Les nouveaux possédés (1973)1 Jacques Ellul (Mille et une nuits, 2003) Résumé :

Les nouveaux possédés (1973)1 Jacques Ellul (Mille et une nuits, 2003) Résumé : La post-chrétienté n'est pas une société a-religieuse. Jacques Ellul en donne les nouvelles formes : religions politiques, magie, dérives sectaires, etc. "Quel est alors le malentendu ? Il tient au fait que le recul concerne le christianisme. Or, les occidentaux ont complètement assimilé christianisme et religion. [...] Il faut donc séparer les deux faits et considérer l'explosion religieuse de notre époque en dehors des cadres du christianisme et même des " grandes religions traditionnelles". Or, la singularité, la nouveauté tiennent à ce que ce mouvement religieux moderne se produit dans une société technicienne, par rapport à elle, en fonction d'elle. Et même, on pourrait dire que les nouvelles religions sont provoquées par la croissance technique. Tel est donc ce problème auquel ce livre essaie de répondre : quelle est la situation de la religion dans le monde technicien ? Elle est plus florissante que jamais. La société d'aujourd'hui est lue à travers la place que prennent les notions de sacré, de mythe, de religion qui sont omniprésents. Le fait qu'ils aient abandonné la nature comme lieu de leur manifestation n'est pas la preuve de leur déclin. L'expérience fondamentale de l'homme d'aujourd'hui est celle du milieu technique (la technique ayant cessé d'être médiation pour devenir le milieu de l'homme) et de la société. C'est pourquoi le sacré qui est en train de s'élaborer dans l'inconscient individuel est lié à la société et à la technique, non plus à la nature. ___________ Le monde moderne est sécularisé – vérité maintenant acquise et partout répandue2. Il y a eu la société religieuse, et maintenant nous avons quitté ces formes primitives. Les religions sont de vieux cocons fendus qui peuvent être étudiés par les antiquaires, mais ne sauraient plus exprimer aucune vie : le papillon est sorti de sa chrysalide (p.9). Si nous voulons comprendre, si peu que ce soit, la situation dans laquelle nous nous trouvons, nous devons tenter d'approcher d'un peu plus près celle d'où nous sommes partis, ou plutôt celle à laquelle nous nous opposons : or, il ne s'agit pas des sociétés religieuses (à proprement parler), mais d'une société d'un type très particulier, issue du christianisme et qu'on doit appeler chrétienté (p. 10). Chapitre 1 – La chrétienté Il s'agit du modelage de toute la société par la « vérité chrétienne » (p. 14). Fallait-il prêcher que la foi en Christ c'est l'abandon de la politique, de la philosophie (c'est-à-dire un spiritualisme), ou trouver une morale personnelle pour l'exercice de ces diverses activités (p. 15). Ainsi y eut-il assimilation : le christianisme assimila tout le religieux et le magique antérieur (p. 18). Mais il n'était plus possible de compter sur la foi individualisée des chrétiens. On ne pouvait plus compter sur la consécration et la conduite issues de la foi... La société médiévale est une chrétienté, cela ne veut pas dire que tous ses membres avaient une foi personnelle intériorisée en Jésus-Christ, mais que tous profitaient de la foi commune. Or cela tendait forcément à transformer le christianisme en idéologie, c'est-à-dire que le christianisme devenait une sorte de présupposé collectif (p. 19). 1 On note la date de rédaction des ces propos, bien souvent porteurs d'une dimension prophétique. 2 L'ensemble de ce texte est constitué de citations . J'ai souligné certaines expressions qui me paraissent être des clés. On était dans le domaine d'une croyance assise sur une évidence sociale, généralisée, mais qui n'impliquait plus le don total de soi ou la plus haute ferveur, malgré la croyance sincère dans les vérités évangéliques, transposées à un régime mineur pour les rendre accessibles à tous. Une autre conséquence était la formalisation externe : la morale devenait essentielle. Et rapidement on fut conduit à transformer le moral en juridique. L'Eglise de la chrétienté va se caractériser par le souci moral et par la volonté d'organisation. Ce sont les deux recours pour qu'un vaste ensemble tienne et fonctionne. Mais cela reposait aussi sur une interprétation théologique : la foi était acquise, il s'agissait maintenant de considérer les œuvres qui en découlaient et dans la mesure où il s'agissait d'une « foi implicite », il devenait possible d'agir sur elle à partir des œuvres : c'est-à-dire qu'en intervenant au niveau des conduites pour les redresser, les christianiser, il devenait possible de remonter de là vers la foi. Il ne s'agissait pas de susciter ou de contrôler la foi d'abord, mais de la provoquer à partir de ses fruits (p. 20). La chrétienté présente un autre caractère fondamental : elle est aussi le lieu où l'Eglise assume la culture. Toute la pensée, la connaissance, la vie intellectuelle de la société gréco-romaine seront soigneusement conservés dans et grâce à l'Eglise. Pourquoi l'Eglise remplit-elle ce rôle là ? On répond : parce que les clercs étaient (les seuls) instruits. Mais pourquoi étaient-ils instruits ?... Il y a un certain nombre de services nécessaires pour que les hommes puissent vivre en société. Eh bien, l'Eglise est appelée à assurer tous ceux que personne d'autre n'assure. Elle est la servante universelle partout où rien ne se fait. C'est cela la chrétienté ! Cela implique alors l'établissement par l'Eglise, pour cette société, d'un certain nombre de “principes chrétiens” applicables, principes concernant tous les domaines de la vie (p. 22). Il n'y a aucun domaine de la vie humaine qui ne puisse échapper à Jésus- Christ. Comment ne tirerions-nous pas, dès lors, de la Bible des indications pour l'activité politique et économique ? (p. 23) Il existe encore deux ordres de conséquences : tout d'abord, chrétienté veut dire que toute société particulière se rattache à la chrétienté universelle, géographiquement (p. 24). Le second ordre de conséquence peut s'exprimer par l'identification entre l'Eglise et la société, les deux éléments se recouvrant géographiquement (p. 25). Une société non chrétienne ne pouvait être reconnue comme une véritable société. Seul les Juifs étaient tolérés, vivant dans cette société comme n'y vivant pas, sans droits ni devoirs (p. 26). Maintenant que nous vivons tous avec un préjugé matérialiste invétéré (tout se fait par des motifs de type économique), nous avons pris une vue manifestement inexacte de la chrétienté. Nous transposons sur l'époque VIIIe-XIXe siècles nos constats et nos expériences actuels... et nous avons pris l'habitude, par opposition aux affirmations des siècles précédents, de ne considérer que les effets négatifs de la chrétienté (p. 27ss). Chapitre 2 – Post-chrétienté – Séculariation C'est devenu un lieu commun, que l'on tient pour une évidence vérifiée, que le monde moderne est un monde séculier, sécularisé, athée, laïcisé, désacralisé, démythisé. Et dans la plupart des écrits contemporains on prend ces divers termes comme équivalents sans voir les différences considérables qui peuvent exister entre eux. On veut, en gros, seulement exprimer l'idée que le monde moderne adulte ou majeur ne croit plus, il veut des preuves, il obéit à la raison et non plus à des croyances, surtout religieuses ; il s'est débarrassé de Dieu, du Dieu Père, et lui parler de religion n'a plus aucun sens (p. 35). Le temps de la religion est fini. Tel est le discours habituel, maintenant, dans la plupart des milieux d'intellectuels chrétiens, et particulièrement au Conseil oecuménique. Il est d'ailleurs difficile de distinguer si, dans ce propos, il s'agit de constat de fait, d'un souhait, d'une constatation sociologique ou d'une construction imaginaire d'un type humain abstrait à partir de l'idée qu'on peut se faire d'un homme imbu de la science. On part généralement de l'évidence : “ L'homme moderne a perdu la foi, le message chrétien ne veut manifestement plus rien dire pour les gens de nos sociétés...” et, constatant que l'homme moderne reçoit plus ou moins une orientation technicienne, sinon scientifique, on en conclut implicitement : “C'est parce qu'il est imbu de science qu'il est non religieux”. Or, c'est à partir de cette conviction que l'on assiste dans les Eglises à une tentative de renouvellement impressionnante pour arriver à rejoindre à nouveau cet homme (soit disant a-religieux), et à faire passer le message évangélique. Nouvelles théologies, nouvelles structures d'Eglises, insertion dans le monde moderne, tentatives de témoignage et de prédications non religieuses, etc. (p. 36). En réalité tout le mouvement et la “crise” de l'Eglise actuelle reposent sur cette conviction. C'est pourquoi je pense qu'il est fondamental de savoir si, oui ou non, la constatation est exacte, et si vraiment nous sommes dans un temps déréligiosisé. Comment peut-on dire que la question : “L'homme et le monde actuels sont-ils vraiment devenus majeurs ?” est vaine, alors que c'est à partir de ces affirmations-là et non pas des motifs théologiques, que tout est déclenché, que l'on fait tout dériver ? (p. 37). Il est bien essentiel de savoir si oui ou non l'homme moderne est religieux ou irreligieux. Le post-constantinisme a pris fin avec la Révolution française et avec la loi de séparation de 1905. Mais le terme de post-constaninisme ne rend pas compte de toute la situation, et l'on entre dans un domaine plus flou avec post-chrétienté, laïcisation, sécularisation (p. 39). uploads/Religion/1-nouveauxpossedes-j-ellul-13pages.pdf

  • 28
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Oct 22, 2021
  • Catégorie Religion
  • Langue French
  • Taille du fichier 0.1772MB