L’ÉCOUTE COMME PARADIGME DE L’UNITÉ DE L’ÉGLISE. Rév. MOUMI MOUMI Raoul Pasteur

L’ÉCOUTE COMME PARADIGME DE L’UNITÉ DE L’ÉGLISE. Rév. MOUMI MOUMI Raoul Pasteur de l’Église Évangélique du Cameroun et Doctorant en Philosophie Courriel raoul_2m@yahoo.fr Tel 675243116 RESUME L’unité dans l’Église, corps du Christ est plus que jamais remise en cause aujourd’hui par de nombreuses contradictions inhérentes à l’écoute. Si nous voulons éviter d’aller vers une impasse, il est urgent non seulement de relever ces dysfonctionnements, mais aussi d’y trouver dans l’urgence des solutions. Pour parvenir à ces solutions, il nous a semblé opportun d’aller à la genèse de l’écoute tant biblique qu’africaine pour nous rendre à l’évidence que les deux ont pour point commun de déboucher sur la praxis. Autrement dit, toute écoute a pour téléologie la mise en pratique, sinon elle demeure dans la sphère théorique. Le message de l’Église est prêché aux autres ; elle n’est pas auditrice de ce qu’elle porte comme kérygme à l’attention du monde. On se rend compte dès lors qu’il y a une inadéquation entre l’écoute et l’agir ecclésial d’une part ; et que le matériel tend à subsumer le spirituel. C’est fort de cela qu’il convient à l’Église de porter un coup fatal aux laudateurs de la division en étant l’auditrice première du message, et d’adosser in fine l’unité sur le confort de la philosophie du cogitamus déclinée en bissoïsme. Mots clés : écoute – unité – Église – division – contradiction Abstract The unity of the Church is questioning nowadays due to many contradictions as far as listening is concerned. If we want to avoid the dead-end, it is urgent not only to find out those contradictions but also to point out the solutions. By so doing, we will go at the genesis of both biblical and African listening to yield the facts that both have a common point which is the practice. In other words, every listening has as purpose to lead to the practice, if not it remains only theoretic. The message of the Church seems to be preached to others, she is not one of the listeners of her message. There is therefore an inadequacy between the listening and what the Church does; the materials are taking over the spirituals things. That’s why it suits for the Church to strike those who sack the unity by being the first listener of her message and finally, lead the unity on the philosophy of being together and think together. Key words: listening – unity – Church – division – contradiction 1 Introduction Dans le contexte actuel, émasculé par de nombreuses crises, le discours de l’Église semble avoir perdu de sa puissance. On a l’impression que le monde s’est lassé d’écouter le message de l’Église. D’ailleurs, l’écoute du message par le monde semble n’avoir eu sur celui-ci qu’un effet néfaste tant et si bien que la société sombre dans une décrépitude de mœurs sans précédent. Le monde, peut-on le dire, a cessé d’écouter l’Église ; il n’a plus confiance en son message. Le sel a perdu de sa saveur, il est foulé aux pieds ; la lampe sur le boisseau n’a plus d’huile et l’Église est trop préoccupée à vouloir trouver par elle-même son chemin que de chercher à maintenir la lampe allumée. Il y a comme une distance abyssale entre le message de l’Église et ses propres agissements, son discours contraste avec la praxis attendue d’elle. Cette praxis est plus affirmée que mise en exergue. C’est dire que l’on demeure encore dans la sphère de la spéculation ou d’un message qui convient aux auditeurs de mettre en pratique et non au corps du Christ d’en être le parangon, le modèle, le phare qui guide et éclaire, la lumière qui chasse les ténèbres. De là notre préoccupation à inverser la tendance de l’écoute en donnant à la foi en Jésus d’écouter le monde. C’est même cela la dimension de l’écoute efficiente si l’Eglise veut impacter positivement le monde. La démarche doit changer. La foi doit ouvrir non seulement ses oreilles au monde mais encore et davantage tous ses sens si elle veut rester dans la dynamique d’une foi active capable de bousculer les comportements et de donner aux hommes et femmes de ce siècle de retrouver une humanité vraie et authentique. Plus contextuellement, l’Église ne devrait-elle pas prêter une oreille attentive aux messages qui se dégagent de ses propres contradictions au risque de se ronger la patte comme le renard pris au piège ? Dès lors, le discours de l’Église ne doit-il pas se poser en s’opposant à tout ce qui ravale l’homme et l’assujettit à un monde aux charmes trompeurs ? Autrement dit, quels sont les préalables nécessaires pour un renversement du schéma de communication entretenu depuis lors par l’Église ? Certes, quitter ce paradigme exige un sursaut d’humilité et une bonne dose de courage. Aussi voulons-nous, dans cet article, revenir aux fondements africains de l’écoute, en relevant la téléologie axiologique qui la caractérise et l’adosser ainsi sur l’écoute due au peuple juif. Notre but est toutefois de relever les contradictions qui jaillissent de l’agir ecclésial, à l’effet de rappeler à l’Église sa fonction archontique ou tutélaire de veiller à la transformation des vies par l’attention qu’elle accordera désormais aux échos du monde. 2 I. AUX FONDEMENTS BIBLIQUE ET AFRICAIN DE L’ECOUTE Dans cette première partie, nous ambitionnons d’aller aux fondements biblique et africain de l’écoute. Ce retour aux traditions biblique et africaine de l’écoute charrie la perspective d’une compréhension plus profonde des contradictions en rapport à l’agir de l’Église. En en décryptant les enjeux, nous parviendrons sic à rattacher l’écoute au terreau de l’unité si chère à l’Afrique. 1. Les sources bibliques de l’écoute L’écoute du point de vue biblique est ancrée sur la relation de Dieu avec ses créatures. L’homme, summum de la création divine, et les autres êtres vivants entrent dans la même dynamique de l’écoute, car étant soumis au créateur. Le verbe « écouter » vient de l’hébreu « shama », qui peut aussi être traduit par « entendre », « obéir », avec le sens de « faire attention », « être attentif », « entendre de manière critique », « examiner attentivement »1 . Bien plus, Roger Houngbedji, en donnant une définition de l’écoute, en relève le substrat biblique en ces termes : « Ecouter, du point de vue biblique, c’est s'engager existentiellement à mettre en pratique la Parole de Dieu au point qu'elle s'incarne dans la vie du croyant. L'écoute dans cette perspective est à la fois obéissante et confiante en ce sens qu'elle est détachée de toute idée de contrainte et de soumission aveugle. Cette compréhension de l'écoute trouve une résonnance particulière chez les Pères de l'Église qui, dans une perspective plutôt pastorale, invitent à une lecture spirituelle de la Parole de Dieu dans le but d'en être transformé. »2 Ainsi, la mise en pratique de la parole de Dieu fait sens à l’écoute comme réponse et engagement de l’homme. L’écoute est, comme le souligne l’auteur, le déclic pour une participation plus active de l’homme dans la société. On peut dire par là que l’écoute féconde l’engagement, elle met en action, elle met en mouvement l’homme dans une dynamique de participation active au devenir de la société à laquelle il appartient. L’écoute occupe une place indéniable dans la foi israélite et chrétienne. C’est à partir de là que l’on peut saisir la confession de foi juive dans la mesure où elle trouve une forte assise sur l’écoute. Selon Emmanuel Bissu : « Le titre de cette confession de foi est ‘‘schéma’’, ce qui signifie Ecoute. »3 Le texte de Deutéronome 6,4 apparaît en effet comme la confession de foi juive : « Ecoute, Israël ! L’Eternel, notre Dieu, est le seul Eternel. » Cette confession en soulignant l’unicité de Dieu, fait appel à l’organe de l’ouïe. L’écoute est alors à la base de la relation avec le Dieu Yahvé. D’ailleurs la confession de foi juive est une 1 Nouveau Dictionnaire biblique illustré-Emmaüs, logiciel Bible on line. 2 Roger H., «L’écoute (L’Eglise-famille de Dieu, lieu de l’écoute de la parole de Dieu) », RAM, n°4, 2014, p. 211- 226. 3 Emmanuel B., Nouveau Testament. Introduction, texte et contexte, Yaoundé, Editions CLE, 2002, p. 77. 3 injonction et tout bon juif devait commencer la prière par elle. Frank Michaeli note que le verbe « écouter » est présentifié dans le livre de Deutéronome. Il justifie cette présentification en ces termes : « Le présent est donné comme le temps de l’obéissance à la loi de Dieu. L’observation de la loi est le premier des devoirs du peuple, et cette loi souligne, avant tout, qu’aucun compromis n’est possible entre Dieu et les idoles, entre le vrai culte et l’idolâtrie. »4 L’écoute est le truchement par lequel la loi de Dieu s’offre à l’homme comme horizon non de contrainte mais de devoir. Dans le nouveau testament, le verbe écouter revêt une palette riche et colorée de sens. Il peut signifier « entendre, comprendre » ; « écouter avec l’idée d’obéir », ce qui exemplifie davantage le sens uploads/Religion/article-rts-fini.pdf

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  • Publié le Dec 17, 2022
  • Catégorie Religion
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