La vérité de la Sainte Ecriture et l'Histoire du salut d'après la Constitution
La vérité de la Sainte Ecriture et l'Histoire du salut d'après la Constitution dogmatique « Dei Verbum » Depuis quelques années, et tout spécialement depuis le début du IIe Concile du Vatican, le problème de la vérité ou de l'inerrance de l'Ecriture est de nouveau passé à l'avant-plan de l'actualité théologi- que. Le nombre même des publications récentes sur 1e sujet montre clairement que, dans l'esprit des théologiens et des exégètes, le pro- blème n'était pas encore parfaitement résolu. De la fin du XIX" siècle jusqu'à nos Jours, des tentatives répétées avaient été faites pour montrer en quel sens la Bible ne contient aucune erreur. Mats à voir la diversité des explications proposées, on a le sentiment qu'on n'avait pas encore trouvé la solution définitive, celle qui s'impose d'emblée. Devant un tel état de choses, on peut dire sans exagération que la Constitution dogmatique « Dei Verbum », sur la divine révé- lation ^ dans le paragraphe qui traite de la vérité de l'Ecriture, mar- que un point d'arrivée après un long et laborieux cheminement, ou si l'on veut, le point de maturation du problème ; car le Concile qui vient de se terminer nous donne finalement un principe théologique clair et ferme, sur la façon dont il faut comprendre la doctrine tradi- tionnelle de la vérité des Saintes Lettres. Pour mieux comprendre la portée de cet important document, il est nécessaire d'avoir présentes à l'esprit, aussi bien, la problématique des quatre-vingt dernières années que les solutions proposées pen- dant cette même période. Cet aperçu fera. voir que te texte du IIe Concile du Vatican marque un progrès manifeste sur les solutions antérieures ; la comparaison avec ce qui s'était dit auparavant per- mettra aussi de mieux mesurer toute la signification de ce texte- Dans une deuxième partie, nous examinerons plus attentivement le sens de la formule conciliaire sur la « vérité des Saintes Lettres dans l'ordre de notre salut ». Dans une troisième partie, nous nous de- manderons quelle notion de vérité le Concile y met en œuvre. Une quatrième partie enfin présentera quelques applications pratiques dans le domaine de l'exégèse : elle permettra de comprendre en quel sens il faut interpréter concrètement les textes de l'Ecriture, du point de vue de la vérité qu'ils enseignent. * No» lecteur» trouveront le texte latin-francaifl de cette Coilinlution, publié d-aprèi aux pp. 170-1BS. 150 I . DS LA POTTBRIE, S.J. I. — Le problème de l'inerrance avant le IP Concile du Vatican Le principe théologique de la vérité de l'Ecriture a toujours été affirmé avec force dans la tradition chrétienne, dès le début de l'épo- que patristique, et dans l'Ecriture elle-même. Mais le problème que soulève son application concrète est pratiquement né à l'époque moderne, c'est-à-dire au moment où commencèrent à se développer les sciences positives et la critique historique. 1. L'exemple le plus fameux du conflit entre la science et la Bible est le cas célèbre de Galilée ; l'illustre astronome, à la suite de Coper- nic, affirmait que la terre tourne autour du soleil, contrairement, semblait-il, à l'enseignement très clair des Livres Saints ; on faisait surtout état du livre de Josué : «Soleil, arrête-toi sur Gabaon... Et le soleil s'arrêta au milieu du ciel... » (Jos 10, 12-13). L'Inquisition, saisie de l'affaire, répondit que la théorie héliocentrique était suspec- te d'hérésie, parce que « fausse et contraire aux Saintes Ecritures » 1. C'était aussi, on est bien forcé de l'avouer, la position de l'ensemble des exégètes de cette époque a. Au XIXe siècle, avec le progrès des sciences, le problème devenait toujours plus aigu. L'apologétique chrétienne fut alors tentée de vou- loir donner raison à tout prix à la Bible, en tâchant de montrer que ce qu'elle enseigne est toujours en parfaite harmonie avec les données de la science. C'était le temps du « concordisme » ; on cherchait, par exemple, à retrouver dans les différents «jours» de la création du monde les diverses époques géologiques dont parle la science moderne. Dans le domaine de la science historique, le conflit allait devenir encore plus grave. Grâce aux progrès considérables de l'archéologie et à une connaissance toujours plus poussée des langues orientales, les historiens obtenaient peu à peu une image précise des civilisations de l'Ancien Proche Orient et de son histoire. Certains énoncés de la Bible s'avérèrent dès lors inexacts, par exemple en matière de chro- nologie, ou pour la description du rôle précis qu'avait joué tel ou tel personnage. Certains critiques en conclurent que la Bible n'a guère de valeur comme source de connaissance historique. 2. Quelles furent les réponses des catholiques à ces contestations critiques ? On l'a dit fort justement : « Ceux des théologiens et des exégètes qui étaient correctement renseignés sur les données objecti- 1. Cfr Instîtutiones biblicae, Vol. I, Romae, "195l, p- 477 ; sur toute la question, voir F. SOCCORSI, // processo di Gatiîeff, éd. '« La Civiltà Cattolica ï, ''1963. 2. Voir l'étude de C. M. MARTTNI, Gli esegeti del tempo di Gaîileo, à paraître dans le volume commémoratif du quatrième centenaire de la naissance de Galilée, préparé par l'Université Catholique de Milan. LA VÉRITÉ DB 1 ^ SAINTS ÉCRITURE 151 ves de la science moderne ne pouvaient pas ne pas ressentir un malaise. Au fond, l'exégèse catholique était dans une impasse, et il fallait trouver le moyen de l'en tirer 3 ». On chercha à limiter de différentes manières le champ d'application de la doctrine de-Finerrance. a) Newman, par exemple, voulait soustraire au domaine de l'in- spiration (et donc de l'inerrance) les « obiter dicta», mais cela ne résolvait pas toutes les difficultés- D'autres, comme le chanoine J. Didiot ou Mgr d'Hulsf, disaient que la préservation de toute erreur ne serait assurée que dans ce qui intéresse la foi ou la morale (les res fîdei et morum) 4. Dans les discussions conciliaires toutes récentes, on s'est plus d'une fois référé à cette position de la fin du siècle dernier ; et l'on a prétendu que ia doctrine présentée par certains, et qui devait finalement prévaloir au Concile, nous ramenait à ce point de vue de jadis, formellement condamné par le Magistère. Il importe donc de savoir de façon précise en quoi consistait cette théorie avec laquelle on espérait résoudre le problème vers les années 1900. Il s'agissait d'une limitation purement matérielle de l'inerrance à telle ou telle catégorie de textes : la vérité de la Bible ne serait ga- rantie que là où elle enseigne « la foi ou la morale ». Une distinction de ce genre est malencontreuse et artificielle. Elle suppose une con- ception de la révélation beaucoup trop intellectualiste, comme si Dieu s'était uniquement révélé aux hommes en leur communiquant des « vérités », des doctrines religieuses qui regardent la foi et les mœurs ; cette conception, on le sait, est maintenant dépassée par la Constitu- tion conciliaire, qui nous dit que Dieu s'est révélé en paroles et en actes, « gestis verbisque intrinsece inter se connexîs » (ch. I, n. 2). En outre, une limitation de l'inerrance aux seules choses « religieu- ses », semble supposer que la Bible en contient d'autres, qui seraient «profanes» : autre distinction malheureuse ! La Bible tout entière est inspirée. Comment admettre que Dieu ait pu inspirer les hagio- graphes, pour leur faire écrire des choses purement profanes ? Il faut dire, au contraire, que la Parole de Dieu se réfère partout au dessein salvifique de Dieu ; l'Ecriture, par conséquent, a toujours de quelque manière un caractère religieux. La limitation matérielle de la vérité des Livres Saints'aux seules doctrines religieuses est donc une solution impossible. C'est à Juste titre qu'elle fut rejetée dans les encycliques pontificales de Léon XIII (enc. Proiwientissimus Deus ; EB 124 s.), de Pie X (enc. Pascendi ; EB 279) et de Pie XII (enc. Diz-ino af fiante Spirifu ; EB 539 s.). 3. P. GRJÎLOT, Etudes sur la. théologie du Livre Samî, dans N.R.Th., 85 (1963), 785-806, 897-925 (voir p.. 804). 4. Voir G. COURTADE, art. Ir\s pirafion-Inerraficc, dans DBS, t. 4, col. 498 et 521-522. 152 I. DS ^A POTTSRIE, S,J. b) Après l'encyclique Dl-inno af fiante Spiritu de 1943, les solutions proposées par les théologiens furent déjà beaucoup plus satisfaisan- tes ; elles avaient d'ailleurs été préparées en partie dès le début du siècle. Différents auteurs insistèrent sur le principe des genres litté- raires 5, car c'est surtout grâce à cette méthode qu'il est possible de découvrir la véritable intention de l'auteur inspiré, Le P. Benoît, dans plusieurs articles sur l'inspiration et l'inerrance6, chercha plutôt à considérer la question du point de vue de la psychologie de l'hagio- graphe et de l'objet formel de son Jugement : l'inerrance, disait-il, est limitée par le degré d'affirmation de l'écrivain ; seuls les énoncés où l'auteur affirme dans le plein sens du terme, sont certainement libres de toute erreur, en vertu du charisme de l'inspiration. Ces deux principes d'explication constituaient un progrès notable. Le recours aux genres littéraires, déjà admis et recommandé par Pie XII, uploads/Religion/ de-la-poterie-la-verite-de-la-sainte-ecriture-et-l-x27-histoire-du-salut-d-x27-apres-la-constitution-dogmatique-dei-verbum-nouvelle-revue-theologique-1966.pdf
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- Publié le Jan 08, 2023
- Catégorie Religion
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