Introduction à la question des Noms et Attributs divins en islam (Première part

Introduction à la question des Noms et Attributs divins en islam (Première partie) 0. Au commencement... 1. La religion du Nom 2. Le problème théologique fondamental 3. Un problème d'exégèse a) Les Noms dans le saint Coran et la tradition b) L'Un sans qualité c) Ism et Nismah ou Onoma et Pneuma 4. Aux sources de l'islam spéculatif : Falsafah néo-platonisante et kalâm mu'tazilite a) Entre Gnose et rationalisme : le milieu intellectuel baghdâdien sous les premiers abbassides b) Lumières de l'apophatisme 5. Le triomphe ambigu du kalâm sunnite : ach'arisme et mâturîdisme a) Ach'ari ou le défi de la dogmatique sunnite b) L'énigme mâturîdite 6. De quelques considérations sémantiques a) Le nom et l'essence b) Noms et attributs 7. Vers une herméneutique des Noms divins : le Tahbîr de Quchayri et le Maqsad de Ghazâli a) Aperçu sur la doctrine de Quchayri b) Aperçu sur la doctrine de Ghazâli c) Présences divines et présence adamique dans la perspective ghazâlienne 8. Le Commentaire des Noms excellents d'ibn Barrajân a) Aperçu sur l'œuvre et son auteur b) Aspects de la doctrine 9. Synthèse : Rayons et Présences a) Le Nom comme Présence du Sans-Nom. Le rayon ontologique et la nuit de l'Essence b) Présence et Idée à la lumière des Futûhât al makkiyyah c) Illustration : l'exégèse de la Royauté divine par Ghazâli 10. Présence et re-présentation, ou le mystère de l'Opposition a) L'émergence du rapport b) Considérations étymologiques en rapport avec ce qui précède 11. À propos d'une parole de Niffari : la consomption de la Lettre et les déserts de la Présence 12. Conclusion de la première partie a) Tu honoreras mon Nom b) Amuli ou l'exigence du Tawhîd c) Ni même, ni autre ; Cela بسمك اللهم اصرفني عن عذاب النار الى ثوب النار ! 0. Au commencement... Au commencement, dans le Principe, il y avait Nom. Et le Nom était en Dieu, comme l'écho d'une pensée muette. Il L'emplissait totalement sans toucher son Essence. Il résonnait en Lui sans troubler le Silence. Car il tendait vers Dieu sans s'écarter encore ; il était près de Lui, sans faire nombre avec Lui. Ombre d'une ombre, le Nom était avant le Nombre. Lui et Non-Lui, il était le Non et le Oui. Uni intimement à la Présence divine, il n'était pas un Nom. Lumière obscure dans une immensité plus qu'obscure, sur quoi eût-il resplendi ? Poème d'absence dans une vacuité plus qu'absente, pour qui eût-il retenti ? Le Nom, immense et sans frontière, ni en lui, ni hors de lui pour l'enclore, n'avait rien pour se retenir ; Alors il s'est éloigné en lui-même, s'est retourné et a retenti en lui-même, et il est devenu Verbe. Et il a rencontré le Verbe, à sa périphérie, invariable Limite abîmée dans le Centre éternel, frontière qui n'enclot rien qu'elle-même. Le Verbe, principe de toute expression, cause de toute expansion, substance insaisissable de la Totalité, n'est là que pour dire le Nom. En l'énonçant, il le limite ; en le taisant, il le rend à l'Illimité. Le Nom est la condition du Verbe. Le Verbe est dans le Nom, comme le Pourtour est dans le Centre. Et le Verbe est le Nom, et il n'est pas le Nom. – Par « Nom », je me permets de traduire ici, selon l'usage courant, le terme arabe ism, dont la signification est complexe. Comme nous le verrons dans la suite, si Dieu y consent, le ism est à la fois l'essence (is) et le ciel (sm), le plérôme, la coupole surélevée qui domine l'acropole des possibles. Cependant, vu qu'il existe en arabe également une racine nm qui exprime l'idée de dévoilement, de manifestation, d'expansion, comme la racine sm dont on fait traditionnellement procéder ism, je garderai pour ce dernier la traduction par « nom », en essayant de rendre à ce terme toute la richesse sémantique impliquée par sa racine. En particulier, de cette même racine nm qui donne en français le nom, dérive manifestement (malgré l'avis contraire de Fabre-d'Olivet) le verbe namâ qui se rapporte, entre autres, à la croissance des végétaux, et à l'idée d'accroissement, d'élévation en général. Et de fait les asmâ'u-Llâh, les « Noms divins », sont bien les germes transcendants à partir desquels croît et se ramifie l'arbre de l'univers. Du moins, ils en sont l'aspect le plus principiel, comme nous le verrons bientôt, s'il plaît à Dieu. – Tant que le Verbe n'a pas retenti, ni en lui-même, ni ailleurs, le Nom est silencieux et le Maître est muet. Et tant que le Nom reste silencieux, le Verbe ne peut retentir. Le Verbe n'est pas. Dans la profondeur de son silence originaire, le Nom imprononçable et inscrutable échappe au Verbe qui, bien qu'il croisse et prolifère dans son sein, occupe en celui-ci une étendue rigoureusement nulle. Puis, quand le Verbe a accompli son œuvre de dévoilement du Nom, il s'enfonce à nouveau dans sa sainte profondeur, où il s'amuït lui-même, jusqu'à prendre la figure de son propre anéantissement. Ou plutôt, ces deux moments, à jamais, n'en font qu'un. Le Verbe dit son amuïssement dans les limbes du Nom qu'il tire de son mutisme altier en l'exhibant à la lumière du Soi, et à la Majesté sépulcrale de l'Essence. Le Nom est le Nom de l'Essence. L'Essence, dhât, « Cela », Eccéité indéterminée, recès ultime de toute chose où aboutit toute désignation, pour s'y abîmer indiciblement, laissant surnager le Soi, souffle vital de la Réalité sans commencement ni fin, c'est-à-dire Lui, hûa, la non-désignation qui est le plérôme de toute désignation. Elle germe et se développe à partir de la lettre-symbole hâ' ; hâ- dhâ, cette essence-là, cela ; ce que l'on ne peut embrasser qu'en renonçant à embrasser, ce que l'on ne peut étreindre qu'en consentant de s'éteindre à toute chose. L'Essence est l'Essence de Dieu. Mais qu'est-ce que « Dieu », hormis un Nom ? Avant le Nom, Dieu était-il « Dieu » ? Y a-t-il un nom avant le Nom ? Qui a dit « Dieu » ? Que vous disiez « Dieu », « Khoda », « Allah » ou « l'Essence », cela revient au même ; au même non-sens, tant que le Nom n'a pas été énoncé. Avant le Nom, il ne faudrait donc pas dire « Dieu », ni « Allah », ni « l'Essence », tout au plus « Lui » : Au commencement, dans le Principe, il y avait Nom. Et le Nom était en Lui, comme l'écho d'une pensée muette. Quand on dit que la Réalité divine est sans commencement (ni fin), on dit très exactement ce qu'on dit : qu'en Elle il n'y a pas de place pour un commencement, quel qu'il soit, c'est-à-dire que rien ne peut commencer (ni finir) Là-bas. Ce qui commence ne commence qu'une fois que la Réalité (s')est nommée, il ne commence qu'avec ou plutôt après le Nom, qui lui-même est sans commencement, parce qu'il est en Lui et qu'il est Lui. Il est tout à la fois Lui, non-Lui, Lui et non-Lui, et ni Lui ni non-Lui ; il est toutes les combinaisons possibles de négation et d'affirmation, et il les absorbe tous dans son silence, qui est le silence infini de l'Essence, lorsqu'elle se recueille une ultime fois en Elle-même, avant d'y accueillir le retentissement du Verbe. Le Nom est ce recueillement suprême qui précède le premier frémissement de la Parole, qui se confond avec lui, à ceci près qu'il ne se répand jamais, ni au dehors, ni au dedans, mais enveloppe et déborde à jamais toute expansion possible. Le Verbe est l'expression du Nom. Dire le Nom, c'est donc accomplir l'œuvre du Verbe. Par là j'entends l'œuvre originelle du Verbe, celle qui ne peut être accomplie que par le Verbe lui-même, qui ne fait qu'un avec son essence. Je m'apprête ici à parler du Nom. Théoriquement, dire le Nom impose d'être uni au Verbe. C'est dire l'ampleur et l'impossibilité de la tâche qui attend quiconque se propose de parler, non pas de tel ou tel Nom en particulier, mais du Nom en général, du Nom en tant que Nom. Le Nom précède la Parole dont il est l'essence. Il précède tout discours, qu'il soit poétique ou scientifique, celui du cœur comme celui de la raison dite discursive, comme il précède toute chose, comme l'Essence, lorsqu'Elle se recueille en Elle-même avant de recueillir toute chose. Il précède la distinction entre les types ou modes du discours, discours rationnel, dialectique, apophatique, symbolique ou poétique ; il les rassemble tous et les fusionne, à la fin des fins, dans le silence de la pure contemplation, du Soi par Soi, dont il est la trace, le signe et la clef. C'est dire que pour parler du Nom, qui est avant le Verbe, aucun des modes connus du discours ne saurait convenir, parce qu'aucun ne saurait suffire, pas plus, pas moins non plus le discours prophatique que le discours apophatique, qui place devant chaque Nom le symbole logique de la négation, dans lequel il espère uploads/Religion/mael-noms-et-attributs-divins.pdf

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  • Publié le Jan 13, 2021
  • Catégorie Religion
  • Langue French
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