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LA TÂCHE DE LA LITURGIE À L’ÂGE DE LA SÉCULARISATION Goffredo Boselli Editions

LA TÂCHE DE LA LITURGIE À L’ÂGE DE LA SÉCULARISATION Goffredo Boselli Editions jésuites | « Lumen Vitae » 2019/1 Volume LXXIV | pages 25 à 32 ISSN 0024-7324 ISBN 9782873246020 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-lumen-vitae-2019-1-page-25.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Editions jésuites. © Editions jésuites. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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Pour Gauchet, le désenchantement du monde a une racine chrétienne, dans la mesure où le christianisme est en lui-même « la religion de la sortie de la reli- gion » – expression élaborée, comme on sait, par Max Weber3 – c’est- à-dire la sortie hors d’un monde où la religion est structurante, où domine la forme politique des sociétés et où la cohésion sociale rassemble. Néanmoins, nous devons bien vite reconnaître que la fin de la fonction Revue Lumen Vitae Vol. LXXIV, no 1 – 2019 (pp. 25-32) doi : 10.2143/LV.00.0.0000000 Lumen Vitae 2019/1 25 Goffredo BOSELLI, docteur en théologie, est membre de la Communauté monastique 1 de Bose (Italie). Liturgiste, il est expert depuis 2004 auprès de la Commission épis- copale pour la liturgie de la Conférence des évêques d’Italie. Avec Enzo Bianchi, il a récemment publié chez Lessius l’ouvrage intitulé L’Évangile célébré. – Adresse : Monastero di Bose, I-13887 Magnano ; courriel : goffredo.boselli@monasterodi- bose.it. Cf. Marcel GAUCHET, Le désenchantement du monde. Une histoire de la religion, 2 Gallimard, Paris, 1983. Cf. Max WEBER, Il lavoro intelettuale come professione, Einaudi, Torino, 1993, 3 p. 41-42. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - García Mourelo Santiago - 83.51.44.107 - 09/01/2020 20:30 - © Editions jésuites Document téléchargé depuis www.cairn.info - - García Mourelo Santiago - 83.51.44.107 - 09/01/2020 20:30 - © Editions jésuites sociale du christianisme n’est pas l’éclipse du christianisme comme foi vécue, mais est, tout bien réfléchi, le début de la tâche prophétique du christianisme dans la société de même que dans les cultures d’ancienne chrétienté. Nous partageons la vision du sociologue Jean-Paul Willaime lorsqu’il écrit : « C’est précisément parce que le christianisme est la reli- gion de la sortie de la religion, qu’il peut incarner aujourd’hui l’une des figures possibles de l’avenir de la religion4. » Je ne vais pas essayer de proposer une analyse sociologique ou philosophique du phénomène complexe de la sécularisation, non seu- lement par manque de compétence spécifique, mais surtout à cause du choix que je fais d’essayer d’apporter du discernement à propos de ce monde désenchanté, et de comprendre ce que veut dire célébrer en chrétiens la liturgie à l’âge de la sécularité. En effet, les chrétiens, et parmi eux les plus convaincus et conscients, ne peuvent pas se com- prendre eux-mêmes et encore moins se représenter comme de simples spectateurs d’un monde désenchanté éloigné d’eux et étranger en tout. Au contraire, ils sont appelés à prendre conscience qu’en tant qu’hommes et femmes, fils et filles de leur temps, ils sont des sujets actifs et passifs de ce désenchantement. Qu’ils en aient conscience ou non, les images de Dieu chez les chrétiens contemporains sont désor- mais désenchantées, tout comme l’est leur façon de croire et, dès lors, leur façon de célébrer ne peut pas non plus ne pas l’être. En effet, la fin de l’hégémonie culturelle et morale de la religion chrétienne sur les différents secteurs de la société – dans la sphère poli- tique, culturelle, comme dans la science, l’art, l’éducation et, plus récem- ment, également dans la vie morale ainsi que dans les choix éthiques personnels ou familiaux – caractérise dorénavant un monde pour lequel la « fin de la chrétienté » représente une étape particulièrement signifi- cative dans le progrès de l’humanité. C’est pourquoi, la sécularisation ne saurait représenter pour l’Église un désastre à supporter ou un destin à subir et, encore moins, un adversaire à combattre, mais plutôt une important signe des temps qu’il s’agit de discerner. Cette attitude est celle à laquelle le Concile Vatican II dans la constitution Gaudium et Spes a invité l’Église : « L’Église a le devoir, à tout moment, de scruter les signes des temps et de les interpréter à la lumière de l’Évangile, de telle sorte qu’elle puisse répondre, d’une manière adaptée à chaque génération, aux questions éternelles des hommes sur le sens de la vie présente et future et sur leurs relations réciproques. Il importe donc de connaître et de com- 26 Lumen Vitae 2019/1 G. Boselli Jean-Paul WILLAIME, « Le christianisme : une religion de l'avenir de la religion », 4 dans René RÉMOND (dir.), Les grandes inventions du christianisme, Bayard, Paris, 1999, p. 231. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - García Mourelo Santiago - 83.51.44.107 - 09/01/2020 20:30 - © Editions jésuites Document téléchargé depuis www.cairn.info - - García Mourelo Santiago - 83.51.44.107 - 09/01/2020 20:30 - © Editions jésuites prendre ce monde dans lequel nous vivons, ses attentes, ses aspirations, son caractère souvent dramatique5. » Donc, dans la mens du Concile, connaître et comprendre le monde désenchanté dans lequel nous vivons aujourd’hui, ce ne sont pas des prolegomena de l’évangélisation, mais c’en est l’âme. Ce qui signifie que même l’âge sécularisé doit nécessairement être pris comme un signe des temps à interpréter à la lumière de l’Évangile, avec cette liberté et cette audace issues du fait d’avoir reconnu la « fin de la chré- tienté » comme un événement pleinement évangélique. De fait, l’Église montre bien qu’elle a désormais pris conscience – et Evangelii gaudium6 en est encore une preuve supplémentaire – que l’évangélisation ne sau- rait avoir pour objectif une nouvelle christianisation de la société, tout comme l’évangélisation ne doit pas être comprise contre la sécularisa- tion en tant que telle, mais bien à l’intérieur d’un monde sécularisé. Et plus encore, surtout dans ces pays européens où la sécularisation s’avère particulièrement envahissante, les Églises montrent qu’elles ont maintenant compris que l’âge sécularisé actuel représente une chance, est un kairos, un temps favorable à l’Évangile, qui mettent les hommes et les femmes vivant en Occident dans les conditions pour pouvoir s’ou- vrir à la nouveauté de l’Évangile du Christ. Pour cette raison, l’âge de la sécularité fixe aujourd’hui à la liturgie des tâches inédites et exigeantes, tout en invitant la liturgie à poursuivre la voie entamée avec Vatican II, à accroître sa qualité évangélique, en sachant que seule une liturgie évangélisée peut évangéliser. Voici donc la question essentielle : L’Église est-elle aujourd’hui assez consciente que le rôle décisif que la liturgie est appelée à jouer dans l’évangélisation à l’âge de la sécularisation est directement proportionnel à l’évangélisa- tion toujours plus nécessaire de la liturgie elle-même ? La liturgie évan- gélise d’autant plus qu’elle est plus évangélisée ; en d’autres termes, la qualité d’évangélisation dont est porteuse la liturgie correspond à sa qualité évangélique. L’objectif premier de la liturgie dans l’âge sécularisé Il convient de reconnaître que la façon de vivre et de croire d’un chrétien dans une société sécularisée, où Dieu est absent, est tout à fait différente de la vie et de la foi à l’intérieur d’un contexte de pleine chré- tienté, où la religion structurait la vie en commun et définissait les com- Lumen Vitae 2019/1 27 La tâche de la liturgie à l’âge de la sécularisation CONCILE VATICAN II, Constitution pastorale sur l’Église dans le monde de ce temps 5 Gaudium et Spes, Rome, 1965, no 4,1. Pape FRANçOIS, Exhortation apostolique Evangelii gaudium, Rome, 2013. 6 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - García Mourelo Santiago - 83.51.44.107 - 09/01/2020 20:30 - © Editions jésuites Document téléchargé depuis www.cairn.info - - García Mourelo Santiago - 83.51.44.107 - 09/01/2020 20:30 - © Editions jésuites portements, où Dieu était une évidence et lui rendre un culte était une pratique commune. Au contraire, les chrétiens qui appartiennent à une société sécularisée doivent savoir assumer aujourd’hui la différence entre leurs choix de vie fondés sur la foi et les comportements les plus répandus, entre les valeurs de l’Évangile et l’ethos commun dominant. uploads/Religion/ lv-741-0025.pdf