Les sources de la spiritualité catholique selon Vatican II Lorsqu'on se préoccu
Les sources de la spiritualité catholique selon Vatican II Lorsqu'on se préoccupe aujourd'hui de vie spirituelle, on se heurte très vite à la question : où trouver un contenu, une orientation, une dynamique qui convienne à la spiritualité de notre temps ? Et comment tirer parti, pour la vie quotidienne du chrétien, des apports que fournis- sent les documents conciliaires ? On ne manquera pas de tomber d'ac- cord avec le Cardinal H. de Lubac lorsqu'il constate que, pour la plu- part des jeunes catholiques, l'événement du Concile Vatican II se perd dans « les brumes du passé » ; un observateur attentif pourrait certes reconnaître que sa vie en rut indubitablement affectée, mais il reste encore à mettre en pratique une bonne part des acquis conciliaires 1. Après avoir exposé dans un article précédent quels accents devraient caractériser une spiritualité inspirée par le dernier concile 2, il convient de montrer maintenant sur quelles bases une telle spiritualité repose et à quelles sources premières elle puise. I. — Les sources de la vie spirituelle Les Pères conciliaires recommandent aux membres des instituts reli- gieux, chrétiens engagés à suivre les conseils évangéliques, de cultiver « l'esprit d'oraison elle-même, puisant aux vraies sources de la spiritua- lité chrétienne » ; puis ils mentionnent celles-ci : la lecture quotidienne de l'Ecriture et sa méditation, les célébrations liturgiques et la réception de l'Eucharistie (Perfectae caritatis — PC, 6). C'est à l'Ecriture Sainte, à la liturgie, aux grands maîtres de la vie spirituelle, à la théologie de la spiritualité, qu'au cours de la discussion du Décret le Cardinal Dôpfner, archevêque de Munich, avait invité à revenir 3. 1. H. m. LUBAC, Entretien autour de Vatican II, Paris, France catholique/Cerf, 1985, p. 70, 106, 123 ; trad. allemande : 'Z'manzigjahrc danach. Ein Gesprach ubcr Buchstabe und Geist des Zweiten Vatikamxhen Konals, Mùnchcn-Zùrich-'Wien, Neuc Stadt, 1985, p. 69, 104, 121 s. 2. G. HOI.UTIK, Pour une spiritualité catholique selon Vatican]!, dans NRT107 (1985) 838- 852. 3. DmDieÀiaoril^^ImheiiGeyw^i^Ko^^Zuk^^K^mô^ MamdMi DiM. IL &&. T. HAMPI'. MOnchcn. KOwL 1967. D. 2761. SOURCES DE LA SPIRITUALITÉ CATHOLIQUE SELON VATICAN H 67 Parmi tous les exercices spirituels, la première place revient à celui par lequel « les chrétiens se nourrissent du Verbe de Dieu aux deux tables de la Bible et de l'Eucharistie » (Presbyterorum ordinis — PO, ï 8). Si cette remarque est formulée dans le Décret sur le ministère et la vie des prêtres, elle ne vaut pas seulement pour eux, de même qu'une indi- cation semblable dans le Décret sur la rénovation et l'adaptation de la vie religieuse ne s'applique pas seulement aux religieux mais vaut aussi à l'évidence pour les laïcs (cf. Dei Verbum — DV,2ï). En outre, dans les deux Décrets relatifs aux prêtres (Optatam totius — OT, 8 ; PO, 18) sont nommément désignés l'Office divin et les formes de piété recommandées par la Tradition, les temps de récollection et de retraite, l'examen de conscience quotidien, la direction spirituelle et la prière personnelle. Pour tous les fidèles la Constitution dogmatique sur la Révélation divine compte spécialement sur la méditation et l'étude, « l'intelligence intérieure qu'ils éprouvent des choses spirituelles », tout comme sur la prédication de l'Eglise ; l'Ecriture est considérée — à côté de la Tradition — comme la source principale de la vie spirituelle (DV, 8 ; 21). Si le Concile n'offre pas d'énoncé complet ni systématique des sour- ces où s'alimentera la vie spirituelle, on peut cependant, suivant l'esprit de Vatican II, en distinguer cinq principales : la lecture et l'étude de l'Ecriture, la méditation, la prière privée, la prière en communauté et la liturgie, la direction spirituelle. Cette énumération reflète en fin de compte l'expérience spirituelle vécue au cours des siècles. Elle remonte, au-delà de Thomas d'Aquin, pour qui la vie spirituelle repose sur la lecture, l'étude, la méditation et la prière (S. Th. IP IP6', q. 180, a. 3, ad 4), jusqu'à Guigues II, prieur de Chartreuse 4. A son tour, dans le ch. 3 de son Commentaire au 6e cha- pitre de l'évangile de Marc, Hugues de Saint-Victor cite comme occu- pations de la vie contemplative : la lecture (lectio), la méditation (medi- tatid), la prière Çoratio) et la contemplation mystique au sens strict (divina contemplatio) ; il faut y joindre la vie active consacrée au service du prochain (operatio) 5. 4. GUIGO n, « Scala paradisi » sive « Scala claustralium », xu tractatus de modo orandi et de vita contemplativa, dans PL 40, col. 997-1004 ; l'authenticité de cet écrit est contestée (cf. PL 153, col. 784). 5. HUGUES DE SAINT-VICTOR, Allegome in Evangelid, lib. III (In Marcum), dans PL 175, col. 805 ; l'authenticité de l'œuvre est discutée ; sur le thème en général, cf. G. HOLOTIK, Ansatze zu emer zeitgernassen Spiritualitat nach dem II. Vatikanum, Frankfurt-Bern-New 68 G. HOLOTIK Ce schème médiéval appelle, dans la perspective de Vatican II, le complément de l'aspect social liturgique ; il faut aussi considérer en par- ticulier l'importance de l'expérience religieuse individuelle. On assure- rait ainsi la continuité avec la tradition authentique et, par ailleurs, on prendrait en compte les requêtes du temps présent. II. — Les sources en particulier Lecture et étude II y a de bonnes raisons de commencer par la lecture de l'Ecriture. Et d'abord l'énumération : lecture, méditation, prière, se voit légitimée par une longue tradition spirituelle. Dans l'Eglise primitive, la lecture de l'Ecriture jouissait d'une estime privilégiée ; la liturgie était pour les chrétiens une école où ils apprenaient à fréquenter l'Ecriture Sainte. A l'époque de Thomas d'Aquin, la lectio comprenait encore non seule- ment la lecture privée de l'Ecriture et d'ouvrages religieux, mais aussi le commentaire public et des conférences sur un texte. A partir du bas moyen âge, on distingua entre la lecture de la Parole de Dieu {lectio divina), la lecture qui tend au progrès spirituel et qui privilégie les « auteurs spirituels » (lectio spiritualis) et enfin la lecture qui vise surtout à l'acquisition d'un savoir (studium) b. Le Concile Vatican II recueillit les impulsions du mouvement bibli- que. Il souligna de nouveau le rôle primordial de l'Ecriture Sainte aussi bien en théologie que pour la vie spirituelle (DV, 25). Dans le passage auquel nous faisons allusion, les fidèles sont instamment exhortés à s'approprier, par la lecture fréquente de l'Ecriture Sainte, « la science éminente de Jésus-Christ » {Ph 3, 8) ; on ne peut en effet se consacrer valablement au service de la Parole que si l'on s'est attaché aux Ecritures « par une lecture spirituelle assidue et par une étude approfondie ». Cela nous amène à deux observations. D'abord l'Ecriture Sainte s'avère la source première de la vie spirituelle (DV, 21), mais aussi l'étude de la théologie doit puiser plus largement que jadis à la doctrine de l'Ecriture (ibid., 23 ; OT, 16). La « conformité à l'Ecriture » exigée par le Concile s'applique aussi bien à la vie spirituelle qu'à la théologie. Par là d'ailleurs lecture et étude sont associées plus étroitement, l'Ecri- 6. D. THALHAAIMER, an. Geistliche Lesung, dans Lexikon fur Théologie und Kirche, IV, édit.J. HOFER - K. RAHNER, Freiburg-Basel-Wien, Herder, 1960, col. 623 ; cf.J. ROUSSE - A Rr^r ANTU irf J pi-fin //wîïïî/ï pt î prt^vp vtnnti^p]1p r)an<; D.^ TX roi 470-510- SOURCES DE LA SPIRITUALITÉ CATHOLIQUE SELON VATICAN II 69 ture formant le chaînon qui les rapproche (DV, 26) 7. Remarquons en second lieu que, pendant des siècles, la lecture spiri- tuelle (lectio spiritualis) consacrée aux auteurs spirituels a bénéficié de la préférence, tandis que la lecture privée de la Bible (lectio divina) n'a joué presque aucun rôle. Maintenant la fréquentation personnelle et quoti- dienne du texte sacré est recommandée à tous, même aux laïcs s. La lec- ture de l'Ecriture retrouve ainsi la première place. Cette fréquentation de la Bible a pour but de familiariser les fidèles avec les thèmes majeurs de la Révélation (OT, 16). Il faut d'abord écou- ter et lire soi-même la Parole de Dieu avant de la transmettre aux autres (PO, 13) 9. C'est dans la lectio divina surtout que l'on entend le Sei- gneur parler dans l'Ecriture 10. Ce que le Décret dit spécialement des prêtres mérite de se voir appliqué à tous : « A la lumière de leur foi nourrie par la lecture de la Bible, ils peuvent rechercher avec attention les signes de Dieu et les appels de sa grâce à travers la diversité des évé- nements de l'existence ; ils deviennent ainsi de plus en plus dociles à la mission qu'ils ont assumée dans le Saint-Esprit » (PO, 18). Seule la lec- ture de l'Ecriture rend sensible aux tâches qui incombent personnelle- ment à chacun. Aussi nécessaire que soit l'étude de l'Ecriture, la lecture — la lecture spirituelle surtout — est plus déterminante : aborder l'Ecriture sous l'angle purement scientifique n'imprimerait encore aucun élan à la vie spirituelle. Par contre une lecture correctement menée conduira par elle-même à la méditation et à la prière. L. Bouyer écrit à ce propos : « A uploads/Religion/ les-sources-de-la-spiritualite-catholique-selon-vatican-ii.pdf
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- Publié le Jan 06, 2021
- Catégorie Religion
- Langue French
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