Échos d'Orient Démétrius Cydonès et la théologie latine à Byzance aux XIVe et X
Échos d'Orient Démétrius Cydonès et la théologie latine à Byzance aux XIVe et XVe siècles Martin Jugie Citer ce document / Cite this document : Jugie Martin. Démétrius Cydonès et la théologie latine à Byzance aux XIVe et XVe siècles. In: Échos d'Orient, tome 27, n°152, 1928. pp. 385-402; doi : 10.3406/rebyz.1928.4686 http://www.persee.fr/doc/rebyz_1146-9447_1928_num_27_152_4686 Document généré le 27/04/2016 Demetrius tydoiräs et la théologie latine à Byzance aux xive et xve siècles (·) % L'un des écrivains les plus remarquables et les plus féconds du xive siècle byzantin, si fertile en grands hommes, est sans contredit Démétrius Cydonès. Sa vie est encore mal connue, et le peu qu'en ont écrit, toi^t récemment, plusieurs auteurs, renferme de notables erreurs (2). Erronée aussi, et pas seulement incomplète, est la liste de "ses ouvrages telle qu'on l'a donnée jusqu'ici. Ainsi, le De Pro- cessione Spiritus Sancti, publié sous son nom par Arcudius (3) et Yeproduit dans la Patrologie grecque de Migne (4), n'est pas de lui, mais appartient à Manuel Calecas (5). Par contre, plusieurs de ses œuvres authentiques sont restées complètement ignorées; et de plusieurs autres on n'a révélé jusqu'à ce jour que le titre fourni par les manuscrits. L'objet de cette brève communication n'est ni d'essayer d'esquisser à grands traits la biographie de Démétrius — comment oser l'entreprendre avant la publication de sa volumineuse correspondance, qui ne comprend pas moins de 454 lettres, dont une cinquantaine à peine ont vu le jour? — ni de dresser la liste complète de ses ouvrages. Il est simplement : i° de fournir quelques renseignements précis sur la première partie de la vie de ce grand homme, depuis son enfance jusqu'à la retraite de l'empereur Jean Cantacuzène dans le cloître, en 1 355 ; 20 de signaler ses traductions d'ouvrages latins en grec; 3° de montrer brièvement l'influence de ces traductions sur la théologie byzantine du xive siècle et de la première moitié dubcve. Démétrius est, en (1) Communication lue, le 12 avril 1927, au IIe Congrès international des Etudes byzantines à Belgrade, (VIe' section). (2) Nous faisons surtQUt allusion à l'article de M. Joseph Camelli : <? Demetrio Cidonio- Brevi notizie délia sua vita β délie sue opère », paru dans les Studi italiani di filologia classica, 1920, Nuova ierie, t. I, p. 140-161, et aux quelques pages que M. Guilland a consacrées à Cydonès dans son ouvrage : Correspondance de Nicéphore Grégoras (Collection byzantine Guillaume "Budé). Paris, 1927, p. 325-332. (3) Dans la collection Opuscula aurea theologica. Rome, i53o, p. 446-581. (4) P. G., t. CLIV, col. 8è4-958. - (5) Nous devons ce précieux renseignement à Mer Giovanni Mercati, préfet de la Bibliothèque vaticane, qui donnera les raisons de cette attribution dans un prochain fascicule des Studi e Testi actuellement sous presse. Échos d'Orient. — 3i* année. N° i52. Octobre-décembre 1Q28. 386 échos d'orient effet, un de ces rares Byzantins qui ont travaillé au rapprochement religieux et intellectuel de l'Orient et de l'Occident en faisant connaître celui-ci à celui-là, en révélant aux Grecs que les Latins n'étaient pas que des Barbares, et qu'ils étaient capables de rivaliser avec eux dans le domaine de la pensée pure et de la science théologique. Plus que tout autre, il s'est adonné à cette tâche; mieux que tout autre^ il y a réussi. C'est donc avant tout le médiateur intellectuel entre l'Orient et l'Occident que nous allons consi-gr dérer en lui pendant ces quelques instants. Ce que nous allons dire, nous l'avons puisé en grande partie dans les œuvres mêmes de notre héros, et spécialement dans ses œuvres inédites. Parmi celles-ci, il en est une qui est restée jusqu'ici complètement inconnue et qui est capitale pour notre sujet : il s'agit d'une longue apologie personnelle que Démétrius, sur -la fin de sa longue vie, adressa à ses compatriotes pour leur raconter comment, tout en restant bon patriote byzantin, il avait été amené à faire profession de foi catholique et à traduire en grec les chefs- d'œuvre de la théologie latine. Cette apologie, écrite de la main même de l'auteur, surchargée de ratures et portant de nombreuses additions marginales, est conservée dans le Cod. Vatic, graec. UO2, et n'occupe pas moins de vingt-deux feuilles in-80' (i). I. — Enfance et jeunesse de Démétrius Cydonès. Le secrétaire particulier de Jean Cantacuzène. Traduction de la « Somme contre les Gentils » de saint Thomas d'Aquin. Démétrius Cydonès naquit à Thessalonique (2) dans le premier quart du xive siècle. On n'est pas encore arrivé à fixer d'une manière précise la date de sa naissance, mais plusieurs données certaines permettent de la placer approximativement entre i3io et i320. On sait, en effet, qu'il mourut à un âge très avancé, et il est à peu près sûr que ce fut à la fin de 1399 ou au début de (1) Coi. Vatic, graec. τ io2, fol. 55-76. Me* Giovanni Mercati en prépare l'édition. (2) Allatius, De Ecclesiäe occid. et orient, perpétua consensione, 1. II, c. xvm, p. 856, en fait un citoyen de Byzance» II se trompe mûrement, comme en témoignent non seulement les suscriptions des manuscrits, mais aussi plusieurs passages des écrits de Démétrius. (3) On possède, daté du mois de mai 1400, un texte du patriarche oecuménique, Mathieu Ier, relatif à une disposition testamentaire de Démétrius Cydonès en faveur d'un neveu en bas âge: Miklosich et Mullër, Acta patnarclutus Constantinopolitani. t. II, Vienne, 1862, p. 390-391. Cf. M. Treu, dans lä Byzantinische Zeitschrift, 1. 1, p. 60, DÊxMÉTRIUS CYDONÈS ET LA THÉOLOGIE LATINE A BYZANCE 3Ö7 1400 (3). De plus, il s'était déjà révélé comme un écrivain distingué, antérieurement à l'année 1348 (1). Le surnom de Cydonès, 6 Κυδώνης, a fait penser à quelques-uns que sa fajnille était originaire de la ville Cretoise de Cydonïfe. (2). C'est une pure hypothèse, qui n'est appuyée jusqu'ici par aucun témoignage positif. De ses parents, Démétrius nous apprend simplement qu'ils étaient de bons chrétiens et qu'ils le firent baptiser sans retard. De cette grâce du baptême il parle en termes émus dans son testament religieux (3) : « Quand je reçus ce sacrement, dit-il, je ne pouvais en apprécier le bienfait ; mais, parvenu à l'âge de raison, j'en ai remercié Dieu et mes parents, et je me suis efforcé, pendant toute ma vie, de garder intacte la doctrine de l'Église catholique sur Dieu et les choses divines, sachant bien qu'il y allait du salut. » Son père, qui était, sinon riche, du moins de condition très aisée, lui fit donner une éducation soignée. Démétrius nous apprend lui- même le nom de son professeur de rhétorique : ce fut le célèbre polémiste Nil Cabasiias, mort archevêque de Thessalonique en 1 363. Très bien doué, le jeune étudiant fit de rapides progrès et devint un brillant littérateur. Il était encore tout à ses livrés quand il eut la douleur de perdre son père. Celui-ci était un ami dévoué de l'empereur Jean Cataeuzène. Au témoignage de Démétrius, il négligeait souvent ses propres affaires pour faire celles du basileus. Il comptait que ce dernier serait le protecteur de ses enfants, s'il lui arrivait malheur. Il ne se trompait pas. Après sa mort, survenue au_ cours d'une lointaine et périlleuse légation, Cantacuzène sut reconnaître tant de. dévouement, La famille orpheline trouva en lur un défenseur résolu «contre des bêtes cruelles avides de sang», c'est l'expression même de Démétrius ; et lorsque, quelque temps après, Démétrius lui-même, l'aîné de cette famille, se présenta au palais impérial pour obtenir un poste rémunérateur qui lui permit dé venir en aide à sa mère et à ses frères, le basileus, (1) Avant 1348, Démétrius avait déjà écrit : Γ la lettre au primicier Phracasès, P. G., t. CLIV, col. I2i3, qui est de 1^45? 2" la lettre à Barlaam sur la procession du Saint- Esprit, P. G., t. CLI, col. I283-i3oi%3° probablement, le premier discours à Jean Can^ lacuzène : Άνενέγκαμεν, ω Βασιλεΰ, publié par G. Cammelli dans les Byzantinisch-neu- grîechische Iahrbücher, 1922, p. 68-76. (2) D'après Fabricius, Bibliatheca graeca, éd. Harlès, t. XI, p. 398, le surnom de Cydonès serait venu à Démétrius d'un séjour qu'il aurait fait en Crète dans un monastère, à la fin de sa vie, m témoignage de Raphaël de Volterra, Comment, urban., \. XV, éd. de i5o6, fol. CCVIP. Quoi qu'il en soit de ce dernier point, il est certain que Démétrius était appelé Cydonès dès toujours. (3) Pièce également iaédite et autographe dans le£ud. Vatic, graec. 1 102, fol. n5-i2O. - 388 échos d'orient frappé de ses qualités exceptionnelles, l'éleva d'emblée à la charge enviée et toute de confiance de secrétaire particulier. Cet événement, eut lieu dans le courant de 1347, ou peu de temps après (1), alors que Jean Canfacuzène, réconcilié avec Anne de Savoie, jouissait paisiblement du pouvoir suprême. Démétrius était, en ce moment, à pleine crise de conversion. Qui se serait douté que ce jeune homme, tout épris de belle littérature, avait déjà abordé les problèmes les plus ardus de la théologie, et étudié à fond la fameuse question de la procession du Saint-Esprit, objet uploads/Religion/ rebyz-1146-9447-1928-num-27-152-4686.pdf
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Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Nov 12, 2022
- Catégorie Religion
- Langue French
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