses plus fervents adorateurs un sacrifice plus durable que de se taillader les bras pour en faire jaillir du sang. Ses prêtres avaient renoncé à leur virilité par une opération san- glante, qu'ils accomplissaient sur eux-mêmes dans un transport d'exaltation religieuse. Après cela ils étaient irrévocablement con- sacrés à la déesse, soit comme prêtres, soit comme attachés au culte de très près. La déesse babylonienne (2j et la déesse syrienne (3), surtout à Hiérapolis, de Syrie (4), ont connu uploads/Religion/ lagrange-attis-et-le-christianisme-1919 1 .pdf

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  • Publié le Oct 21, 2021
  • Catégorie Religion
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