IVRESSE DE LA MORT DANS LE DISCOURS MYSTIQUE ET FONDEMENTS DU PARADOXE Author(s

IVRESSE DE LA MORT DANS LE DISCOURS MYSTIQUE ET FONDEMENTS DU PARADOXE Author(s): Paul Ballanfat Source: Bulletin d'études orientales , 1997, T. 49 (1997), pp. 21-51 Published by: Institut Francais du Proche-Orient Stable URL: http://www.jstor.com/stable/41608427 JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at https://about.jstor.org/terms Institut Francais du Proche-Orient is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Bulletin d'études orientales This content downloaded from 193.225.200.93 on Thu, 16 Jul 2020 08:05:30 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms IVRESSE DE LA MORT DANS LE DISCOURS MYSTIQUE ET FONDEMENTS DU PARADOXE Paul Ballanfat Université Jean Moulin - Lyon III Le grand saint bagdädien 'Abd al-Qãdir al-Gílãni aurait un jour affirmé, d'apr Taymiyya, que « le saint est celui qui se révolte contre le destin ( qadar ) et non c s'y soumet » Ce propos a de quoi surprendre en ce qu'il décrit une dimensio sainteté qui entre en contradiction avec ce que le soufisme en général considère rapport du saint avec la volonté divine. C'est un propos paradoxal et, en ce appartient à l'univers du paradoxe et éclaire la relation entre la sainteté et le par mystique, ou « locution théopatique » selon la belle expression de L. Massignon qu'à travers l'usage du paradoxe, une partie du soufisme a mis en évidence le carac transgression que recèle toute recherche mystique. D'après 'Abd al-Rahmân Badawl, le phénomène du paradoxe a commencé trè dans le soufisme, notamment chez Ibrähim b. Adham (m. 160/777) ou Râbi'a al- 'Adawiyya (m. 185/801) et a trouvé ses formes les plus achevées chez Abü Yazïd al- Bistàmï (m. 261/875) et Hallâg (244-309/858-922) 3. Mais les prémisses de ce qu'il faut considérer comme le paradoxe mystique furent apparemment théorisées par l'Imam Ga'far al-Sãdiq (m. 148/765) dans son commentaire du Coran4, même si Ga'far n'emploie pas le terme technique de šath pour désigner cette expérience singulière. En dépit des réserves de certains mystiques concernant l'ivresse spirituelle, comme Gunayd 1. Magmü'at al-rasâ'il wa al-masâ'il, Le Caire, 1345, I, p. 166, cité par P. Nwyia, Exégèse coranique et langage mystique, Beyrouth, 1970, p. 6. 2. L'expression de L. Massignon ne semble pas tout à fait correspondre au terme šath. Elle est trop générale et ne rend pas compte du carctère transgresseur et équivoque du paradoxe. Le šath n'est pas seulement l'expression d'une inspiration divine, mais un discours qui déborde le cadre de l'expression et qui met en scène le paradoxe propre à l'expérience mystique. 3. Le corpus des sentences attribuées à Bistâmi et rassemblées par al-Sahlagï (m. 476/1082) a été publié par 'Abd al-Rahmân Badawï, Satahãt al-süfiyya, Le Caire, 1949. Avec le Kitãb al-luma' fi al- tasawwuf de Sarrâg (m. 378/988), éd. Nicholson, Ley de-Londres, 1914, et le grand traité de Rùzbihân Baqlï, le Šarh-i sathiyyãt, éd. H. Corbin, Téhéran, 1966, l'ensemble offre un large éventail des paradoxes du soufisme antérieur au XIIe siècle. Il faudrait leur adjoindre le traité d'un soufi de Nîsâpûr, Abu Sa'd al-Harquši (m. 406/1015), le Tahdïb al-asrãr, qui contiendrait des éléments sur le paradoxe mystique ; Arberry, « Khargushi's Manual of Sufism », in Bulletin of the School of Oriental and African Studies, 9 (1937-1939), p. 345-349, cité par C. Ernst, Words of Ecstasy in Sufism, NYC, 1985, p. 13-14. 4. L'archétype du paradoxe est pour lui la vision du buisson ardent par Moïse, et son dialogue avec Dieu dans lequel il fait l'expérience de l'égoïté absolue de Dieu ; P. Nwyia, Exégèse coranique et langage mystique, Beyrouth, 1970, p. 179-180. Bulletin d'Études Orientales, XLIX, 1997, IFEAD, Damas, p. 21-51. This content downloaded from 193.225.200.93 on Thu, 16 Jul 2020 08:05:30 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms 22 PAULBALLANFAT al-Bagdâdï (m. 298/910), il faut c essentielle du soufisme ancien. A Gunayd lui-même. En tout, mis Rüzbihän Baqlï (522-606/1 128-12 paroles attribués à quarante-sept attribués à Wâsiti, à Šibli, et bien Kitâb al-tawãsin est traduit en pe du Šarh-i sathiyyãt permet de se phénomène marginal, mais bien p avant la grande période de constitu synthèse d'Ibn 'Arabi. Toutefois i de cette période ont eu recours a loin s'en faut. Hormis Sarrãg (m auteurs anciens n'ont pas éprouv celui-ci en offre montre une c Hugwirï le condamne avec beau anciens vis à vis du paradoxe pose régulièrement, ils ont éprouvé une le réduire à un phénomène margi cette attitude une difficulté prop condamnation. Le paradoxe mysti restriction, que par des mystiques Le premier auteur soufî à avo rigoureuse ce qu'est le paradoxe joué un rôle important dans la ma mystique de Slrâz. En effet, on abondamment dans les propos des parfois que Rùzbihân recopie de détermination du paradoxe par Sa donc dans le dialogue avec Sarrãg assigné une place centrale dans sa Rappelons un certain nombre d'é doctrine du paradoxe. C'est lors d Rùzbihân a mis en œuvre la rédac mystiques, le Mantiq al-asrãr. Ce de grands soufis anciens et les com Kitáb al-tawâsïn de Hallâg, à le co propos. Or, la découverte de H déterminante pour Rùzbihân, développée dans un dialogue cons 5. Kašf al-mahgüb, Téhéran, 1375, p. passion de Hallâj, Paris, 1975, III, p. 6. Parmi les emprunts importants à ressemblance de l'homme avec le palmi niaknùn al-hadït , ms. Mar'asï Nagafï, Ibn 'Arabi y fait aussi référence mais sa 1972-1990, II, p. 257-258, VIII, p. 31 This content downloaded from 193.225.200.93 on Thu, 16 Jul 2020 08:05:30 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms IVRESSE DE LA MORT DANS LE DISCOURS MYSTIQUE ET FONDEMENTS DU PARADOXE 23 martyr. C'est très peu de temps après, en 577/1 181 selon ses propres dires, que Rüzbihän a entamé la rédaction de son journal spirituel, le Kašf al-asrãr, dont son biographe disait qu'il était précisément la quintessence du paradoxe. Rüzbihän a poursuivi la rédaction de ce traité jusqu'à la fin de sa vie 7 . Immédiatement après le Mantiq al-asrãr, rédigé en arabe, il en composa la traduction en persan en y ajoutant encore plus de commentaires 8. Comme le montrent ces éléments, le paradoxe est chez Rüzbihän un trait distinctif de l'expérience mystique. De plus, Rüzbihän enracine cette vision du soufisme dans l'ensemble des données qu'il a rassemblées et commentées patiemment. Ce travail méthodique est l'un des piliers de sa propre expérience, si bien qu'on peut le considérer comme l'héritier de cette tradition qui a attribué au paradoxe mystique une place centrale dans l'univers mystique. Or, force est de constater qu'après Rüzbihän, seul le soufisme indien a vu ce phénomène demeurer un tant soit peu. Et il a trouvé une traduction dans l'œuvre du prince Därä Siküh (1024-1069/1615-1659), qui périt assassiné par son frère Awrangzeb avant même que d'avoir régné. Mais il considérait des soufis indiens comme Mullã Sãh (992-1072/1584-1661) et Miyän Mir (938-1045/1532-1635), qui furent ses maîtres, comme les représentants les plus typiques du paradoxe, et non plus Hallãg9. Après la grande œuvre de Rüzbihän, il semble donc que le phénomène du paradoxe mystique ait décliné et soit même devenu une sorte de maniérisme stylistique propice aux condamnations vertueuses. L'une des questions que l'on peut donc se poser est celle de savoir pourquoi cet élément si fondamental dans le soufisme ancien a pu décliner, d'autant plus qu'il ne s'agit pas que d'une simple évolution dans le discours mystique, mais bien d'une transformation radicale, voire d'une rupture. Elle implique en effet une reconsidération globale du rapport entre le soufisme et la loi, religieuse et politique, et entraîne, par conséquent, une autre manière de définir le soufisme. Le premier élément qui vieni immédiatement à l'esprit est l'institutionnalisation du soufisme, dont Abü Hämid al-Gazäll fut l'un des artisans. Il soumit l'analyse du paradoxe à la mesure exclusive de la loi, précisément parce qu'il souhaitait mettre en accord le soufisme avec les préjugés qui animaient la communauté musulmane, préjugés que le soufisme du paradoxe cherchait à faire éclater. Ce Jien entre l'institutionnalisation du soufisme et la réduction de la place du paradoxe est particulièrement visible chez Nagm-i Rãzi, proche d'Ibn 'Arabi, lorsqu'il affirme que les paradoxes ne sont qu'une étape sur la voie de la perfection spirituelle car ils ne donnent qu'une illusion d'union avec la divinité et non la perfection. Et Nagm-i Ràz! ajoute que c'est cette illusion présente au cœur du paradoxe qui rend nécessaire de recourir à un maître qui aide à dépasser cette étape 10. On le voit bien ici, d'une certaine façon, l'affirmation de la perfection du maître est proportionnelle à sa capacité à voir le paradoxe, à le dénoncer comme un obstacle et à permettre de le dépasser. Ainsi, loin d'être un critère de réalisation spirituelle, le paradoxe est enfermé et cerné par la logique du discours institutionnel et, par conséquent, perd sa raison d'être. De même, la querelle à propos du ravissement extatique entre Rüzbihän, uploads/Religion/ paul-ballanfat-ivresse-de-la-mort-dans-le-discours-mystique-et-fondements-du-paradoxe.pdf

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  • Publié le Fev 20, 2022
  • Catégorie Religion
  • Langue French
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