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Cet article est disponible en ligne à l’adresse : http://www.cairn.info/article.php?ID_REVUE=RSR&ID_NUMPUBLIE=RSR_061&ID_ARTICLE=RSR_061_0053 Herméneutique et vérité. Des énoncés dogmatiques en contexte œcuménique. Démarches catholiques actuelles par Hervé LEGRAND OP | Centre Sèvres | Recherches de science religieuse 2006/1 - Tome 94 ISSN 0034-1258 | pages 53 à 76 Pour citer cet article : — Legrand op H., Herméneutique et vérité. Des énoncés dogmatiques en contexte œcuménique. Démarches catholiques actuelles, Recherches de science religieuse 2006/1, Tome 94, p. 53-76. Distribution électronique Cairn pour Centre Sèvres. © Centre Sèvres. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. HERMÉNEUTIQUE ET VÉRITÉ. DES ÉNONCÉS DOGMATIQUES EN CONTEXTE ŒCUMÉNIQUE Démarches catholiques actuelles Hervé LEGRAND op Institut Catholique de Paris L e renouveau d’intérêt, parmi les catholiques, pour la réflexion sur le phénomène de la dogmatisation est aisément compréhensible. Cer- tes, le choc que fut, à l’époque moderniste, la prise de conscience de la réelle historicité des dogmes, s’est atténué. Des herméneutiques instau- ratrices, développées dans de grandes œuvres comme celles de Gadamer et de Ricœur, ont été bénéfiques pour l’interprétation du fait religieux ; mais moins pour celle des dogmes, trop liés au destin de la raison spéculative. Déjà miné par l’historicisation, le statut des dogmes subit désormais une érosion provenant des différentes sociologies de la connaissance et, plus encore, du « tournant linguistique » de la philoso- phie 1. L’œcuméniste catholique ne peut ignorer ces questionnements relatifs à la genèse, à la portée et aux fonctions des dogmes, mais il ne les prend pas en charge directement 2. Sa tâche est de participer à la guérison des ruptures survenues dans la communion ecclésiale ; elle le met au contact 1. Bien que datant de plus de vingt ans, on trouvera une très bonne illustration des conséquences du linguistic turn pour la théologie dans la réflexion de G. LINDBECK, The Nature of Doctrine. Religion and Theology in a Postliberal Age, West- minster Press, Philadelphia, 1984, récemment traduite en français : La nature des doctrines. Religion et théologie à l’âge du post-libéralisme, Van Dieren, Paris, 2003. Pour une large discussion, œcuménique, de sa pensée, on pourra se référer en français à M. BOSS, G. EMERY et P. GISEL (éd.), Postlibéralisme ? La théologie de George Lindbeck et sa réception, Labor et Fides, Genève, 2004. 2. Habituellement il se sentira conforté par des mises au point classiques de spécialistes de théologie fondamentale et d’histoire des dogmes, comme celles de K. RAHNER et K. LEHMANN, Mysterium Salutis t. 3, Éditions du Cerf, Paris, 1969, pp. 183-283. RSR 94/1 (2006) 53-76 des dogmes tels qu’ils furent formulés. Avec leurs anathèmes récipro- ques, ils ont jadis cristallisé les ruptures de communion et les justifient encore aujourd’hui. Il doit donc montrer ou bien que ces anathèmes 3 ne touchaient pas le partenaire visé à l’époque, ou ne le touchent plus, tel qu’il est devenu aujourd’hui. Aussi recourt-il habituellement à une her- méneutique bien classique, d’ordre historique et systématique, sans se confronter directement aux questions de la « post-modernité ». Néanmoins, même dans ces limites, la démarche œcuménique peut avoir un réel intérêt réflexif. Dans un paysage caractérisé par la surabon- dance des théories de l’interprétation et par la misère de sa pratique, elle est dans l’obligation d’interpréter. Elle ne peut aboutir sans mettre en évidence la légitimité d’une pluralité théologique, et sans légitimer, par là même, une certaine relativité des constructions conceptuelles. Elle doit donc démontrer que pluralité et relativité sont compatibles avec l’inté- grité de la foi, et même que cette dernière les exige. Quand la frontière entre relativité et relativisme, entre pluralité et pluralisme apparaît fragile à beaucoup, un consensus œcuménique doit relever ce défi. S’il y aboutit de façon répétée, il pourra introduire une action en appel dans le procès de dogmatisme fait au dogme. Dans le difficile débat épistémologique actuel sur la dogmatisation et sur l’interprétation des dogmes, ce bref essai s’abstiendra d’ajouter aux théorisations existantes, préférant se référer à des interprétations en cours, privilégiant l’une d’entre elles comme étude de cas, non sans prendre acte de l’antinomie, souvent vivement perçue, entre la logique œcuménique, si tard venue à la conscience catholique, et la logique dogmatique qui a dominé presque toute l’histoire du christianisme d’Orient et d’Occident. 3. On ne peut définir ici le sens variable du mot anathème dans le langage conciliaire. Signalons du moins qu’il est admis que la présence d’un anathème n’équivaut pas à celle d’une hérésie, par exemple dans un concile moderne comme Trente. 54 H. LEGRAND I. Épistémologiquement antagoniste de la logique dogmatique, la logique œcuménique permet de prendre en charge la vérité avec plus de justesse, et d’arriver à des consensus différenciés 1.1. Par son ouverture très récente à l’œcuménisme, l’Église catholique reconnaît le besoin qu’elle a des autres chrétiens pour approfondir sa propre foi L’attitude œcuménique qui va de soi, actuellement, est bien récente dans l’Église catholique. Au milieu du XXe siècle encore, aux applaudis- sements presque unanimes des fidèles, le pape Pie XII proclamait solen- nellement l’Assomption de Marie comme « dogme divinement révé- lé », [ajoutant :] « par conséquent, que si quelqu’un, ce qu’à Dieu ne plaise, osait volontairement mettre en doute ce qui a été défini par Nous, qu’il sache qu’il a totalement abandonné la foi divine et catholique » 4. En contraste, à peine dix ans plus tard, Vatican II se refusait à toute condamnation doctrinale, espérant ainsi contribuer à l’unité des chré- tiens divisés 5. Relativement brusque et radical, — et contraire à la mé- thode de tous les conciles précédents —, ce changement de logique est pourtant légitimé au plus haut niveau ; « l’ouverture » fut saluée avec enthousiasme par l’opinion publique, et acceptée presque sans réserve par les fidèles. Si la convocation de Vatican II n’avait pas été prévue, la « conversion » de l’Église catholique à l’œcuménisme l’avait été encore moins. A la mort de Pie XII, en 1958, l’œcuménisme ne préoccupait qu’une petite élite théologique francophone et germanophone 6. Ce pape en était resté aux refus de Pie XI dénonçant les « panchrétiens » dans l’encyclique Morta- lium animos (1928), y expliquant pourquoi ni les catholiques, ni a fortiori le Saint Siège, ne pouvaient « sous aucun prétexte » participer à leur action. Dans « le retour des dissidents à la seule et véritable Église », dans son état actuel 7, résidait la solution du problème 8. Fidèle à Pie XI, Pie 4. DENZINGER-HÜNERMANN (désormais DH) 3903-3094. 5. L’Osservatore romano des 26-27 janvier 1959 rapporte comme suit les paroles de Jean XXIII : « Le concile n’a pas seulement pour but le bien du peuple chrétien [...] il veut être aussi une invitation aux communautés séparées pour la recherche de l’Unité ». 6. Cf. pour la francophonie, la remarquable histoire d’E. FOUILLOUX, Les catholi- ques et l’unité chrétienne du XIXe au XXe siècle. Itinéraires européens d’expression française. Le Centurion, Paris, 1982. 7. DC 19, 1928, 202 : « [...] le retour des dissidents à la seule et véritable Église du Christ, qu’ils ont eu jadis le malheur d’abandonner. Le retour, disons-Nous, à la seule et véritable Église du Christ, comme telle et bien visible à tous les regards ». HERMÉNEUTIQUE ET VÉRITÉ DES ÉNONCÉS DOGMATIQUES 55 XII confirme l’interdiction faite « aux laïcs comme aux clercs tant régu- liers que séculiers » d’assister « aux réunions que l’on appelle œcuméni- ques [...] sans le consentement préalable du Saint-Siège » 9. Quant au fond, son encyclique Humani Generis (1950) rappelle : « Le Corps mysti- que du Christ et l’Église catholique romaine sont une seule et même réalité » 10. Encore en 1962, en son article 7, le premier schéma de Vatican II sur l’Église énonce avec la même intransigeance : « L’Église catholique est le Corps mystique du Christ [...] seule celle qui est catho- lique romaine a le droit d’être appelée Église » 11. Pourtant dès 1964, l’introduction du Décret sur l’œcuménisme prend acte du fait que Sous l’action de l’Esprit Saint est né un mouvement qui s’amplifie également de jour en jour chez nos frères séparés en vue de rétablir l’unité de tous les chrétiens ; [de plus] le Maître des siècles qui poursuit son dessein de grâce avec sagesse et patience à l’égard des pécheurs que nous sommes, a commencé, en ces derniers temps, de répandre plus abondam- ment sur les chrétiens divisés entre eux, l’esprit de repentir et le désir de l’union, (alors que notre division) est pour le monde un objet de scandale et fait obstacle à la plus uploads/Religion/ legrand-hermeneutique-et-verite-rsr.pdf
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- Publié le Dec 30, 2022
- Catégorie Religion
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