La classification périodique des éléments chimiques La meilleure invention du m
La classification périodique des éléments chimiques La meilleure invention du millénaire! Dans le supplément spécial du New York Times du 18 avril 1999, intitulé : «The Best Ideas, Stories and Inventions of the Last Thousand Years», Oliver Sacks (p. 116) a défendu l’idée que la meilleure invention du millénaire avait été le tableau périodique des éléments chimiques. Voyons si cette opinion se justifie en retraçant les grandes étapes de l’évolution du tableau périodique de Mendeleïev. Tous les éléments chimiques connus et à venir trouvent leur place selon un système proposé par Dimitri Y. Mendeleïev (1834-1907) au siècle dernier et représenté aujourd’hui par nos tableaux périodiques modernes. Ce chimiste russe fit une étude approfondie de la relation entre les poids atomiques (la propriété fondamentale la mieux connue à cette époque) et les propriétés chimiques et physiques des éléments et découvrit l’existence d’un ordre naturel qui s’exprime, en bref, par la loi : «Les propriétés sont des fonctions périodiques des poids atomiques». En 1869, Mendeleïev illustra cette loi en publiant une première classification (tableau 1) dans laquelle il rangea les 63 éléments reconnus comme tels par ordre de poids atomiques croissants en utilisant un système de rangées et de colonnes de manière à refléter les analogies chimiques et physiques entre groupes d’éléments. En 1871, Mendeleïev améliora cette classification (tableau 2) en changeant la place de 17 éléments à la suite de la révision des poids atomiques, qui faisaient alors l’objet d’un examen très attentif. Ces modifications s’avérèrent justifiées à l’exception de 4 éléments (Di, Ce, Er, La) qui trouvèrent éventuellement leur place dans le groupe des «terres rares» : Di, le didymium, s’est avéré être un mélange de « terres rares ». En 1871, Mendeleïev présenta aussi une classification (tableau 3) qui voulait refléter le pouvoir combinatoire (la valence) des éléments avec l’hydrogène et l’oxygène : les éléments étaient disposés sur huit colonnes, numérotées I à VIII, selon la valence, et partagés en sous-groupes, selon les analogies chimiques. C’est de cette classification que découlent la division des éléments en groupes A et B et le format dit La classification périodique des éléments chimiques Page 2 «court» du tableau périodique, qui a été longtemps en usage (tableau 4). Pour respecter les analogies entre éléments, Mendeleïev laissa de nombreuses cases vides dans les classifications de 1871 et eut l’audace de prédire que 9 d’entre elles seraient remplies par des éléments alors inconnus. Il alla jusqu’à décrire de façon détaillée les propriétés de 3 de ces inconnus et de façon plus générale celles des autres. La réalisation rapide des trois prédictions détaillées par l’identification du gallium (1875), du scandium (1879), et du germanium (1886) fut un triomphe pour la nouvelle classification qui, dès lors, suscita un immense intérêt dans la communauté scientifique. Quatre des six autres prédictions se réalisèrent beaucoup plus tard avec l’identification de 2 radioéléments naturels (Fr et Po), du premier radioélément artificiel (Tc) et du rhénium. La classification subit un premier assaut avec la découverte, en 1894, de 2 gaz simples sur la planète terre : l’argon dans l’air par Lord Rayleigh et W. Ramsay, et l’hélium dans un minerai d’uranium par W. Ramsay (l’hélium avait été identifié dans l’atmosphère solaire en 1868, d’où son nom dérivé de helios, soleil en grec). Comme aucune place dans le tableau périodique n’était prévue pour recevoir ces nouveaux éléments, on trouva un ajustement en y ajoutant une colonne supplémentaire, une heureuse solution qui amena Ramsay à prévoir l’existence de 3 nouveaux gaz, homologues de l’hélium et l’argon pour compléter cette dernière colonne en conformité avec les rangées déjà existantes. Encore une fois, l’expérience confirma les prévisions : Ramsay et M.W. Travers isolèrent, en 1898, le néon, le krypton et le xénon. Le radon s’ajouta bientôt (1900) à cette colonne à laquelle on attribua le numéro zéro, VIII A ou VIII B dans différents formats du tableau périodique. La classification eut à subir un autre assaut avec l’identification sur une assez longue durée (1878-1907) d’une dizaine d’éléments chimiquement voisins, semblables à des éléments déjà connus, mais qui avaient été difficiles à classer dans le système de Mendeleïev. On les nomma groupe des «terres rares». Encore une fois, on réussit à sauvegarder l’échafaudage de Mendeleïev en plaçant tout le groupe des «terres rares» dans une seule et même case, celle du lanthane. Ce groupe d’éléments, compris entre le lanthane et l’hafnium, prit éventuellement le nom de série des lanthanides. Il y eut beaucoup de tâtonnements en essayant de les déployer dans un système de classification avant d’en arriver à la forme actuelle qui place le groupe de 14 éléments (Z = 58-71) sous forme d’une rangée horizontale à la base du tableau. L’étude de la désintégration radioactive de l’uranium, en fait celle des radio-isotopes U-238 et U-235, et du thorium, le Th-232, par Marie et Pierre Curie, Ernest Rutherford, Frederick Soddy et d’autres éminents chercheurs mena à la découverte de 7 éléments manquants, tous radioactifs : le polonium (1898), le radium (1898), l’actinium (1899), le radon (1900), le protactinium (1917), la francium (1939) et l’astate (1940). Ils trouvèrent tout naturellement leur place dans les cases laissées vacantes entre le bismuth et l’uranium. La classification périodique des éléments chimiques Page 3 Notons que l’astate, bien que produit en très petites quantités dans les chaînes et désintégration de U-238, U-235 et Th-232 a été d’abord obtenu par l’irradiation du bismuth avec des particules alpha dans un cyclotron selon la réaction 209 Bi + 4 He → 211 At + 2 1 n (neutron) 83 2 85 0 L’ajout, très tôt, dans les bonnes cases de 4 éléments manquants (Po, Ra, Ac, Rn) apportait une preuve additionnelle au bien-fondé de la classification de Mendeleïev qui devint acceptée presque par tous. Toutefois, il existait encore un accroc au principe de cette classification selon lequel les éléments devaient se ranger selon l’ordre croissant de leurs poids atomiques. Cet accroc consistait en des inversions de poids atomiques qu’il fallait introduire pour trois paires d’éléments pour que ces derniers se retrouvent dans le même groupe que leurs homologues. Ces inversions sont : l’argon (39,95) avant le potassium (39,10), le cobalt (58,93) avant le nickel (58,69), et le tellure (127,60) avant l’iode (126,90). Le développement des théories modernes sur la structure de l’atome permit cependant d’expliquer ces inversions. Au début du XX ième siècle, l’atome commença à livrer ses secrets : - avec la conception du modèle nucléaire de l’atome par Rutherford et son école (1911-1912); - avec l’observation par C.G. Barkla (1911) de raies caractéristiques émises par les éléments, raies maintenant appelées rayons X caractéristiques; - avec la suggestion révolutionnaire par N. Bohr (1913) que les électrons occupent des états stationnaires (pas de pertes d’énergie dans cet état) et qu’ils émettent de l’énergie de façon discontinue, par quanta ou paquets, seulement en passant d’un état à un autre (émission de rayons X caractéristiques); - avec la proposition de A. van den Broëk (1913) que le nombre de charges positives (les protons) dans le noyau d’un atome coïncide avec le rang de l’élément dans le tableau. L’aboutissement fut les travaux de H.G.J. Moseley (1913) qui fit une étude systématique des rayons X caractéristiques émis par un certain nombre d’éléments bien identifiés. Ce physicien anglais trouva que leurs rayons X caractéristiques se différenciaient par un décalage régulier avec l’ordre croissant de leurs rangs ou numéros atomiques selon la nouvelle nomenclature. Moseley tira de ces résultats une relation simple (la loi de Moseley) permettant de déterminer les valeurs exactes des numéros atomiques de n’importe lequel élément par la La classification périodique des éléments chimiques Page 4 mesure de leurs rayons X caractéristiques. Ce résultat eut pour conséquence de montrer qu’il était plus naturel de ranger les éléments par ordre croissant des numéros atomiques que par celui des poids atomiques, éliminant ainsi le problème des inversions précitées. La composition isotopique des éléments explique ces inversions dans le classement par ordre de poids atomique. Des travaux de Moseley découla une nouvelle classification des éléments dans laquelle le rang occupé par chaque élément prit le nom de numéro atomique, depuis le numéro 1, attribué à l’hydrogène, jusqu’au numéro 92, attribué à l’uranium. La loi de Moseley devint un outil puissant pour reconnaître le numéro atomique et le rang d’éléments manquants dans le tableau périodique. Parallèlement aux révélations sur l’atome se développa la notion d’isotopie pour résoudre le problème suivant. La désintégration radioactive de l’uranium et celle du thorium menait à l’identification d’une trentaine d’espèces radioactives qui, en se transmutant, aboutissaient au plomb, un élément stable. Or ces espèces radioactives étaient en nombre bien plus grand que celui des cases vides dans le tableau périodique entre l’uranium et le bismuth. Surtout certaines de ces espèces avaient un comportement chimique identique. Pour résoudre cette énigme, Soddy émit en 1913 l’hypothèse d’atomes chimiquement identiques avec des poids atomiques et des propriétés nucléaires différents pour lesquels il proposa le nom d’isotopes. Cette hypothèse s’est avérée juste. Après avoir montré que le plomb avait aussi des isotopes, on émit la possibilité qu’il devait en être uploads/Science et Technologie/ classperiod-jcroy 1 .pdf
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- Publié le Jan 09, 2022
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