LE CODE SECRET DU TAROT DE MARSEILLE Les clefs de l’ésotérisme des bâtisseurs d
LE CODE SECRET DU TAROT DE MARSEILLE Les clefs de l’ésotérisme des bâtisseurs de cathédrales Les Arcanes majeurs par Rom Marc O. Rainville À mon cher fils, le Valet d’Épée 2 Et malheur à ceux qui appellent une pierre du pain et du pain une pierre, prenant ainsi la lumière pour les ténèbres et les ténèbres pour la lumière. Saint Bernard, sermon 97 On ne sait plus qui est qui ni qui fait quoi, on marche en plein jour dans les ténèbres. Quand tout se retourne et que le mal devient le bien, le bien peut aussi devenir le mal… Dans ce travers du renversement qui est le signe de la Bête. Catherine Rihoit, La chambre de feu 3 INITIUM Loué soit Notre Créateur qui a établi toutes les choses en nombre, poids et mesures. Saint Augustin Les mots sont les vêtements de l’Invisible. Denys L’Aréopagite Au Moyen Âge, toute forme est le vêtement d’une pensée. Émile Mâle C’est à Hérodote que nous devons le récit de la révolte des Grecs contre l’envahisseur perse. Cette révolte aurait été initiée par la transmission d’un message inscrit sur le crâne rasé d’un messager grec. Celui-ci attendit que ses cheveux repoussent puis s’en alla contacter les insurgés en territoire occupé. Il lui suffit alors de se raser la tête et de l’abaisser vers le chef de la résistance. La vitesse de transmission ne semble pas avoir été un facteur prépondérant dans le choix du procédé ! On a fait de même avec le Tarot. Ce jeu de cartes d’apparence anodine est le véhicule d’une somme d’informations considérable. Ainsi dissimulés pourtant, ses différents rouages narguent les analystes depuis des siècles. D’après l’historien Mircea Eliade, le procédé n’est pas nouveau : il s’agit d’un «(…) processus dialectique bien connu dans l’histoire des religions : l’épiphanie du sacré dans un objet profane constitue en même temps un camouflage ; car le sacré n’est pas évident pour tous ceux qui approchent l’objet dans lequel il s’est manifesté.»1 On cache, on dissimule, afin de révéler. Dans le cas du Tarot, les avis divergent à savoir s’il y a vraiment des éléments qui y sont cachés. Et si c’est le cas, pour quelles raisons on les aurait dissimulés. Cet essai va tenter de répondre à ces questions. Le goût de la dissimulation et du mystère est profondément inscrit dans la nature humaine. Le plaisir n’est pas absent du processus. Le Tarot est un jeu. Personne ne se doutait au moment où il a fait surface pendant la Renaissance qu’il pouvait être autre chose qu’un divertissement pour les élites ou un amusement pour les masses. Ce n’est que depuis deux siècles que l’on se doute qu’il y a anguille sous roche. Toutefois, la cryptographie prenant le relais de la stéganographie2, le message est resté voilé. 1 Mircea Eliade, Histoire des croyances et des idées religieuses, Tome II, p. 344 2 La stéganographie est l’art de transmettre un message secret sous une forme qui n’attire pas l’attention. 4 Nombreux sont ceux qui se sont penchés sur le Tarot dans l’espoir d’en décrypter les mystères. En vain. Pour utiliser l’expression consacrée, son mode d’emploi ne nous est pas parvenu. Du fantastique délirant au rationalisme exacerbé, les interprétations les plus extravagantes n’ont fait qu’ajouter au camouflage du Tarot. De notre côté, nous n'étions pas nécessairement mieux logé. Nous soupçonnions toutefois que le travail avec ou sur le Tarot devait être au nombre des exercices spirituels de ses premiers utilisateurs. Ce qui commença clairement à nous apparaître, c’est que cet ensemble illustré avait été conçu à l’origine comme un oracle permettant de prendre connaissance de la volonté divine. C’est que le mot Tarot lui-même est une forme codée et fort simple du terme oracle. Ce mot nous vient du latin, oraculum. Il signifiait, au XIIe siècle, lieu sacré. Ainsi donc, le Tarot fut à l’origine et dans l’esprit de ses concepteurs un autre de ces médiateurs donnant accès à un lieu, un endroit virtuel - pour employer une tournure contemporaine- où on se retrouverait en présence de la lumière divine. Plus tard, au XIVe siècle, le mot oracle en vint à signifier la parole de Dieu elle même telle qu’on pouvait l’entendre ou la lire à travers le message des apôtres ou des prophètes. Une piste conduisant vers des religieux se précisait. Nous étions de plus en plus convaincu d’être en présence ici d’une Échelle de Jacob servant à se rapprocher des Cieux. Dans l’esprit de ses concepteurs, les degrés de cette échelle devaient également servir de pont vers les abîmes infernaux, la divination au Moyen Âge étant souvent définie comme un commerce avec les démons. Le contenu sulfureux d’un des niveaux de lecture du Tarot est tout à fait instructif à cet égard. Comme on le verra, cette descente initiatique aux Enfers pourrait bien avoir été la condition sine qua non de l’accès à la divination. Ce qui est probable toutefois, en ce qui concerne la période historique qui va nous occuper, c’est qu’une telle initiation de l’adepte ou de l’élu lui était présentée, dans un cadre élargi de sa foi chrétienne, comme sa participation à une quête collective du salut de son âme individuelle et de celle de l’humanité, l’anima mundi. Cette quête sotériologique est également celle de l’adepte de l’Alchimie européenne naissante. L’utilisateur du Tarot ne pouvait donc être à l’origine qu’alchimiste et/ou membre d’un ordre religieux, la formation classique menant à une telle quête ne se donnant que dans les écoles religieuses et les monastères. Il est plus difficile de suivre à la trace les alchimistes. Sans écarter cette piste, nous allons nous concentrer sur celle des moines. S’ils faisaient du fromage, des liqueurs et de la bière, ces hommes de Dieu, si connus pour leurs recettes secrètes alambiquées, étaient fort capables d’inventer un recueil d’images comme le Tarot. C’est en tous cas la thèse qui sera défendue tout au long de cet essai. Le fil conducteur qui nous guidera à travers cette entreprise sera justement que le Tarot est la création de religieux. Leur dessein paraîtra peut-être parfois difficile à comprendre. Nous nous apercevrons souvent que certains des thèmes traités à l’intérieur d’une même image renvoient à des visons différentes et parfois contradictoires. C’est ce que font de manière plus ou moins harmonieuses les théologiens et les fabricants d’images du Moyen Âge, en combinant contradictions et chevauchements. On pourra par exemple reconnaître sur le même dessin, ici une figure de roi et celle du Christ, là celles d’un saint et d’un homme du commun. 5 • • • Malgré sa complexité, nous croyons qu’avec une bonne dose de foi et d’enthousiasme, on peut encore faire parler aujourd’hui ce que d’aucuns appellent parfois un livre muet. Pour bien l’entendre cependant, il faut faire l’effort de se replonger dans le contexte qui l’a vu naître. Un apprentissage théorique des contenus du Tarot est possible pour celui ou celle qui cherche à éduquer son ignorance3, à étayer ses intuitions. En apparence ce jeu de cartes d’origine médiévale reproduit un ensemble de 78 miniatures numérotées et/ou titrées. «L’art du Moyen Âge est d’abord une écriture sacrée dont tout artiste doit apprendre les éléments.»4 L’image médiévale avait trois fonctions : enseigner, remettre en mémoire, émouvoir. On lui reconnaît aussi la faculté de mettre l’observateur en contact avec le prototype qu’elle représente. Le transitus est le nom donné à cette fonction, une notion néoplatonicienne empruntée par Thomas d'Aquin au Pseudo-Denys L’Aréopagite. L’inscription du nom du prototype sur l’image signait cette relation. Notons que les classes populaires orientales croyaient au pouvoir des images, celui attribué aux reliques notamment. Contrairement à ce qui se passe en Orient, où la vénération des icônes est un article de foi depuis le deuxième Concile de Nicée en 787, on ne peut parler de culte de l’image en France ou dans l’Église occidentale du Moyen Âge. Le populaire a un accès restreint à ces représentations figurées. Certains artefacts sont illustrés. À mesure qu’on avance dans le temps, le pouvoir des images - et celui des artistes - se renforce. On n’a qu’à penser aux fresques et mosaïques murales des églises, vitraux, icônes portatives, enluminures de manuscrits, retables d’autels, ostensoirs, images de dévotion, etc. L’imagerie est religieuse et renvoie de façon typiquement néoplatonicienne à la réalité invisible dont elle est la représentation. L’imagerie profane existe elle aussi que ce soit dans les manuscrits médicaux, astronomiques et historiques ou dans les portraits, paysages et natures mortes. Nous avons parlé plus haut de l’expression livre muet pour décrire le jeu. On peut également emprunter une autre image. Nous croyons que l’esprit qui animait les créateurs du Tarot est le même que celui que l’on tentait d’insuffler dans ces traités pédagogiques ou ces encyclopédies populaires appelés Spéculum, en français, Miroir. Leurs auteurs souhaitaient édifier les princes et le peuple. Nous avons l’occasion de rencontrer dans le Tarot un miroir fort particulier, celui que tient la Reine de Denier. Mentionnons qu’au XIIe siècle, le mot miroir s’épelle miroer ou mireor. Dans les deux cas nous avons uploads/Religion/ le-code-secret-du-tarot-de-marseille.pdf
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Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Aoû 30, 2022
- Catégorie Religion
- Langue French
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