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HAL Id: hal-01711094 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01711094 Submitted on 16 Feb 2018 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Entretien avec Michel Chion : de la recherche sur le son au cinéma aux pratiques de réalisation audiovisuelle Rémi Adjiman To cite this version: Rémi Adjiman. Entretien avec Michel Chion : de la recherche sur le son au cinéma aux pratiques de réalisation audiovisuelle. Une architecture du son, L’Harmattan, 2006, 2-7475-9747-4. hal-01711094 ENTRETIEN AVEC MICHEL CHION DE LA RECHERCHE SUR LE SON AU CINEMA AUX PRATIQUES DE REALISATION AUDIOVISUELLE Entretien réalisé le 26 mai 2004 par Rémi Adjiman R.A. Actuellement, quels sont vos centres d’intérêt, sur quoi travaillez vous ? M.C. Actuellement, je travaille sur la finition d’un livre consacré à l’œuvre de Kubrick. Parallèlement, je compose un peu à la manière d’un peintre c’est-à-dire sans destination particulière, sans savoir quand ce sera terminé. Je viens de finir d’écrire un petit livre qui m’a été commandé par un éditeur anglais consacré au film de Terrence Malick, La ligne rouge1. Ce livre va sortir en anglais à la fin de l’année. Ce sont mes principales activités personnelles du moment, mais je termine également mon semestre d’enseignant contractuel à la fac. R.A. Quelles sont les différentes préoccupations qui ont guidé votre activité de chercheur ? Y a-t-il eu des leitmotivs, des réflexions récurrentes qui ont fait régulièrement progresser votre démarche ? M.C. J’ai commencé par être compositeur et chercheur en musique concrète et en acoulogie2. Je le suis toujours. Et puis, mes recherches se sont élargies au cinéma, un peu grâce à des circonstances parmi lesquelles Pierre Schaeffer qui a été mon maître et dont j’ai été l’assistant. Il m’a proposé d’enseigner à sa place le son au cinéma à la fin des années 70. Cela a coïncidé de manière heureuse avec la vidéocassette amateur, qui a donné la possibilité de regarder et d’écouter des films autant que l’on voulait sur un petit dispositif. J’ai fait des cours à l’IDHEC3 en choisissant des bons films et en les étudiant en faisant des expériences d’écouter sans voir, de regarder sans entendre. C’est à partir de ces observations que j’ai commencé ce travail qui a abouti à une série de livres et d’enseignements . Je continue à écrire et à chercher sur le son. Qu’est-ce que le son ? Qu’entendons-nous ? J’ai produit un livre important pour moi qui s’appelle « Le son »4 chez Nathan grâce à Michel Marie. Il s’agit d’un livre transversal, ni spécifiquement pour les gens de la musique, ni pour ceux du cinéma. Il est pour tous ceux qui s’intéressent au son, les psychanalystes, les chercheurs… Ce livre est sorti en 1998, mais n’a pas eu de véritable écho. Je travaille actuellement sur un très gros projet sans moyen ni éditeur qui s’appellera « Le livre des sons ». Il s’agit à la fois d’un répertoire des sons à travers l’histoire, 1 Malick, Terrence, The thin red line, 1998 2 Néologisme proposé par Pierre Schaeffer pour désigner l’étude des mécanismes de l’écoute et des potentialités musicales des sons. 3 Institut Des Hautes Etudes Cinématographiques 4 Chion, Michel, Le son, Nathan, Paris, 2000 E ntr et ie n a vec M ic hel C hio n 2 un répertoire des mots sur les sons dans une série de langues. Il devrait faire un millier de pages. C’est le prolongement de mon travail de chercheur sur le son. Je fais bien la démarcation entre mon travail de chercheur à visée scientifique et mon travail de compositeur. Je fais les deux, mais parallèlement. La grande idée de Pierre Schaeffer, c’est de ne pas confondre les deux rôles. Aujourd’hui, on a tendance à parler de recherche musicale pour quelqu’un qui fait des sons, des improvisations au piano. Or l’idée, c’est d’utiliser le mot recherche pour une véritable recherche à caractère scientifique. Cela permet d’ailleurs d’enrichir la création, mais indirectement, seulement. Il ne faut pas chercher tout de suite à valoriser la recherche par la création, ni se réclamer un peu trop de la recherche lorsque l’on fait de la création. Il ne faut pas confondre les deux domaines. La recherche est pour moi un travail d’observation, de réflexion et d’expérience. Inversement, pour la composition musicale ou la réalisation de film, je me base sur mes réactions, mes sensations. R.A. Comment expliquez-vous, ces dernières années, les articles qui tendent à décrier Pierre Schaeffer ? M.C. C’est principalement à cause de son indépendance. Il ne tenait pas le discours habituel, il voyait les choses de manière sceptique et complexe. Or, malgré les apparences, beaucoup de gens du domaine de l’art contemporain ont un discours qui est contraire à la complexité, un discours promotionnel et publicitaire en faveur de l’art contemporain. On peut faire de la recherche et de la création contemporaine et se poser des questions. Schaeffer n’avait pas ce côté publicitaire, il se posait de nombreuses questions, il ne les cachait pas et il dérangeait. De plus, on ne pouvait pas le mettre sous une casquette unique. Les gens aiment bien pouvoir classer. Lorsqu’on me demande, vous êtes quoi ? Je réponds cela dépend de ce que l’on appelle le verbe être, pour ma part je fais, je fais des choses. Pierre Schaeffer, même de son vivant et en pleine activité, n’a jamais été vraiment accepté. Ses recherches ont été très discutées. Peu de gens ont pris la suite ; la preuve c’est que son traité n’est enseigné nulle part et je serais une des seules personnes susceptibles de le faire, mais personne ne me le propose. Je vais peut-être créer un enseignement hors institution pour le faire ; il faut bien que quelqu’un commence. En même temps, dans d’autres pays, le nom de Pierre Schaeffer est très estimé. Beaucoup pensent qu’en France des enseignements lui sont consacrés. Ils sont étonnés d’apprendre que je suis le seul à continuer ce qu’il fait. Il est très peu valorisé. C’est d’ailleurs un phénomène qui est arrivé plus d’une fois avec des chercheurs français qui se sont dits : on va aller voir ailleurs parce que l’on ne se sent pas aidé chez nous. Ce n’est pas un cas unique. R.A. Quelles sont les recherches récentes ou moins récentes, sur le son et plus généralement sur le cinéma, qui vous donnent envie de réagir ? Que pensez-vous en particulier des sciences cognitives ? M.C. Je suis de parti pris. Dans mon livre « Le son », je consacre quelques pages à l’approche cognitiviste et je suis assez critique. Je pense qu’elle se pose parfois de E ntr et ie n a vec M ic hel C hio n 3 fausses questions. Dans ce courant, les chercheurs pensent que le mot son désigne quelque chose de précis. Il faut faire la critique du mot. Un des aspects du problème, c’est qu’en français comme dans d’autres langues, sound en anglais, ton en allemand, sono en italien, on a un mot qui d’une part désigne un phénomène physique qui se déroule de toute façon qu’il y ait une oreille dans le coin ou pas – on parle ici des vibrations d’un milieu qui obéit aux lois de l’acoustique – et d’autre part désigne les sensations sonores. En fait, cette double identité du mot est créatrice d’une grande confusion. Or – en oubliant le phénomène physique – on en arrive à ne considérer que la subjectivité de la perception et on tombe alors dans le subjectivisme absolu qui conduit à considérer que chacun voit une chose différente. Avec cette approche, on ne peut plus étudier quoique ce soit. Je reproche à certaines démarches cognitivistes de rester dans un schéma que je peux appeler pré-schaefferien, c’est-à-dire de ne pas avoir pris connaissance du travail fondamental qu’a fait Schaeffer sur ce que l’on peut appeler le causalisme, c’est-à- dire le fait de pouvoir rattacher le son à une cause. Il est important de bien dissocier le phénomène physique, de l’objet de perception. Pour moi, à bien des égards, certains aspects des recherches cognitivistes sont plutôt régressifs . Ils nous font plutôt revenir en arrière en méconnaissant pas mal de choses. D’ailleurs dès qu’il s’agit des questions de langage, je me suis aperçu qu’ils ignoraient le B et A, BA de la linguistique, c’est-à-dire qu’un phonème ce n’est pas la même chose qu’un son. On peut penser que cela se décantera. Alors, quelles sont les recherches qui me passionnent ? Tout simplement les miennes parce que je suis mon idée et cela me conduit à publier une série de livres dont celui sur le son, dont je parlais précédemment. R.A. J’entends bien que vous défendez uploads/Science et Technologie/ entretien-avec-michel-chion.pdf
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Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Aoû 13, 2022
- Catégorie Science & technolo...
- Langue French
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