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Jean Markale L La a F Fr ra an nc ce e m ma ag gi iq qu ue e 2 Dans une de ses intuitions prophétiques incontrôlables mais souvent vraisemblables, Rudolf Steiner émet l’hypothèse que notre Terre, depuis des millénaires, se spiritualise peu à peu grâce à l’apport des êtres humains. Cet apport serait double: d’une part l’activité humaine, qui est manifestation de l’Esprit, transforme la matière terrestre et lui fait accomplir une sorte de transcendance; d’autre part, les milliards d’êtres humains qui se sont succédé de génération en génération, corps de chair animés par l’Esprit qui sont retournés à la Terre, contribuent à cette métamorphose et tendent vers un but ultime qui serait la totale spiritualisation de la matière. Ainsi serait abolie la dualité qui pèse sur la création comme une malédiction. Ainsi serait réalisé ce que les Écritures appellent le Royaume de Dieu. Cette idée est fabuleuse, envoûtante, presque convaincante. Elle est en accord avec les visions scientifiques modernes de l’entropie. Elle est en accord avec la pensée des anciens druides pour lesquels Dieu n’existait pas mais devenait à travers l’action humaine. Elle est en accord avec certaines interprétations quelque peu hétérodoxes de la tradition chrétienne. Ensuite, elle permet de mesurer l’importance de l’être humain dans le déroulement infIni de l’univers. Enfin, elle pose le problème de tous ces lieux qu’on dit sacrés parce qu’ils sont ou ont été le théâtre d’événements qu’on peut qualifier de mystiques, de mystérieux ou de magiques: les sanctuaires, les lieux de pèlerinage, les sites légendaires, tous endroits revêtus d’une façon ou d’une autre 3 d’une aura qui en fait des endroits exceptionnels. Car ce n’est pas toute la surface de la Terre qui nous apparaît comme sacrée: nos sociétés modernes ayant opéré la distinction fondamentale entre le sacré et le profane, il nous est difficile d’imaginer qu’un lieu de travail ou d’activité quotidienne puisse être considéré comme sacré. C’est sans doute une erreur, car le quotidien, vidé de son contenu spirituel n’est plus que du vide. Mais c’est ainsi. Et depuis la nuit des temps, des endroits privilégiés ont été associés au sacré, ont été ressentis comme des points de rencontre entre ce qui est visible et ce qui est invisible, entre ce qui est en bas et ce qui est en haut. Ainsi est née toute une mythologie dans laquelle convergent les pulsions, les sensations, les croyances et les certitudes d’une humanité qui se cherche toujours en cherchant à travers elle ou à travers la nature l’image du divin qu’elle ne peut encore discerner en elle. Reste à savoir pourquoi certains lieux sont sacrés et quelles sont les raisons exactes du choix qui a présidé à leur reconnaissance en tant que tels. Une première constatation s’impose: le choix de ces lieux n’est jamais dû au hasard. Différents facteurs entrent en ligne de compte: la situation du lieu, sur un sommet, sur une île, au milieu d’une forêt, dans un paysage grandiose ou à l’écart de tout, mais aussi des considérations concernant les courants telluriques ou l’orientation par rapport au soleil et aux astres. L’orientation est aisément vérifiable, et la 4 position par rapport aux courants telluriques, grâce aux moyens actuels de détection, peut également être démontrée, et les hypothèses qui font des lieux sacrés des points de rencontre entre divers courants telluriques, ou encore de véritables zones d’échanges entre le tellurisme et le rayonnement cosmique, ont-elles toutes les chances de se révéler exactes à l’analyse. Et, comme ces lieux sont considérés comme sacrés depuis des temps immémoriaux, force nous est d’admirer le sens de l’observation ou des moyens d’investigation de nos lointains ancêtres: ils savaient certaines choses que nous ignorons ou que nous avons du mal à connaître. Mais il existe aussi des lieux qui sont sacrés parce que des êtres humains, généralement exceptionnels, les ont chargés d’un certain potentiel spirituel, moral ou franchement magique. Que serait Jérusalem sans l’empreinte qu’y ont laissé les rois de Judée d’abord, le Christ ensuite? Et sur un plan tout à fait militaire et patriotique, que serait le fort de Douaumont sans les victimes de l’héroïque boucherie qui s’y est déroulée pendant la première guerre mondiale? Tout cela donne raison à Steiner: ce sont les hommes qui spiritualisent la Terre, soit par leurs actions, soit par le sang versé, soit par le dépôt de leurs corps transfigurés en quelque sorte par l’Esprit qui les animait. Mais cela ne se fait pas partout de la même façon et avec la même intensité. Ainsi naissent ces hauts lieux que la mémoire des hommes conserve fidèlement et dont le prestige traverse les siècles. 5 Ces hauts lieux sont en effet permanents. Quelle que soit l’idéologie ou la religion qui prédomine à une certaine époque, l’aspect sacré du lieu demeure, parfois intact, parfois récupéré et prolongé. Les religions ne meurent jamais vraiment puisqu’elles perdurent dans celles qui suivent, du moins en partie, et il est parfois bien difficile de déraciner le sacré lorsqu’il est solidement implanté dans une portion de terre depuis un temps qu’on a tendance à faire remonter aux origines. Parfois, la succession est visible, comme par exemple au Vieux-Marché, dans les Côtes-du-Nord: là, l’église est construite sur un dolmen; ou encore au Puy-en-Velay, où la cathédrale porte, dans ses murs, des pierres en réemploi qui proviennent d’un ancien temple gallo-romain qui s’élevait à ce même endroit. Ailleurs, c’est de la récupération pure et simple: au Mont-Saint-Michel, le culte de l’Archange brillant a remplacé le culte du dieu solaire gaulois Bélénos, dont le nom signifie précisément “brillant”. Et que dire des fontaines païennes christianisées, ou des chapelles bâties sur l’emplacement d’un nemeton gaulois, et de certains menhirs, tel celui de Saint-Duzec, près de Pleumeur-Bodou (Côtes-du- Nord), qui ont été gravés avec des représentations chrétiennes? La liste de ces lieux permanents serait longue et prouverait, si besoin en était, que le sacré, une fois accroché à certains endroits, y laisse une empreinte que rien ne peut effacer. Sur le territoire français, les hauts lieux, qu’ils soient religieux, légendaires ou magiques, ne manquent pas. C’est le 6 propre de tout domaine anciennement habité par les hommes. Et si l’on excepte les sites du paléolithique supérieur, comme le Mas d’Azil, la Madeleine, Aurignac, Pech Merle, Solutré ou Lascaux, dont nous ne savons presque rien des croyances religieuses ou métaphysiques qui les ont provoqués, les hauts lieux de la France recouvrent quatre systèmes idéologiques dominants: la religion mégalithique, le druidisme gaulois, le syncrétisme gallo-romain et le christianisme avec toutes ses déviances. Mais il est très rare de les trouver à l’état pur, le propre de ces hauts lieux étant d’être permanents, donc assimilables par les idéologies successives. CARNAC Le plus caractéristique des monuments de la préhistoire est sans aucun doute l’immense sanctuaire mégalithique de Carnac (Morbihan), le plus célèbre et aussi le plus impressionnant du monde. Une telle accumulation de menhirs, rangés dans un certain ordre, et de tailles diverses mais calculées, témoigne, de la part des constructeurs, de la volonté de marquer un lieu sacré. Les alignements eux- mêmes datent de 2.500 ans avant notre ère, mais on peut constater qu’ils recouvrent des monuments antérieurs, telle célèbre Tertre du Manio, avec son menhir gravé de serpents, qui date de 4.000 ans avant notre ère. A l’Est des alignements, à Kerlescan, on peut voir une sorte de 7 quadrilatère formé d’énormes blocs, auquel répond un autre quadrilatère, à l’extrémité occidentale, au Ménec. Il n’est pas douteux que ces quadrilatères ne constituent des temples en plein air: quant à savoir quelles étaient les cérémonies qui s’y déroulaient, c’est une autre affaire. Dans le domaine mystérieux des mégalithes, on en est souvent réduit aux hypothèses. On a pu ainsi prétendre que les menhirs des alignements correspondaient à des emplacements réservés dans l’Autre Monde, chacun d’eux étant la place symbolique de celui qui l’avait érigé ou qui avait contribué à son érection. Pourquoi pas? L’idée qui semble prédominer est celle de la permanence, de l’éternité, et cela en relation avec le cosmos. Le menhir en lui-même, par son aspect phallique, représente une force qui jaillit de la Terre et s’élance vers le Ciel. C’est à l’image de l’humanité qui sort de la glèbe primitive, rampe sur le sol, s’élève sur le plan de la verticalité et tend son intelligence vers ce qui est au-dessus dans une vaste tentative, sinon pour comprendre, du moins pour appréhender l’univers et saisir le sens de sa propre existence. Mais, comme le dit Héraclite, les chemins qui montent sont aussi ceux qui descendent, et il est tout à fait possible d’imaginer ces menhirs comme des antennes terrestres qui captent les rayons cosmiques, ou encore comme des paratonnerres qui provoquent l’échange (allant d’ailleurs de bas en haut) entre la Terre et le Ciel. Quoi qu’il en soit, ces alignements sont incontestablement des points de rencontre 8 entre des forces qui pour être contradictoires et antagonistes, n’en sont pas moins complémentaires. C’est dire la puissance magique d’un tel lieu. Pour qui sait profiter des conditions optimales du site de Carnac, uploads/Religion/ markale-jean-la-france-magique.pdf
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- Publié le Oct 03, 2021
- Catégorie Religion
- Langue French
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