EDMOND BIRÉ LE CLERGE DE FRANCE P E N D A N T LA RÉVOLUTION (1789-1799) LYON LI
EDMOND BIRÉ LE CLERGE DE FRANCE P E N D A N T LA RÉVOLUTION (1789-1799) LYON LIBRAIRIE GÉNÉRALE CATHOLIQUE ET CLASSIQUE EMMANUEL V I T T E , DIRECTEUR 3, place Bellecour, 3 1901 Biblio!èque Saint Libère http://www.liberius.net © Bibliothèque Saint Libère 2010. Toute reproduction à but non lucratif est autorisée. LE CLERGÉ DE FRANCE L Y O N — I M P R . E M M . V I T T E , R U E D E L A Q U A R A N T A I N E , AVANT-PROPOŠ M . Taine a fait sur la Révolution un livre admirable: il n'a pas fait l'histoire de la Révolu- tion. Des Histoires de la Révolution française, nous en avons beaucoup, mais aucune où les divers côtés du sujet soient traités avec les développements nécessaires. C'est ainsi, par exemple, que, dans toutes, la question religieuse est simplement indi- quée, effleurée à peine, et pourtant c'est elle qui domine ici toutes les autres. Si la Révolution fut antimonarchique, elle fut surtout antichrétienne. Son oeuvre capitale fut de chasser et de tuer les prêtres, de fermer et de profaner les églises, d'ar- racher de l'âme de la France la foi catholique. Pour mettre dans tout son jour le caractère propre 2 AVANT-PROPOS et spécial à tous les hommes de la Révolution, la haine de Dieu et de son Eglise, il ne suffit pas de raconter les massacres des Carmes et de consacrer quelques lignes à la déportation des prêtres à l'île de Ré, à l'île d'Oléron ou à la Guyane; il faut entrer clans le vif de la persécution, dans les détails circonstanciés des meurtres, des incarcé- rations, des pillages ; nommer les lieux précis, les théâtres de ces atrocités; signaler le courage, rîntrépîdité des victimes, la foi héroïque des martyrs. L a vie d'un homme ne saurait suffire à une telle tâche; besoin est donc que l'histoire locale précède ici l'histoire générale. C'est pourquoi l'on ne saurait trop encourager les écrivains qui, dans plusieurs de nos diocèses, ont entrepris de suivre pas à pas nos glorieux martyrs, de recuçillir un à un, dans chaque paroisse, les faits et les sou- venirs de cette terrible époque. Quand ces mono- graphies seront terminées ; quand, d'autre part, rhistoire de tous les tribunaux révolutionnaires, des commissions militaires et des représentants du peuple en mission aura été patiemment et longuement écrite, alors* seulement on pourra songer à faire une histoire sincère et complète de la Révolution française. Alors seulement, après cet admirable Taine, Tacite pourra venir. Grâce à Dieu, en ce qui touche plus particuliè- AVANT-PROPOS 3 Gonleau (Morbihan), i5 octobre 1900. rement la persécution religieuse, l'œuvre à faire est aujourd'hui en bonne voie. Nombreuses déjà sont les monographies qui permettront de rassem- bler tous les traits du tableau. En attendant la toile du Maître, les modestes esquisses qui vont suivre ne seront peut-être pas sans intérêt pour le lecteur. I Les Evêques pendant la Révolution (i) LEXIS de Tocqueville, qui n'était pas sus- pect de partialité à l'endroit de l'ancien régime, juge en ces termes l'ancien clergé de France : « Je ne sais si, à tout prendre et malgré les vices de quelques-uns de ses membres, il y eut jamais dans le monde un clergé plus remarquable que le clergé catholique de France, au moment où la Révolution l'a surpris, plus éclairé, plus national, moins retranché dans les seules vertus privées, mieux pourvu de vertus publiques et, en même temps, de plus de foi... J'ai commencé l'étude de l'ancienne société plein de préjugés contre lui ; j'en suis sorti plein de respect (2). » M. Taine, qui cite ces lignes (1) Les Evêques pendant la Révolution, par l'abbé Augustin Sicard, curé de Saint-Médard. Un volume in-80. Victor Lecoffre, éditeur, rue Bonaparte 90. — 1894. , (2) L'Ancien Régime et la Révolution, p, 169. 6 LES ÉVÊQUES dans son ouvrage sur la Révolution, les fait suivre de cette appréciation : « Mon jugement, fondé sur l'étude des textes, coïncide ici, comme ailleurs, avec celui de M. de Tocqueville. Les documents, trop nombreux pour être cités, se trouvent surtout dans les biographies et histoires locales (i). » Ces documents si nombreux, ces extraits des , bio- graphies et des histoires locales, c'est justement ce. que M. l'abbé Sicard nous a donné dans son pre- mier volume, les Evêques avant la Révolution. Son étude a été aussi étendue, aussi approfondie que possible, beaucoup plus complète que celle à laquelle avaient pu se livrer Alexis de Tocqueville etM. Taine. Il est arrivé aux mêmes conclusions : dans son livre, d'une sincérité absolue, fautes et mérites sont éga- lement rappelés ; l'auteur a dit la vérité tout entière, et cette fois encore l'Eglise n'avait qu'à y gagner. Aujourd'hui M. l'abbé Sicard nous montre les evê- ques en face de la Révolution. Il nous dit comment ils ont traversé cette crise effroyable, dans laquelle parut sombrer avec la royauté nationale, avec la for- tune, la situation sociale et politique de l'Eglise de France, l'unité religieuse elle-même. I Les évêques n'avaient pas attendu la Révolution pour favoriser, dans leurs villes, dans leurs provinces, (i) La Révolution, tome III, p. 140. PENDANT LA RÉVOLUTION 7 les progrès rêvés par les économistes. Ils avaient pré- sidé, avec une ardeur et une compétence singulières* les assemblées provinciales créées par Necker et par Calonne. Ils avaient défendu ces institutions contre la jalousie des intendants et ils y avaient fait entendre le langage de la liberté. A mesure qu'on approche de 1789, l'attitude du clergé s'accentue, son ton s'élève, et son cœur bat de plus en plus avec celui de la nation. La dernière assemblée de l'Eglise de France fut tenue à Paris en mai 1788. Sollicité par deux commis- saires royaux, le baron de Breteuil, secrétaire d'Etat, et Lambert, contrôleur général des finances, de four- nir des subsides pour l'année courante et pour Tannée suivante, le clergé décide, à la demande de Mgr de Thé- miries, évêque de Blois, de faire d'abord des remon- trances au roi sur la situation des affaires. « Lorsque le premier ordre de l'Etat, dit-il, se trouve le seul qui puisse élever la voix, que le cri public le sollicite de porter les vœux de tous les autres au pied de votre Trône, que l'intérêt national et son zèle pour votre service le commandent, il n'est plus glorieux de par- ler : il est honteux de se taire. Notre silence serait un des crimes dont la nation et la postérité ne voudraient jamais nous absoudre. » Puis il dénonce le mal, il indique le remède, qui est la convocation des Etats- généraux. « Que ces.assemblées, s'écrie-t-il, seraient utiles, si elles pouvaient être rapprochées et périodi- ques! » Ce qu'il faut, ce n'est pas un régime bâtard où la nation ne serait assemblée que lorsqu'on a besoin 8 (ES ÉVÉQUES d'elle- « r pour lui annoncer de grands maux et lui demander des remèdes, » c'est un régime constitu- tionnel qui garantisse à la nation le droit de voter l'impôt et la faculté d'exercer sur la gestion des affai-i res un contrôle permanent : « Donner un consente- ment libre sur les subsides et faire des remontrances, plaintes et doléances sur les autres objets : tel est le testament des ancêtres de vos sujets, lequel est gravé dans tous nos monuments. » Ce n'est pas que le clergé ne soit tout dévoue à la vieille monarchie : « Nous sommes Français, Sire, et nous sommes monarchi- ques ; nous ne connaissons pas de plus beaux titres,, et Tamour pour nos rois est le premier de nos senti- ments. » Mais les évoques ont mission de défendre l'intérêt des peuples : « Nos fonctions sont sacrées lorsque nous montons à l'autel pour faire descendre les bénédictions célestes sur les rois et sur leurs royaumes ; elles le sont encore lorsque, après avoir annoncé aux peuples leurs devoirs, nous leur repré- sentons leurs droits... » Il faut donc que le roi rétablisse l'usage des Etats généraux : « La restauration de l'or- dre et de la paix rend ce bienfait nécessaire; plus il sera prompt, plus il sera utile; plus tôt vous serez proclamé bienfaiteur des générations présentes et futures, plus tôt vous recevrez l'entier dévouement de votre peuple, (i) » (i) M A V I D A L . Archives parlementaires i tome I, p. 373 et suiv. — Voir aussi, dans la Revue des questions historiques du I e r juil- let 1890, la remarquable étude sur la Contribution du clergé à Vimpôt sous la monarchie française par l'abbé L. B O U R G A I N , professeur à la Faculté .catholique des lettres à Angers. PENDANT LA RÉVOLUTION g ( i ) BOURGAIN, loC. Cit. M. l'abbé Sicard signale bien ces remontrances de l'assemblée du clergé de 1788, mais en passant et sans s'y arrêter. Il me semble bien, pourtant, que ce docu- ment a ici une importance capitale, et c'est pourquoi uploads/Religion/ le-clerge-de-france-pendant-la-revolution-000000736.pdf
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Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Mai 11, 2022
- Catégorie Religion
- Langue French
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