Rives méditerranéennes 10 | 2002 Religion, secte et pouvoir L'Eglise catholique

Rives méditerranéennes 10 | 2002 Religion, secte et pouvoir L'Eglise catholique et les sectes à la fin du XXe siècle Marcel Bernos Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/rives/1 DOI : 10.4000/rives.1 ISBN : 978-2-8218-0018-2 ISSN : 2119-4696 Éditeur TELEMME - UMR 6570 Édition imprimée Date de publication : 10 février 2002 Pagination : 69-82 ISSN : 2103-4001 Référence électronique Marcel Bernos, « L'Eglise catholique et les sectes à la fin du XXe siècle », Rives nord-méditerranéennes [En ligne], 10 | 2002, mis en ligne le 21 juillet 2005, consulté le 19 avril 2019. URL : http:// journals.openedition.org/rives/1 ; DOI : 10.4000/rives.1 Ce document a été généré automatiquement le 19 avril 2019. © Tous droits réservés L'Eglise catholique et les sectes à la fin du XXe siècle Marcel Bernos Ceci n'est pas une communication originale, mais le simple compte rendu commenté d'un texte officiel, tendant à pallier une lacune du programme. L'ouvrage de référence est un document émanant conjointement du Secrétariat pour l'unité des chrétiens, du Secrétariat pour les non-croyants et du Conseil pontifical pour la culture. Il a été préparé par un questionnaire envoyé aux conférences épiscopales et aux organismes similaires dans le but de réunir des informations concrètes et différenciées selon les pays destinataires. Certaines des 75 réponses, reçues jusqu'au 30 octobre 1985, étaient accompagnées d'une documentation complémentaire : lettres pastorales, brochures, articles, études. Intitulé Le phénomène des sectes ou nouveaux mouvements religieux, défi pastoral1, ce document était destiné à donner une première image générale (p. 9-39); il a été rendu public le 3 mai 1986 et était voué à être complété. Apparemment2, il ne semble pas qu'il y ait de document important plus récent. Celui-ci est accompagné, dans sa publication au Seuil, par deux études de Jean Vernette, délégué de l'épiscopat à la question des sectes : Le foisonnement des sectes aujourd'hui en France (p. 41-71), et Quelques questions pertinentes que l'on se pose à propos des sectes (p. 73-81). L'ensemble est complété par une brève présentation de « 150 groupes religieux » (p. 83-106), tous n'étant pas considérés comme des sectes sensu stricto. L'intention et la portée du texte romain ne sont pas forcément purement théoriques; et sa date de parution n'est peut-être pas fortuite. Il faudrait une large étude circonstancielle pour mieux prendre en compte tous les facteurs qui ont conduit à sa publication et avancer plus que la timide hypothèse qui suit. Mais on peut citer au moins un élément patent. En Amérique latine où, si elle n'est plus dominante, l'Église catholique romaine reste une puissance politique et culturelle majoritaire, certains courants internes de cette Église, en particulier tout ce qui relève de la théologie de la libération, gênaient alors des gouvernements de droite et la politique de l'Amérique reaganienne. La plate-forme électorale du candidat à l'élection présidentielle des Etats- L'Eglise catholique et les sectes à la fin du XXe siècle Rives méditerranéennes, 10 | 2002 1 Unis en 1980 et 1984 s'opposait aux prêtres qui se servent de l'Église comme d'une arme politique contre la propriété privée et le capitalisme productif. 3Or les sectes puissantes et riches qui se répandaient, concurrençant le catholicisme, étaient essentiellement conservatrices et parfois liées à des groupes contre-révolutionnaires. Ajoutons qu'une partie du haut-clergé sud-américain, resté très conservateur… a préféré se taire devant le phénomène. Ce que disent des articles, peut-être militants, est conforté par deux courtes mais suggestives études parues dans l'Universalia4. L'emprise des sectes et leur influence sur des masses se retrouvent ailleurs, par exemple en Asie avec le moonisme, véritable multinationale, dont l'anticommunisme viscéral apparaît comme la principale, sinon l'unique vertu. Tous ceux qui ont répondu au questionnaire estiment que le phénomène sectaire est un sujet sérieux, certains le qualifient d'alarmant. Le « rapport intermédiaire » est divisé en 8 parties; nous nous attacherons principalement à la seconde : Raisons de l'extension de ces mouvements et groupes, et la troisième : Défi des sectes et approches pastorales. Le plan de la sixième : Questions pour les études et recherches ultérieures, présenterait l'intérêt pour un débat de montrer les orientations données par la hiérarchie catholique à la lutte antisecte. Commençons par quelques constats généraux d'analyse externe. 1° Le premier élément qui donne sa valeur à cette enquête est le caractère « universel » de son information. La question des sectes, en effet, se pose différemment en France (où elles étaient près de 300 en 1985, comptant pour la plupart peu d'adeptes), aux Etats- Unis (où tout mouvement dit « religieux » est exempté d'impôts, ce qui amène à la reconnaissance de fait de 3.000 « cultes »), au Brésil (où elles sont encore plus nombreuses); ou encore en Afrique ou dans le Sud-est asiatique (600 au Japon). Dans les zones non-européennes, l'influence des cultures locales pèse lourd. Il était souhaitable, pour Rome, de recourir à un large tour d'horizon afin de ne pas tirer des conclusions hâtives de renseignements trop topiques. 2° Seconde qualité : dans un ton mesuré, le rapport cherche des explications historiques, sociologiques, psychologiques, etc. aux comportements sectaires, sans condamnation a priori qui pourrait prendre une allure polémique et diminuer la crédibilité des analyses. Ce relatif irénisme a, nous le verrons, une autre explication. 3° Corollaire de la remarque précédente, les dicastères chargés de l'enquête 5procèdent à un examen lucide, sans masquer les erreurs ou les fautes du christianisme en général et de l'Église romaine en particulier dans l'explosion des sectes qui apparaissent d'abord comme protestation et réussissent habituellement là où la société ou l'Église n'ont pas réussi à répondre (aux) intentions ou désirs des personnes. La question préalable, délicate entre toutes et que rencontrent ceux qui se penchent sur le phénomène, telle, en France, la Commission d'enquête parlementaire, c'est la définition de ce que sont les sectes. Le mot, il est vrai est aujourd'hui marqué d'une connotation péjorative, désignant un mouvement séparatiste dont les adeptes se considèrent comme seuls détenteurs de la vérité à l'exclusion d'autres croyants. Henri Cazelles, auteur de cette définition, remarque que ni le grec airesis, ni le latin secta n'ont ce caractère6. Ces mots désignent des « groupes » particuliers (le terme est employé par exemple pour désigner les saduccéens ou les pharisiens), et l'auteur rappelle que les chrétiens, à leur origine, passaient auprès des romains pour une « secte juive »7. Quant au terme de nouveaux mouvements religieux, employé dans l'introduction du document romain, il est ambigu. Il risque de confondre les nouvelles expressions d'une religiosité qui se L'Eglise catholique et les sectes à la fin du XXe siècle Rives méditerranéennes, 10 | 2002 2 cherche hors des Églises, voire des croyances établies, et doivent être respectées au nom de la liberté religieuse, et le développement d'associations totalitaires et coercitives. Celles-ci, parfois numériquement et financièrement très puissantes, couvrent d'un prétexte religieux à la fois des activités économiques et/ou politiques plus ou moins clandestines et une main-mise sur les individus qui y adhèrent8. Elles peuvent donc constituer une menace pour la société. Ses adhérents sans savoir toujours à quoi ils se sont engagés s'exposent à voir leurs libertés les plus fondamentales bafouées. Le document romain (1.1) résume les comportements distinctifs communs à ces groupes : · ils sont le plus souvent autoritaires dans leur structure; · ils utilisent un certain lavage de cerveau et un contrôle mental; · ils entretiennent une contrainte collective et inspirent des sentiments de culpabilité et de peur, etc. Ces critères restent un peu imprécis et surtout incomplets. Ils ne tiennent pas compte de l'escroquerie financière qui accompagne souvent les pressions exercées sur les individus; ni les perturbations éventuellement apportées dans la vie publique, voire dans l'État. Ils sont moins probants que ceux avancés en janvier 1996 par le Rapport Guyard (Commission d'enquête parlementaire). Cherchant à établir des bases objectives, celui- ci a proposé une liste de dix critères qui permettent de mieux définir comme secte un mouvement à prétention « religieuse », lorsqu'il y a convergence de plusieurs d'entre eux. Cinq de ces critères pointent la mise en danger des personnes : · 1. déstabilisation mentale · 2. caractère exorbitant des exigences financières · 3. rupture induite avec l'environnement d'origine · 4. atteintes à l'intégrité physique · 5. embrigadement des enfants Cinq autres portent sur les atteintes à vie de la société : · 6. discours antisocial · 7. troubles à l'ordre public · 8. importance des démêlés judiciaires · 9. détournement des circuits économiques (travail clandestin, fraude fiscale) · 10. tentatives d'infiltration des pouvoirs publics L'Eglise catholique et les sectes à la fin du XXe siècle Rives méditerranéennes, 10 | 2002 3 Introduction Le document romain (1.1) propose un début de typologie en discriminant les sectes qui sont d'origine chrétienne, de celles qui proviennent d'autres religions ou d'un certain humanisme. Pour les premières, la difficulté supplémentaire consiste à distinguer entre sectes et Églises minoritaires ou mouvements légitimes à l'intérieur des Églises.9 L'esprit sectaire se traduirait par une attitude d'intolérance jointe à un prosélytisme agressif, mais il ne suffit pas à caractériser une « secte ». Il se rencontre dans certains groupes de fidèles à l'intérieur uploads/Religion/ rives-1.pdf

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  • Publié le Jui 18, 2021
  • Catégorie Religion
  • Langue French
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