6° Congrès international francophone sur la PME - Octobre 2002 - HEC - Montréal
6° Congrès international francophone sur la PME - Octobre 2002 - HEC - Montréal Du champ de l’entrepreneuriat à l’étude du processus entrepreneurial : quelques idées et pistes de recherche1 Alain FAYOLLE Maître de Conférences INPG-ESISAR CERAG, EPI2 Résumé L’étude des processus est aujourd’hui au cœur de nombreux travaux dans le domaine de l’entrepreneuriat. L’objectif de notre contribution est d’avancer quelques idées et suggestions destinées à esquisser des pistes de recherche s’inscrivant dans ce courant de recherche. Pour cela, nous partons d’une revue de la littérature consacrée au champ de l’entrepreneuriat, pour repérer des tendances d’évolution de la recherche et identifier des contributions structurantes. Ce travail nous ayant permis de mieux comprendre l’intérêt des approches basées sur les processus et les principaux concepts utilisés, il devient alors possible d’organiser nos idées et de développer autour de deux dimensions importantes qui concernent les aspects « statique » et « dynamique » des processus entrepreneuriaux. 1 Nous remercions, tout particulièrement, l’évaluateur « 692 » qui, par la qualité de ses commentaires et de ses suggestions, nous a permis d’améliorer ce travail. 2 L’auteur est chercheur au CERAG (Université Pierre Mendès France de Grenoble) et responsable d’une équipe de recherche, EPI, sur les processus de création d’activités innovantes. 6° Congrès international francophone sur la PME - Octobre 2002 - HEC - Montréal 1 Le champ de l’entrepreneuriat est éclaté et ses multiples composantes sont observées et analysées par des économistes, des sociologues, des historiens, des psychologues, des spécialistes des sciences du comportement ou des sciences de gestion (Filion, 1997). Ce domaine émergent fait l’objet, par ailleurs, de nombreuses controverses et il apparaît que si l’on parle beaucoup d’entrepreneuriat et d’entrepreneur, en France et dans le monde, beaucoup reste encore à faire pour définir précisément ce que ces notions recouvrent et ce qu’en sont leurs principales implications socio-économiques. Marchesnay résume simplement ce constat : « La notion d’entrepreneur est l’une des plus controversées, et des plus chargées de sens, de l’analyse stratégique » (Marchesnay, 1995, p. 153) et positionne, de facto, l’entrepreneuriat dans le champ de la stratégie. Les rapports de l’entrepreneuriat avec d’autres disciplines et champs scientifiques sont d’ailleurs au cœur des préoccupations d’une certain nombre de chercheurs comme en atteste le récent numéro spécial de la revue Strategic Management Journal3. Même si quelques contributions significatives ont été apportées, dans le domaine de l’entrepreneuriat, l’étude scientifique de ce dernier en est encore à ses premiers pas (Brazeal, Herbert, 1999). De nombreuses recherches se sont focalisées sur les caractéristiques individuelles et les traits de personnalité des entrepreneurs (Mc Clelland, 1961 ; Mc Clelland, Winter, 1969 ; Brockhaus, 1980 ; Hisrich, O’Brien, 1981)4. Les recherches des dix dernières années ont contribué à étendre le champ et en accroître l’hétérogénéité à travers l’émergence de nouveaux thèmes. C’est ainsi que Filion (1997, p. 10) recense 25 thèmes principaux de recherche en entrepreneuriat. Les approches disciplinaires indépendantes ne suffisent plus aujourd’hui pour progresser dans la connaissance du phénomène entrepreneurial qui apparaît de plus en plus complexe, de par sa nature même (Gartner, 1989 ; Wortman, 1987 ; Bruyat, Julien, 2001). La complexité de l’objet et du champ de recherche accroît, d’une façon considérable, la difficulté du travail des chercheurs et explique probablement l’insuffisance de continuité dans les recherches (Wortman, 1987 ; Gartner, 1989). A tel point que des interrogations apparaissent, notamment, à propos des extensions récentes du champ : « Are these truly expansions of a central entrepreneurial phenomenon or are they, for the most part, unrelated applications of entrepreneurial concepts to other fields such as organization theory, international management, or human resources ? » (Brazeal, Herbert, 1999, p. 30). L’entrepreneuriat, en tant que domaine de recherche, se trouve à un carrefour. Il nous semble que le développement scientifique de ce champ ne peut se poursuivre qu’à partir d’une vision commune et d’un large accord sur un corpus de connaissances, des théories produites, des perspectives et des méthodes de recherches utilisées. De nombreux chercheurs se rejoignent sur ce sentiment et revendiquent, plus ou moins, l’émergence de nouveaux paradigmes (Gartner, 1985 et 1988 ; Wortman, 1992 ; Cunningham, Lischeron, 1991 ; Dhery, Toulouse, 1995 ; Bull, Willard, 3 Strategic Management Journal, 2001, « Strategic Entrepreneurship : Entrepreneurial Strategies for Wealth Creation », vol.22, Special Issue. 4 Pour une revue de la littérature plus complète voir Gartner (1988). 6° Congrès international francophone sur la PME - Octobre 2002 - HEC - Montréal 2 1993 ; Bouchikhi, 1993 ; Bruyat, 1994 ; Filion, 1997 ; Brazeal, Herbert, 1999 ; Fayolle, 2000 ; Bruyat, Julien, 2001). Dans ce mouvement, le but de la présente contribution est de tenter d’esquisser des pistes de recherche en entrepreneuriat à partir des connaissances théoriques et empiriques actuelles. Dans une première partie, nous allons parcourir la littérature scientifique consacrée à l’entrepreneuriat. L’objectif de notre revue est de repérer des tendances d’évolution des activités de recherche dans ce domaine et également d’identifier des concepts et des éléments de connaissance structurants. Donner une vue synthétique du champ de l’entrepreneuriat et présenter ces éléments de connaissance structurants constitueront notre deuxième partie. Enfin, nous terminerons ce travail en dégageant quelques voies et perspectives de recherche dans le domaine de l’entrepreneuriat, orientées sur l’étude des processus. 1 – Le champ de l’entrepreneuriat : une lecture globale Trois questions fondamentales peuvent résumer une grande partie de l’activité de recherche en entrepreneuriat5. S’inspirant, d’une formulation de Stevenson et Jarillo (1990), ce triple questionnement peut ainsi être proposé : « What on Earth is he doing… ? » constitue la première interrogation, « Why on Earth is he doing… ? » la seconde et, « How on Earth is he doing… ? », la dernière (Tornikoski, 1999). Nous retrouvons, ici, les approches fonctionnelles (What) des économistes, l’approche centrée sur les individus (Why and Who) des spécialistes des sciences du comportement et les approches processuelles (How) des gestionnaires. Nous allons, tout d’abord, évoquer les points de vue des économistes qui s’intéressent aux effets de l’entrepreneuriat et au rôle de l’entrepreneur dans le développement du système économique (1.1). Après ce premier regard, nous aborderons successivement, les approches centrées sur les individus (1.2) et sur les processus (1.3). 1.1 -Les regards singuliers des économistes Les bases historiques de l’entrepreneuriat appartiennent, aux sciences économiques. Le concept d’entrepreneuriat apparaît dans la littérature économique à travers les écrits de Richard Cantillon (Landstrom, 1998 ; Filion, 1997). Cantillon est le premier à présenter la fonction de l’entrepreneur et son importance dans le développement économique. Il souligne notamment, dans son analyse du phénomène entrepreneurial, le rôle de l’incertitude et du risque. L’entrepreneur de Cantillon « prend des risques dans la mesure ou il s’engage vis-à- vis d’un tiers de façon ferme, alros qu’il n’a pas de garantie certaine de ce qu’il peut en attendre » (Boutillier, Uzunidis, 1999). Jean-Baptiste Say est le deuxième économiste à s’être beaucoup intéressé aux activités de l’entrepreneur (Fillion, 1997, p. 3). Pour lui l’entrepreneur est avant tout un preneur de risques qui investit son propre argent et coordonne des ressources pour produire des biens. Il crée et développe des activités économiques pour son propre compte. L’entrepreneur devient une figure centrale du développement économique avec la publication de la Théorie de l’évolution économique (Schumpeter, 1935). Pour Filion (1997) 5 Dans un travail récent de revue de la littérature, Danjou (2002) distingue trois angles d’approche privilégiés par les chercheurs en entrepreneuriat : l’entrepreneur, l’action et le contexte entrepreneurial. Ces trois niveaux rejoignent, en grande partie, notre triple questionnement. 6° Congrès international francophone sur la PME - Octobre 2002 - HEC - Montréal 3 Schumpeter peut-être qualifié de père du champ de l’entrepreneuriat. L’entrepreneur schumpétérien est avant tout un innovateur et un agent de changement : « l’essence de l’entrepreneuriat se situe dans la perception et l’exploitation de nouvelles opportunités dans le domaine de l’entreprise… cela a toujours à faire avec l’apport d’un usage différent de ressources nationales qui sont soustraites de leur utilisation naturelle et sujettes à de nouvelles combinaisons6 ». L’entrepreneur prend donc des risques pour innover, notamment, en réalisant de nouvelles combinaisons productives (Schumpeter, 1935). La définition schumpétérienne de l’innovation n’est pas restrictive, dans la mesure où les 5 types de recombinaison identifiés correspondent aux différentes opportunités de profit présentes dans une économie capitaliste (Boutillier, Uzunidis, 1999, p. 30). La contribution de Schumpeter est essentielle car elle a donné ses assises aux champ de l’entrepreneuriat. Néanmoins, d’autres courants de la pensée économique apportent un éclairage différent ou complémentaire et constituent également des points de vue intéressants. Nous voudrions citer, sans être exaustif, Knight (1971) et la relation de l’entrepreneur à l’incertitude, Kirzner (1983) et les opportunités liées à des besoins ou des imperfections de marché, Leibenstein (1979) et son modèle de mesure de l’inefficacité dans l’utilisation des ressources et enfin Casson (1982) et l’importance de la coordination des ressources et la prise de décision. En synthèse, le point de vue des économistes est important car il donne une base historique au champ de l’entrepreneuriat. Il est également multi-composantes et tend à dégager, au moins, deux figures d’entrepreneurs et uploads/Science et Technologie/ champ-d-x27-entrepreneuriat.pdf
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- Publié le Aoû 06, 2022
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