N° 23. aoct 1921. LA YIE SPIRITUELLE REVUE MENSUELLE Le septième centenaire de

N° 23. aoct 1921. LA YIE SPIRITUELLE REVUE MENSUELLE Le septième centenaire de la mort de saint Dominique (1221-1921) Le 4 août 1921 amène le septième centenaire de la mort de saint Dominique, et l'on s'apprête en bien des endroits à célé- brer cette date comme il conyient. La Vie spirituelle n'a pas cru pouvoir demeurer indifférente à cette solennité. Outre que bon nombre de ses collaborateurs sont fils du grand Patriar- che, le but qu'elle poursuit lui fait un devoir d'honorer un saint qui a créé dans l'Église un puissant courant de spiritua- lité. Une grande famille religieuse vit de l'esprit de saint Dominique. Tout une école mystique se réclame de lui. Il nous a paru que nos amis ne nous reprocheraient pas de faire connaître rapidement, à l'occasion de ce centenaire, cette « ancienne école mystique dominicaine, si grave, si noble, d'une spiritualité intellectuelle et mâle (1) ». Tant de chrétiens dans les siècles passés se sont inspirés, et aujour- d'hui encore tant s'inspirent de son esprit, qu'il est utile de connaître sur quels principes elle s'appuie. En tout cas, on nous pardonnera de nous être laissé entraîner par la piété filiale, en une occasion qui ne se renouvellera pas de si tôt. (i) Chrlstus, Paris. Bcauchesne, 1916, p. u38. www.traditio-op.org Saint Dominique Sa physionomie physique et morale Les historiens modernes recueillent précieusement les moindres petits témoignages qui caractérisent la confor- mation physique, la stature, la figure des hommes émi- nents, héros ou saints. Malheureusement les anciens chro- niqueurs sont très parcimonieux de remarques ou de confidences à ce sujet. Nous possédons trop peu de données authentiques sur saint François d'Assise pour en composer une physionomie; nous savons seulement qu'il était petit, maigre et très brun. Nous sommes plus favorisés pour saint Dominique, et nous le devons au récit d'une femme. Ce que des fils ont négligé de remarquer ou de nous relater, une fille n'a pas omis de le faire. Sœur Cécile, heureusement inspirée par la tendresse de son affection, a contemplé saint Dominique et elle a pris soin de nous retracer les traits les plus caractéristiques de sa physionomie : les dimensions de sa stature, le teint de sa chevelure et de sa barbe, la forme de ses mains, le timbre de sa voix. La valeur de ce document est incomparable. Nous serions très heureux d'en posséder l'équivalent pour Jeanne d'Arc. Et soyons bien persuadés que Sœur Cécile, si elle a pu se tromper sur d'autres sujets, ne s'est pas méprise sur la physionomie — 3a3 — de son bienheureux Père, une fille est particulièrement compétente en cette matière. Voici donc ce portrait dont chaque détail est précis, significatif et mérite un examen minutieux : « Sa stature était médiocre, sa taille souple, son visage beau et un peu coloré par le sang, ses cheveux et sa barbe d'un blond légèrement doré (modicum rubei), ses yeux beaux. Il émanait de son front et de ses cils une certaine splendeur radieuse qui attirait l'affection et la vénération de tous. 11 apparaissait toujours joyeux et souriant, sauf quand il était mû à compassion par quelque affliction du prochain. Il avait les mains longues et belles, une grande voix noble et sonore. Il ne fut point chauve, il portait la couronne religieuse tout entière semée de rares cheveux blancs (i). » (i) Relation de Sœur Cécile, n'ii Nous avons suivi presque littéra- lement la belle traduction du P. Lacordaire, Vie de saint Dominique, •j° éd., p. 193. Voir aussi Thierrt d'Apolda, Hist. de saint Dominique, ch. xvm, De exteriori forma et disposilione corporis viri sancti. L'auteur a copié la relation de Sœur Cécile, comme d'ailleurs les écrivains pos- térieurs. Les principaux documents concernant saint Dominique, sans entrer dans une énumération détaillée, sont : Jourdain de Saxe, De l'origine des Frères Prêcheurs, Lettre encyclique; Humbertde Romans, Chronique de l'Ordre des Prêcheurs ; les Actes de Bologne et de Toulouse ; la Relation de Sœur Cécile; Thierry d'Apolda, Histoire de la vie el des miracles de saint Dominique, etc., etc.. La biographie du saint la plus exacte est celle de M. Jean Guiraud dans la collection « Les Saints ». L'ouvrage du P. Lacordaire a, il est vrai, vieilli sur plusieurs points ; les recherches historiques sur le XIIP siècle ont creusé, labouré en tous sens et renouvelé la matière; mais il n'en demeure pas moins que le P. Lacordaire, par ses dons littéraires, et aussi par des intuitions procédant de son génie, de sa vocation, de ses expériences religieuses, de ses affinités avec saint Dominique, a pu écrire sur le fondateur des Prêcheurs des pages non seulement ravis- santes, mais encore profondément et essentiellement exactes. Nous avons surtout utilisé pour cette petite étude les Bollandistes et le très remarquable travail des PP. Balme et Lei.aidier, Cartulaire on his- toire diplomatique de saint Dominique. Il importe de ne pas se donner dès l'abord de saint Dominique une représentation erronée. Les documents l'appellent un héraut, un athlète du Seigneur; ce serait — 3a4 — La plupart des peintres ont conçu et représenté saint Dominique selon le type brun, c'est une erreur. L'affir- mation de Sœur Cécile est formelle et doit faire loi, le bien- heureux était très blond, d'un blond fauve. Et cette parti- cularité nous étonnera moins lorsque nous saurons que ses aïeux appartenaient à la race gothique. Rien de plus fré- quent dans la famille des Guzman que les prénoms gothiques, Ruodric, Froïla, Gotrunda, Geloïra. Dominique de Guzman descendait en ligne directe de cette aristocratie héroïque qui avait défendu l'Espagne chrétienne contre les entreprises des Maures, et dont le Gid Campeador est demeuré le type le plus célèbre et le plus légendaire. Le tombeau du Cid se vénérait à Burgos non loin de Calaruega, ville où naquit le saint en 1 170. Il appartient donc par ses origines à la race conquérante. Seulement des siècles de domination chevaleresque et de civilisation chrétienne et latine ont amenuisé et intellectualisé la race. Saint Domi- nique, pour être blond, n'est pas un homme du Nord aux formes hautes et massives, à la figure pâle, osseuse et tour- mentée, au parler lent; il est plutôt petit que grand, souple et très svelte, plus robuste qu'on ne pourrait le supposer; légèrement sanguin, il a le teint rosé ; tout en lui est vif. Par-dessus tout il possède une figure claire, accorte, lumineuse (1). Par nature, par naissance, Dominique de Guzman était donc noblement et richement doué, mais il perfectionna ces dons par de longues études, par l'acquisition de toutes les vertus chrétiennes. Quand on entreprend l'étude de saint Dominique, on s'attend à rencontrer un apôtre zélé et miséricordieux ; mais à mesure qu'on pénètre plus avant un contre-sens d'en déduire que le saint était doué de formes athléti- ques. Qu'on se figure donc un homme de taille moyenne, harmonieu- sement constitué, souple, appartenant à cette race blonde du Midi dont il existe encore actuellement dans le sud de la France et le nord de l'Espagne de si beaux exemplaires. (1) Jourdain de Saxe a, lui aussi, noté cette luminosité du visage de saint Dominique : « Quia cor gaudens exhilarat faciem, Multa in ejus facie semper elucebat hilaritas... » Acta S., p. 556. — 3a5 — dan» son intimité, on s'étonne de découvrir successive- ment un véritable savant, un héros chevaleresque, un administrateur averti, un mystique, un thaumaturge, un saint; et toutes ces qualités différentes ne sont, comme les multiples faces d'un prisme, que les aspects divers d'une personnalité unique en son fond et d'une simplicité trans- parente. Plusieurs chapitres ne suffiraient pas à présenter sous leur meilleur jour les principales qualités et vertus de notre bienheureux Père. Nous nous bornerons dans cet article à considérer en lui le savant, l'homme d'action et le saint. Si l'on excepte la prière, qui n'est pas précisément un emploi de nos facultés, on pourra dire que la principale et presque l'unique occupation de saint Dominique jusqu'au seuil de l'âge mûr a été l'étude. Dès l'âge de sept ans, il fut confié par sa mère, la bienheureuse Jeanne d'Aza, à son oncle, archiprêtre de Gumiel d'Izan. 11 y apprit avec la langue latine les premiers rudiments du savoir. Dans le presbytère, l'enfant mena durant quelques années une exis- tence régulière et studieuse. Il fréquenta sans doute l'école voisine du monastère de la Vigne dont l'abbé, Garcia d'Aza, était également son oncle. Les progrès de Dominique furent si rapides qu'au début de sa quinzième année il possédait déjà, en grammaire, en histoire, en latin et dans les sciences, à peu près tout ce que ses oncles étaient capables de lui enseigner. Ceux-ci obtinrent de le faire agréger à l'université de Palencia. Dans cette ville le noble adolescent, loin de s'adonner aux plaisirs de la vie d'étu- diant, se plongea dans les études logiques, littéraires et philosophiques. Les premiers biographes ont célébré à l'en- vi en termes fleuris la studiosité de Dominique. « En lui la beauté de la jeunesse était rehaussée par la maturité du vieillard. La divine parole était uploads/Religion/ saint-dominique-fr-l-petitot-op.pdf

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  • Publié le Nov 11, 2021
  • Catégorie Religion
  • Langue French
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