LUMIÈRE DU THABOR Bulletin des Pages Orthodoxes La Transfiguration Numéro 17 ●
LUMIÈRE DU THABOR Bulletin des Pages Orthodoxes La Transfiguration Numéro 17 ● mai 2004 Lumière du Thabor Numéro 17 ● mai 2004 Page 2 PAUL EVDOKIMOV : LA VOCATION SACRÉE DU LAÏC 1 / À la lumière d’Aliocha par Olivier Clément Paul Evdokimov : 5 / Le Sacerdoce royal : État charismatique du chrétien 9 / Ecclésia domestica 13 / Le Célibat non monastique 15 / Le Sacerdoce conjugal 16 / Pour aller plus loin – Paul Evdokimov 18 / Les quatre saints martyrs de l’« Action orthodoxe » par Hélène Arjakovsky 22 / Le Symbole de Foi – X par Mgr Pierre L’Huillier 23 / Le Retour en Galilée Méditation avec père Lev Gillet 24 / À propos de Lumière du Thabor Visitez-nous : www.pagesorthodoxes.net Contacter-nous : thabor@megaweb.ca PAUL EVDOKIMOV LA VOCATION SACRÉE DU LAÏC Paul Evdokimov était l’un des plus illustres représentants de l’« École de Paris », ce groupe remarquable de théologiens et de philosophes religieux russes émigrés en France après la révolution bolchevique de 1917. Né à Saint-Pétersbourg en 1900, Paul Evdokimov arrive à Paris en 1923, où il décède en 1970 (lire un aperçu de sa vie par Olivier Clément ici-bas, « Paul Evdokimov : À la lumière d’Aliocha »). Une de ses plus importantes contributions théologiques est l’articulation de la voie spirituelle des laïcs et c’est cet aspect de son œuvre que nous voulons souligner dans ce numéro de Lumière du Thabor. Le point de départ de la réflexion théologique de Paul Evdokimov sur la spiritualité des laïcs est le constat, commun à la tradition orthodoxe, qu’il n’y a qu’une seule voie spirituelle chrétienne pour le clergé, les moines et les laïcs : les mêmes exigences évangéliques s’appliquent à tous : « Ceux qui vivent dans le monde, bien que mariés, doivent par tout le reste ressembler aux moines... Vous vous trompez tout à fait, si vous pensez qu’il est des choses exigées des séculiers, et d’autres des moines... ils auront les mêmes comptes à rendre », aimait-il citer en cela saint Jean Chrysostome. La distinction occidentale entre les « préceptes » et les « conseils » de l’Évangile, les uns s’appliquant à tous, les autres aux clergé et aux moines, est inconnue dans l’Église orthodoxe, nous rappelle-t-il. Partant de cette constatation, la pensée de Paul Evdokimov s’articule autour de deux thèmes en particulier : le sacerdoce universel de tous les chrétiens, avec une précision importante dans la notion du « sacerdoce conjugal » ; et le « monachisme intériorisé »¸ l’intégration de l’esprit du monachisme, qui n’est autre que celui de l’Évangile, dans la vie spirituelle des laïcs. Se fondant sur ces considérations, Paul Evdokimov décrit la nature de l’« église domestique », vue comme unité constitutive de l’Église du Christ. Et nous devons à Paul Evdokimov d’importantes réflexions sur la vocation du célibat laïc. Exprimée dans plusieurs articles et contributions aux publications œcuméniques, la pensée de Paul Evdokimov sur le laïcat atteint sa forme la plus élaborée dans deux livres en particulier, Le Sacrement de l'amour : Le mystère conjugal à la lumière de la Tradition orthodoxe, et Les Ages de la vie spirituelle, Des Pères du désert à nos jours (aujourd’hui malheureusement épuisés). Les extraits de l’œuvre de Paul Evdokimov que nous vous proposons mettent en valeur les éléments essentiels de sa pensée sur les fondements théologiques de la vocation des laïcs, leur rôle dans l’Église et la vie spirituelle des laïcs, célibataires ou mariés. Nous vous recommandons de consulter également les deux écrits de Paul Evdokimov qui paraissent aux Pages Orthodoxes : Le monachisme intériorisé et L’amour et le sacrement de l’amour, textes qui complémentent ceux que nous reproduisons dans ce numéro du Bulletin. Lumière du Thabor Numéro 17 ● mai 2004 Page 3 PAUL EVDOKIMOV (1900-1970) : À LA LUMIÈRE D’ALIOCHA par Olivier Clément Paul Nicolaievitch Evdokimov est né le 2 août 1900 à Saint-Pétersbourg, la ville la plus européenne de Russie. Son père, officier, appartenait à la noblesse de service, sa mère était de plus ancienne aristocratie. En 1907, un drame bouleverse la vie de l’enfant : son père est assassiné. Le colonel Evdokimov vivait au plain-pied de ses hommes. Plus d’une fois, dans ces années troubles qui suivent la révolution de 1905, il avait, par la seule persuasion, se présentant à eux les mains nues, apaisé des soldats qui s’insurgeaient. C’était donc l’homme à abattre. Il fut tué presque à bout portant, pendant les manoeuvres, par un soldat gagné au terrorisme. La foi reçue de sa mère - et de la Mère-Église - il ne semble pas que Paul Evdokimov l’ait jamais mise en cause. « Il croyait comme on respire » , devait dire au lendemain de sa mort sa compagne des années les plus créatrices. On dirait qu’il a toujours eu la perception de l’invisible, et que rien n’existe réellement que par cet enracinement dans l’invisible. Il appartenait à cette race spirituelle pour laquelle Dieu est bien plus réel que le monde, ou plutôt pour laquelle le monde n’a d’autre réalité que théophanique. Paul Evdokimov, comme c’était l’habitude dans son milieu, fit ses études à l’École des Cadets. Pendant les vacances, sa mère l’emmenait dans les monastères pour de longues retraites. Il fut ainsi formé par les deux disciplines du soldat et du moine. Il devait en garder jusqu’au bout le sens de la maîtrise de soi et des disciplines libératrices - celles notamment de la nourriture et du sommeil. Au moment des troubles révolutionnaires, la famille de Paul Evdokimov se replie à Kiev. Il est frappant que la première réaction du jeune homme, malgré sa formation militaire, soit de dépassement spirituel : en 1918, il commence des études de théologie à l’Académie de Kiev. Malgré l’exemple récent de quelques philosophes religieux, les étudiants en théologie étaient presque toujours des fils de prêtres. Les jeunes gens du milieu social de Paul Evdokimov n’étudiaient pas la théologie. Au bout de quelques mois cependant, Paul Evdokimov fut mobilisé dans l’armée blanche. Il combattit près de deux ans, mais, sur l’intervention de sa famille, fut rendu à la vie civile avant la débâcle finale. Paul Evdokimov, en effet, avait, pour employer sa propre expression, « définitivement tourné la page » . Ni la mort de son père, ni là guerre perdue, ni l’exil forcé n’avaient laissé en lui d’amertume. Il avait rencontré là- bas, pendant ces années terribles, des spirituels qui partageaient l’attitude du starets Alexis Metchev, considérant que la révolution, dans ses racines, constituait un phénomène d’ordre spirituel, et qu’elle ne pourrait être surmontée (et d’une certaine manière assumée) que par une renaissance spirituelle. L’exil. Constantinople au temps de l’occupation alliée, rendue plus encore cosmopolite par l’afflux des réfugiés russes. Paul Evdokimov est chauffeur de taxi, pur comme une épée quand il doit conduire des matelots dans les bas quartiers. Paul Evdokimov sert dans un restaurant et comme le patron sommeille, il lui faut aussi cuisiner, ce qu’il fera du reste volontiers, non sans talent, jusqu’à la fin de sa vie. De plus en plus, l’émigration russe, d’abord établie à Berlin, Prague, Belgrade et Istanbul, glisse vers la France, vers Paris. En septembre 1923, Paul Evdokimov arrive à son tour dans cette ville. La rencontre de l’Europe occidentale l’émeut. D’emblée il pressent les racines - les églises médiévales -, et le destin - l’insatiable intelligence constructrice puis destructrice de l’humain, désormais vrillant les abîmes. Il s’inscrit à la Sorbonne, passe une licence de philosophie. Longtemps, il lui faut, pour subsister, travailler la nuit, chez Citroën, ou dans les gares à nettoyer les wagons. Puis il obtient une bourse de l’Entraide universitaire et devient le premier secrétaire de l’Action chrétienne des étudiants russes en France. En 1924, une pléiade de théologiens et de penseurs religieux russes fondent à Paris l’Institut Saint-Serge, dont le premier recteur est le père Serge Boulgakov. Paul Evdokimov s’inscrit aussitôt et termine en 1928 sa licence de théologie. Ce sont les années des rencontres décisives, celles surtout de Nicolas Berdiaev et du père Serge Boulgakov. « L’un philosophe libre, l’autre prêtre et professeur de théologie dogmatique, chacun à sa manière parlait de la liberté orthodoxe, de la mission prophétique de l’Orthodoxie, chacun mettait le plus grand accent sur l’Esprit-Saint » ( citations de « Quelques jalons sur un chemin de vie », Le Buisson ardent, Lethielleux, 1981). Le père Serge développa en lui « l’instinct d’Orthodoxie » : « Il fallait... se plonger dans la pensée des Pères, vivre la liturgie, ‘consommer le feu eucharistique’, découvrir l’icône. » Mais c’est surtout Nicolas Berdiaev qui semble avoir éveillé en lui les intuitions décisives : la faiblesse de Dieu devant la tragique liberté de l’homme, la réponse de l’homme _____________________________________________________________________________________________ Lumière du Thabor Numéro 17 ● mai 2004 Page 4 comme amour créateur où souffle l’Esprit, l’antinomie de l’abîme et de la croix, une pénétration renouvelée du mystère trinitaire où se dévoile le Dieu » pathétique » , pathôn théos, une anthropologie apophatique aboutissant à l’homme comme microcosme et microthéos. Alors aussi se précise la vocation, uploads/Religion/ lumiere-du-thabor-17.pdf
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- Publié le Sep 24, 2021
- Catégorie Religion
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