PRAGUE en l5l0 CENTRE DE MAGIE Lorsqu'en 1510, Johannès Faust, bachelier en thé
PRAGUE en l5l0 CENTRE DE MAGIE Lorsqu'en 1510, Johannès Faust, bachelier en théologie, Theophrastus Bombastus, dit Paracelse, et Henri Cornélis Agrippa, vinrent à Prague pour étudier la magie, ils arrivaient dans une ville en plein développement. Son Univer- sité jouissait d'une grande renommée, son libéralisme lui avait attiré de nombreux maîtres proscrits pour leurs idées avancées, réfu-giés de I'esprit ou de la politique, professeurs parfois exaltés et souvent suspects. Erasme écrivait : C'est dans ce pays;que Ia philosophie possède d'excel- Ia mogie est fondée sur I'harmonie de I'Univers, elle agit au moyen de forces qui sont liëes les unes aux autres par Ia sympathie. Prorru Puissance des démons...! Comment se fait-il que Ia mogie puisse pareillement nous donner ces miracles? SruNr AucusnN Ients discîples. Juste-Lipse s'incline devant la qualité de ses maîtres : Aujourd'hui, note-t-il, c'est nous qui sommes des bar- bares, à côtë d'eux. C'est la Pologne qui a ouvert ses bras hospitaliers à Ia Grèce et au Latium méconnus et aux Muses méprisées. Les meilleurs chefs de file de Byzance opprimée, anéantie, s'y retrouvaient et y reprenaient leur enseignement. Toutes les thèses s'y rencontraient. Toutes les discussions et toutes les professions de'foi y étaient permises. La Foire de Prague attirait aussi les t7 étudiants. Les auberges avaient table mise nuit et jour. La vieille ville se complétait d'un quartier juif oir toute la nuit brillait la lumière chez les copistes. On allait alors visiter la Cathédrale de Saint-Veit, qui contenait le tombeau de saint Jean Népomucene; puis I'Abbaye des Prémontrés, ornée du tombeau de saint Norbert, son fondateur; ensuite, l'église Saint-Nicolas et celle de la Nati- vité, qui abritait Ia tombe de Tycho Brahé. On continuait par le magnifique pont enjambant la Vlatava. que I'on avait garni de hautes statues de saints. Le Palais du Prince et le Palais de I'Arche- vêque étaient gardés par des hommes en arlnes. Les trois étudiants en philosophie s'at- tardaient à travers la ville. Prague la libé- rale, I'intellectuelle hardie, offrait maints attraits à la jeunesse internationale qui trouvait là des maîtres de grande érudition et des souvenirs émouvants du monde intellectuel. Depuis le xnte siecle, la Bohême, de la mer Adriatique à la Baltique, s'était révélée d'esprit avancé et propice aux centres culturels. On appela rapidement Prague la ville aux cent toufs, pour ses palais, ses forteresses, ses clochers. Les coupoles romanes du xn" siecle étaient celles de Sainte-Croix. de Saint-Martin, de Saint-Longin; la basilique romane Saint-Georges aux deux tours blanches et aux trois nefs, près du château. était une ancienne chapelle du monastère des bénédictins qui servait de demeure au Prince. On dit que sainte Ludmila y séjourna. Les Johannistes de I'ordre des Chevaliers de Malte avaient leur chapelle l8 Saint-Jean au quartier de la Mala Strava, elle venait d'être adaptée au style gothique. On la disait ( sous la chaîne >. en souvenir des fermetures à chaînes du couvent. On loyait aussi la curieuse petite église Saint-Martin-des-Remparts, sur la vieille ville. Au Palais Royal, la cathédrale Saint-Guy avait été édifiée en 1344 sur l'édifice roman du orince Vinceslas et sur les fondations de l'église des princes Spitihnev Il et Vratislav lt. C'est surtout vers le monument élevé au souvenir cruel de Jean Huss, que les jeunes gens dirigeaient leurs pas. Sur la place de Bethléem se voyait l'église de Bethléem où le chef du mouvement révo- lutionnaire hussite, Jean Huss, prêcha pendant plusieurs années, dès 1402. Ses harangues enflammées lui donnèrent pour toute la postérité le rang d'un des plus grands réformateurs de I'Eglise. Les hussites se réunissaient fréquemment dans la cathédrale Sainte-Marie-des-Neiges, place Jungmannovo. Le quartier juif. son ghetto, sa synagogue, datant de 1269, se trouvaient non loin. Jean Huss est né à Husinets, en Bohême, en 1369, et, bien que fils de paysans, fit d'excellentes études à I'Université de Prague, où il fut nommé magister ès Arts de Lettres, en 1396, et où il professa. Prêtre, doyen de la faculté de théologie, ensuite nommé recteur, il tenait une place de tout premier rang et jouissait de la plus haute autorité. Mais son admiration pour l'æuvre de Wiclef devait le per- dre. John V/iclef, docteur en théologie d'Oxford, montra le plus grand goût pour les sciences naturelles. il attaqua le clergé dont il proposait à la Couronne Ia sécularisation des biens. Deux fois, les tribunaux ecclésiastiques le condamnèrent. Il se jeta dès lors, de 1378 à 1384, dans un mouvement d'opposition précurseur de ce que devait être la Réforme. Il prit position contre le pape, appuyant inté- gralement sa foi sur la Bible. Il fonda les prédicateurs pauvres, soutint sur I'Eucha- ristie les thèses hardies que devait affirmer plus tard le moine Luther. Le Concile de 1382 le condamna. Wiclef mourut d'apo- plexie, alors qu'il disait sa messe, en 1365. On y vit la main de Dieu. En 1401, Jérôme de Prague prônait ses théories. Jean Huss prit son parti. En 1410, I'archevêque fit brûler en place publique à Prague les ouvrages de Wiclef, condamna Jean Huss et lança un interdit sur la ville. Trois jeunes disciples de Jean Huss furent envoyés au bourreau, qui leur trancha la tête. Huss les enterra en martyrs. Il s'éloigna de Prague et publia un volume violent, De Ecclesia, nettement inspiré des thèses de Wiclef. Le Conoile de Constance le convoqua, le jeta en prison, et, en 1415, ayant comparu, il lui fut ordonné de brûler publiquement ses ouvrages. Lui-même fut voué aux flammes. Il mourut avec héroïsme. Ses restes furent éparpillés dans le Rhin. Ses partisans prirent alors les armes. La Bohême en fit un héros national, le fondateur de la langue tchèque. On raconte qu'en montant au bûcher, il annonça : De mes cendres naî- tra w cygne que vous ne sauriez brûler. Luther devait être salué comme le cygne de Jean Huss. Or, malgré I'archevêque, on ensei- gnait ouvertement à Prague les doctrines interdites et les sciences occultes. Les chro- niqueurs de l'époque assurent que I'on venait de fort loin entendre les maîtres en magie. On les trouvait au vieux quartier juif. C'est là, dit-on, qu'ils fabriquaient leurs Golem. Le Golem était une création magique bien connue et pratiquée dans les ghettos de Prague. C'était une statue d'homme que le Rabbi envoûtait par des passes et des paroles, puis qu'il animait en écrivant sur son front une inscription magique : Eunr. La statue alors se mettait en marche et accomplissait les actes que lui comman- dait le magicien opérateur. Quand celui-ci effaçait l'inscription, la statue tombait en poussière. Théophraste Paracelse nourrissait une grande admiration pour son aîné, Johan- nès Faust. Tous deux avaient la même devise : Rien de caché qui ne doive être découvert. Aussi travaillaient-ils avec acharne- ment, en compagnie de Cornélis Agrippa, les textes chaldéens, les manuscrits per- sans, les grimoires arabes et grecs, que I'on ne trouvait que dans cette ville. Les maîtres professaient, dans les bas quar- tiers, ce que Jean Spies nommait en 1587 : < les arts dardai,riens >> (Dardaniae Artes) qui comprenaient : la nécromancie (necromantia), les paroles magiques (car- t9 mina), la sorcellerie (venefcam), la pro- phétie et voyance (vaticinia), les charmes (incantatio), et autres branches du savoir en magie. Tout cela plut fort au Dr Faust, écrit Jean Wier. // y spéculait et ëtudiait nuit et jour. Esprit brillant, érudit, théolo- gien consommé dans la connaissance des É,critures, Johannès Faust. diplômé d'Hei- delberg, était surnommé parmi les étu- diants : Ie spéculateur. Parlant de ses titres universitaires, Jean Spies précise : Il jeta tout cela au vent et rtt bientôt franchir toutes les barrières à son ôme. Le chroniqueur réformé le condamne mais I'admire : II aimait trop, ajoute-t-il, ce qui ne doit pas être aimé et le poursuivait nuit et jour. II donnait à son esprit l'essor de l'aigle. Nous dirions aujourd'hui, dans les milieux universitaires, que nous avons I'exemple de trois aigles : Faust, Paracelse et Agrippa. Trois amis philosophes pas- sionnés des choses de I'esprit et qui s'étaient connus chez le maître en magie le plus célèbre d'Allemagne, dont le pouvoir et les évocations infernales lui conféraient grande célébrité et nombre de visiteurs et d'élèves : I'abbé Jean Tritheim. LES LEçONS DE TRITHEIM, L'ABBÉ MAGICIEN DE WURTZBOURG Johannès Faust avait connu Tritheim à Heidelberg. Il le rencontra à Gelnausen et le visita dans son ermitage de Wurtz- bourg. Le moine célèbre était benédictin. 22 Il naquit près de Trèves, à Tritheim, dont il prit le nom. Il se nommait en réalité Johannès Heidenberg. A vingt-deux ans il avait choisi la robe de bure de Saint- Benoît et, en 1483, pris la tête du couvent de Sponheim comme abbé. Son goût délibéré pour les sciences inconnues enseignées par Pic de la Mirandole, Albert le Grand, Bernard Trévisan, Arnold de Villeneuve, par les maîtres qui se réclamaient des dogmes d'Hermès Tris- mégiste qu'il possédait souverainement, puis ses expériences d'alchimie selon les préceptes de Basile Valentin, suscitaient l'étonnement. Il enseigna même à ses moines les arts, il les incita à écrire, à copier sur parchemin. Il constitua une bibliothèque uploads/Religion/ histoire-de-la-magie-018-064-p01 1 .pdf
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Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Mai 05, 2021
- Catégorie Religion
- Langue French
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